Danone La CEJ donne toute latitude à la Commission pour punir les cartels
En confirmant jeudi l'amende infligée au groupe français Danone pour cartel, la Cour européenne de Justice (CEJ) laisse le champ libre à la Commission pour sanctionner encore plus sévèrement les entreprises récidivistes en matière d'entente illégale.
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"Hallucinant!", "un truc absolument fou!": pour cet avocat bruxellois, comme pour de nombreux autres experts de la concurrence, l'arrêt rendu par la CEJ sera lourd de conséquences. Dans cette décision, la Cour de Luxembourg a confirmé la condamnation par Bruxelles du groupe agro-alimentaire, coupable d'avoir participé à un cartel sur le marché belge de la bière entre 1993 et 1998. Fin 2001, la Commission européenne avait infligé au belge Interbrew (devenu InBev), ainsi qu'à Danone, ancienne maison-mère du brasseur Alken-Maes, une amende collective de 91 millions d'euros pour s'être entendus sur les prix. Danone avait écopé d'une amende d'autant plus forte (44 millions d'euros) qu'il était multi-récidiviste. Il avait en effet déjà été condamné à deux reprises, en 1974 et en 1984, pour participation à des ententes illégales, la première remontant à la fin des années 1950.
Pris à parti par Danone, le tribunal de première instance de la CEJ a en 2005 quelque peu allégé la facture, à 42,4 millions d'euros. Jeudi, la Cour a débouté Danone en appel et confirmé ce chiffre. Malgré le fait que la récidive remontait à plus de 25 ans et qu'elle concernait un cartel dans le verre plat --un secteur extrêmement éloigné de celui des brasseurs--, la Cour a jugé que la Commission avait été "fondée" à retenir "la récidive comme circonstance aggravante". Plus qu'une simple affaire Danone, ce cas représente une véritable victoire pour la Commission, désormais libre de fixer les amendes comme elle l'entend. La Cour, relève Michel Debroux, avocat chez Hogan & Hartson, a surtout confirmé "qu'il n'existe aucune prescription pour la prise en compte du facteur de récidive.
En d'autres termes, une affaire ancienne, quelle que soit son antériorité par rapport aux faits jugés, peut être prise en compte dans l'appréciation de la notion de récidive". Pour un avocat bruxellois ayant requis l'anonymat, il est "incroyable" que la Commission ait été autorisée à parler de récidive "pour des faits remontant à la fin des années 1950!". Remonter aussi loin dans le temps pour des infractions n'est possible aujourd'hui que pour les crimes contre l'humanité, rappelle-t-il. En outre, relève-t-il, une multinationale aura beau avoir un code de conduite irréprochable, elle ne sera jamais à l'abri de déviances de ses cadres, tant qu'ils ne risqueront pas une amende individuelle ou une sanction pénale. Cet arrêt est une victoire d'autant plus intéressante pour la Commission que celle-ci a modifié en septembre sa méthode de calcul des amendes.
Alors que les anciennes règles permettaient de majorer le montant de l'amende de 50% une seule fois, les nouvelles règles prévoient une augmentation pouvant atteindre 100%, et ce pour chaque récidive. Selon les calculs de plusieurs avocats, certaines infractions pourraient désormais coûter dix fois plus cher qu'avant à leurs auteurs! Mais une amende d'un milliard d'euros par exemple, même si "en valeur absolue c'est énorme, ça ne veut rien dire si l'on ne regarde pas l'infraction en cause", justifie Hubert de Broca, qui a co-rédigé la réforme pour la Commission, en évoquant des cartels de plus de 15 ans, ayant rapporté des centaines de millions d'euros à leurs participants. Avec cette réforme, reconnaît-il néanmoins, "on a touché un seuil psychologique où une conscience commence à se faire jour".
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