Nourriture clonée L'Europe a des doutes "éthiques"
L'arrivée d'animaux clonés dans les assiettes des consommateurs européens ne semble pas pour demain, contrairement aux Etats-Unis, en raison des craintes de l'opinion et des doutes des experts, illustrés jeudi par un avis critique d'un comité bioéthique européen.
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Le comité d'éthique européen sur la science et les nouvelles technologies (EGE), une instance créée par la Commission européenne, a indiqué ne "pas voir d'arguments convaincants justifiant la production de nourriture à partir de clones et de leur progéniture", dans un communiqué. "Compte tenu de l'ampleur actuelle des souffrances et des problèmes de santé des animaux porteurs et des animaux clonés, le comité doute de la justification éthique du clonage des animaux à des fins alimentaires", souligne-t-il.
Si, malgré tout, l'Union européenne devait donner son feu vert, il recommande d'appliquer plusieurs critères stricts pour garantir l'innocuité des produits des animaux clonés et de leur progéniture, veiller à une traçabilité fiable et au bon traitement des bêtes.
Cet avis tranche d'une part avec celui de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), qui a jugé vendredi que les aliments provenant d'animaux clonés, tels que la viande et lait, ne présentaient pas plus de danger que ceux issus d'animaux conçus de manière traditionnelle. Il prend surtout ses distances avec les Etats-Unis, où l'Agence américaine de réglementation des produits alimentaires (FDA) a donné cette semaine son feu vert à la commercialisation de produits issus de bovins, d'ovins et de porcs clonés, les jugeant sans risque pour la consommation humaine.
Un coup de pouce pour l'industrie biotechnologique américaine qui, depuis la naissance de la brebis Dolly, premier mammifère cloné né en 1997 en Grande-Bretagne, a investi des sommes importantes dans le clonage pour parvenir à reproduire un cheptel doté des meilleures qualités génétiques. Le sujet est beaucoup plus conflictuel dans l'Union européenne où les produits génétiquement modifiés, baptisés "nourriture Frankenstein" par leurs détracteurs, font figure d'épouvantail.
"Il ne faudrait pas jouer à l'apprenti sorcier", a mis en garde cette semaine l'association des consommateurs Test Achat en Belgique à propos des aliments clonés. Les pays de l'UE sont déjà très divisés sur la question des OGM. Un seul produit, un maïs transgénique de la firme américaine Monsanto, est autorisé à la culture. Et la France vient de décider de suspendre cette autorisation.
Embarrassé, Bruxelles, avant de prendre une décision sur la nourriture clonée, affirme vouloir attendre l'avis final de l'EFSA attendu en mai et surtout les conclusions d'un enquête prévue auprès des citoyens européens, traditionnellement très sceptiques sur le sujet. "Il est très important pour nous" d'avoir l'opinion des Européens sur cette question, a assuré mercredi le commissaire européen à la Santé Markos Kyprianou à Bruxelles.
Au final, l'avis plutôt négatif du comité bioéthique et les résultats de l'enquête d'opinion pourraient donner des arguments suffisants à la Commission pour refuser, au moins dans l'immédiat, une commercialisation des produits clonés pour l'alimentation, et éviter ainsi de déclencher une nouvelle polémique après les OGM et les hormones. Mais un refus l'exposerait à un recours des Etats-Unis devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC), venant s'ajouter au contentieux qu'elle a déjà avec Washington au sujet des restrictions que l'UE impose aux OGM.
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