Beurre frelaté Un dossier de fraude communautaire devant la justice
La justice va se pencher, mercredi et jeudi à Créteil, sur une fraude présumée aux subventions européennes de 51,9 millions d'euros, portant sur du beurre industriel frelaté acheté à la fin des années 1990 par des sociétés françaises à des entreprises italiennes liées à la mafia.
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Après huit années d'instruction, les responsables de deux sociétés françaises ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel de Créteil. Claude Dumont, 70 ans, ex-gérant de la société Sodepral, de Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne), Guy Fléchard, 50 ans, pdg de la société Fléchard, installée à La Chapelle d'Andaine (Orne), et Jean-Pierre Boisgontier, 53 ans, son directeur des achats, sont tous poursuivis pour escroquerie en bande organisée. MM. Fléchard et Boisgontier le sont, de plus, pour vente de produit falsifié. Les deux sociétés sont renvoyées en tant que personne morale.
En octobre 1999, l'Office européen de lutte anti-fraude (OLAF) avait averti les autorités françaises d'un vaste trafic de beurre industriel frelaté initié par des entreprises italiennes liées à la Camorra pour toucher des subventions communautaires. Ce beurre frelaté était fabriqué à base de "vrai" beurre mélangé notamment à du suif, du saindoux, de l'huile de palme ou de coco, dans des proportions allant de 30% à 40% de matières étrangères, parfois jusqu'à 70%. Il était utilisé selon l'OLAF pour la production de préparations alimentaires et de beurre concentré. Pendant plusieurs années, Sodepral, un courtier, a importé ce beurre principalement pour le compte de la société Fléchard. Celle-ci, après transformation et mélange avec d'autres beurres, l'exportait vers des pays tiers, percevant ainsi à son tour des subventions européennes.
Selon l'accusation, les responsables des deux sociétés étaient parfaitement au courant que le beurre importé d'Italie était falsifié par l'adjonction de produits non laitiers. De multiples rapports d'analyses démontrant la non-conformité du beurre ont été retrouvés à l'occasion de perquisitions dans leurs locaux. C'est donc en toute connaissance de cause, et afin de percevoir des aides communautaires, que la société Fléchard aurait importé ce beurre frelaté, moins coûteux.
Ce que la défense conteste. Il s'agit "seulement d'un problème de qualification du beurre éligible aux aides européennes", a déclaré à l'AFP Me Michel Ayache, avocat de M. Fléchard, en s'indignant que son client ait été "mis dans le même sac que des mafieux italiens". "Nous allons plaider la relaxe et nous avons des arguments sérieux" pour cela, a ajouté Me Ayache, en soulignant que "la santé publique n'était pas en jeu". Le conseil de Claude Dumont, Me Bernard Sansot, a de même jugé "fantasque qu'on pense que Sodepral puisse être lié à la Camorra". L'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers (Onilait), organisme chargé en France de verser les aides communautaires, a estimé à 51,9 millions d'euros le montant des subventions touchées indûment entre 1997 et 2000 par la société Fléchard pour un beurre non conforme à la réglementation.
Des responsables d'autres sociétés laitières avaient été mis en examen avant de bénéficier d'un non-lieu. Mercredi, ces sociétés seront sur le banc des parties civiles, aux côtés de l'UFC-Que choisir. Quant aux acteurs italiens de ce dossier, ils n'ont pas été mis en examen en France dans la mesure où ils étaient déjà dans les mains de la justice italienne.
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