Economie Les travailleurs saisonniers, une nébuleuse ignorée des statistiques
Vendeur de glaces sur la plage, réceptionniste de nuit ou vendangeur dans le Beaujolais: les travailleurs estivaux forment une nébuleuse ignorée des statistiques, même si cette population présente des traits communs, principalement la jeunesse et la précarité.
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"Il n'existe pas de recensement précis du nombre de saisonniers", déplore Isabelle Depuydt, de la CGT, qui a lancé cette année sa première campagne nationale à l'adresse de ceux qu'elle qualifie de "nouveaux prolétaires des temps modernes". Selon la centrale syndicale, ils seraient 1,5 à 2 millions au total, dont 800.000 dans l'agriculture et 240.000 dans les hôtels, cafés et restaurants. Le monde du travail saisonnier apparaît comme un patchwork, d'autant plus difficile à cerner que le travail au noir concernerait près de 20% des salariés saisonniers, selon la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC).
Pourtant, des caractéristiques communes se dessinent. Dans le tourisme, "les saisonniers ont pour la plupart entre 18 et 25 ans", explique à l'AFP Jean-François Serazin, vice-président de l'Umih, l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie, première organisation patronale du secteur. Les syndicats distinguent trois types de saisonniers: ceux qui effectuent des contrats de passage, sans qualification (beaucoup d'étudiants en juillet-août), les professionnels (cuisiniers, etc.) qui choisissent d'être saisonniers, et les "pluriactifs locaux" qui vivent presque exclusivement des saisons. Ces derniers, souvent peu qualifiés, représenteraient environ 20% de la population saisonnière, selon la CGT. "Un pluriactif travaille en général à la montagne: l'hiver aux remontées mécaniques, l'été dans un bar. Entre les deux il touche le chômage", indique Jérôme Morin, de la CFDT. Selon Antoine Fatiga (CGT), la nouvelle convention d'assurance-chômage, entrée en vigueur en janvier, risque de "limiter les possibilités d'indemnisation" des saisonniers, qui "touchent souvent un revenu inférieur au RMI en dehors des saisons".
Les saisonniers figurent parmi les salariés les plus précaires, avec par définition une situation instable et des rémunérations inférieures à la moyenne. Le logement est pour eux un problème récurrent, les loyers étant inabordables pour un smicard dans les stations touristiques. "La situation est catastrophique. Quand l'employeur ne loge pas son salarié (il n'en a pas l'obligation, NDLR), c'est la grande débrouille: logements collectifs, campings, etc.", explique Mme Depuydt. Des initiatives locales ont été prises, à l'instar d'un accord interprofessionnel signé en juin dans les Hautes Alpes pour garantir un logement décent. Le gouvernement a annoncé début août des crédits d'impôts pour les particuliers propriétaires de résidences de tourisme à condition que l'exploitant du parc immobilier réserve 15% des logements aux saisonniers.
Au problème du logement viennent s'ajouter des conditions de travail souvent pénibles: selon la JOC, "un jeune sur six travaille plus de 56 heures par semaine et les heures supplémentaires sont souvent impayées". La précarité explique selon les syndicats la faible attractivité des métiers de l'hôtellerie qui connaissent une pénurie chronique. En parallèle, les employeurs se disent "arrosés de demandes" de jeunes des pays de l'Est. Un décret vient d'être publié, visant à simplifier leur embauche, mais "pas suffisamment", regrette M. Serazin. Selon la CFDT "dans certaines régions, l'ANPE refuse l'accès aux annonces à des étudiants étrangers et incite les chômeurs à aller vers des contrats saisonniers". La réinsertion des chômeurs par le biais de contrats saisonniers reste néanmoins marginale.
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