Grandes cultures biologiques « Il faut trouver le bon équilibre »
La rentabilité des grandes cultures biologiques était un des sujets débattus lors d'une journée technique organisée par Arvalis et l’Itab. Zoom sur les incitations et freins à la conversion ainsi que sur les perspectives du marché avec Philippe Viaux, ingénieur chez Arvalis.
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Terre-net Média (TNM) : Pourquoi observe-t-on un léger recul des surfaces cultivées depuis 2006 qui sont repassées sous la barre des 90.000 hectares ?
Philippe Viaux a animé les débats
lors de la journée technique. (© DR)
Philippe Viaux (PV) : Il y a trois raisons principales : d’abord la diminution des aides avec l’arrêt des Cte (contrat territoriaux d’exploitation) et la réduction des Cad (contrat d’agriculture durable), mais aussi la chute des prix entraînée par les nombreuses conversions faites en 2000-2002 car nous sommes brutalement passés d’une production déficitaire à excédentaire. La troisième raison est le changement de réglementation de l’alimentation des volailles obligeant un lien au sol qui a donc provoqué un besoin de surfaces et une réduction de la consommation de maïs et donc une baisse de prix. Ces aspects se sont tassés mais ils ont rendu les agriculteurs extrêmement méfiants. Depuis 2006, certains arrivent en fin de contrat. Ils s’étaient engagés pour cinq ans et tous ne renouvellent pas leur engagement. On observe surtout une baisse dans le Sud-est, mais pour le reste entre les nouvelles conversions et les abandons, ça s’équilibre.
TNM : Qu’est-ce qui incite aujourd’hui à se convertir au bio ?
PV : Certains freins sont en train d’être levés, comme le plafonnement des aides par exemple pour lequel le ministre, Michel Barnier, a promis d’injecter 12 millions d’euros à l’automne. Le système de crédits d’impôts a également été doublé donc nous pensons que les conversions vont reprendre. Les prix du marché sont également incitatifs puisque les céréales biologiques se vendent en général 2 à 2,5 fois plus chères qu’en conventionnel. Leurs cours varient également du simple au double (de 200 à 400 € la tonne de blé par exemple) mais les agriculteurs peuvent mieux valoriser leurs produits.
TNM : La conversion est aussi une question d’éthique…
PV : Ceux qui sont vraiment archi convaincus par l’agriculture biologique se sont déjà convertis depuis longtemps. La première motivation est en général aujourd’hui plutôt économique. Mais parmi ceux qui se lancent certains y prennent vraiment goût et deviennent de vrais passionnés d’agronomie. Il y a aussi parfois des raisons de santé. Certains optent en effet pour le bio suite à des allergies aux produits phytosanitaires.
Quelques craintes autour du Grenelle
TNM : Quelles sont les perspectives pour les grandes cultures biologiques ?
PV : La grande difficulté est de maîtriser les conversions pour qu’elles s’adaptent au mieux au marché, mais c’est compliqué à cause du manque de chiffres exacts les importations et exportations, et de la variabilité des prix comme des rendements. S’il y a d’un seul coup beaucoup de conversions, les prix risquent de s’effondrer. L’idéal serait une évolution de 10% par an. L’objectif du Grenelle inquiète un peu les agriculteurs car si on double la surface cultivée d’ici 2012, ça parait compliqué d’équilibrer le marché. Nous partageons la relance du bio prônée par le Grenelle et c’est bien d’être ambitieux mais il faut vraiment y aller progressivement. Il n’y a rien de pire que les à-coups connus ces dernières années avec des incitations puis des freins brutaux.
TNM : Y-a-t-il un vrai potentiel ?
PV : Oui, mais il ne faut pas faire n’importe quoi, et surtout, je le répète, il faut trouver le bon équilibre…. La France est le plus grand exportateur de céréales alors pourquoi on y arriverait pas en bio ? On observe toutefois un manque d’enthousiasme des professionnels du secteur puisque le bio ne représente aujourd’hui que 2% de la production française. On est devenus les derniers de la classe en Europe alors qu’on était historiquement les premiers dans les années 70.
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