Commerce Le Japon veut accomplir sa « deuxième ouverture » grâce au libre-échange
Cent quarante ans après l'empereur Meiji, le Premier ministre nippon, Naoto Kan, veut accomplir la « deuxième ouverture » du Japon via des accords de libre-échange avec l'Europe et l'Amérique, mais le monde paysan craint pour sa survie.
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Séoul vient en outre de signer un traité de libre-échange avec l'Union européenne (UE), ce qui va rendre ses produits plus compétitifs, et en négocie un autre avec les Etats-Unis. « La position du Japon s'effrite. Il devient moins intéressant, pour les étrangers, de faire des affaires au Japon ou avec les Japonais », rappelle Ivan Tselichtchev, professeur d'économie à l'Université de gestion de Niigata.
Les géants industriels comme Toyota, Sony ou Panasonic sont d'autant plus impatients de voir leurs produits franchir, sans entrave, les frontières qu'ils souffrent de la hausse du yen depuis deux ans, ce qui les oblige à réduire leurs marges. Le Japon a déjà signé onze traités de libre-échange bilatéraux, dont l'un avec l'ensemble de la zone Asean regroupant dix nations du Sud-Est asiatique (Vietnam, Birmanie, Thaïlande, Malaisie, Philippines, Indonésie, Singapour, Brunei, Cambodge et Laos).
L'Europe attend que le Japon lève ses « barrières non tarifaires »
Il vient de surcroît de conclure un accord de principe avec l'Inde, prévoyant d'éliminer 94 % des taxes aux frontières entre les deux pays d'ici à dix ans. Tokyo n'a en revanche aucune convention de ce type avec l'UE ni avec les Etats-Unis, grands « consommateurs » mondiaux courtisés par les dynamiques économies asiatiques, pas plus qu'avec la Chine. Peu pressées de supprimer les tarifs douaniers avec les économies occidentales jusque-là, les autorités nippones activent aujourd'hui le mouvement. En marge du sommet du G20 à Séoul, M. Kan a proposé aux dirigeants européens d'entamer des négociations dès le printemps.
Mais le Vieux continent attend que le Japon accepte de lever ses « barrières non tarifaires », un ensemble de règles strictes imposées sur les produits importés, des médicaments aux voitures en passant par la viande et les matériaux de construction. Tokyo assure qu'il s'agit de normes sanitaires répondant aux exigences de sécurité de la population. Les Etats-Unis accusent le Japon de refuser d'acheter sa viande de boeuf, en se réfugiant derrière un prétendu risque lié à la maladie de la vache folle. Poussé par les milieux d'affaires qui menacent de délocaliser davantage, M. Kan a annoncé juste avant d'accueillir le sommet économique Asie Pacifique (Apec) que l'archipel allait participer aux discussions d'élargissement du Partenariat transpacifique (Tpp).
« Nous devons d'abord réformer l'agriculture japonaise »
Le Premier ministre de centre-gauche martèle qu'après l'ouverture du Japon, décidée en 1868 par l'empereur Meiji après un isolement de 250 ans, le pays doit s'ouvrir « une deuxième fois », en éliminant ses barrières commerciales. Le Tpp constitue une zone de libre-échange aujourd'hui limitée à Brunei, au Chili, à la Nouvelle-Zélande et à Singapour. Mais les Etats-Unis frappent à sa porte, comme l'Australie, la Malaisie, le Pérou et le Vietnam. Le président américain Barack Obama voudrait conclure son élargissement d'ici au prochain sommet de l'Apec à Hawaï en novembre 2011. « Si le Japon ne se joint pas au Tpp, il coulera », a prévenu Genpachiro Aihara, président du comité de consultation patronal auprès de l'Apec. M. Kan n'a pourtant rien promis quant à l'entrée effective du Japon dans cet espace, faisant face à la forte pression d'une paysannerie inquiète pour son avenir.
« Si nous acceptons le Tpp, l'agriculture japonaise, la pêche, l'exploitation forestière, tout disparaîtra », a prévenu Mamoru Moteki, principal représentant des agriculteurs. La surface moyenne des exploitations nippones, familiales, est cent fois plus petite qu'aux Etats-Unis. La ruine risque de s'abattre sur des fermes aujourd'hui protégées par d'importantes taxes sur les importations (près de 800 % sur le riz, 200 à 300 % sur le blé, le beurre ou le sucre). « Ouvrir le pays provoquera des souffrances, nous devons donc d'abord réformer l'agriculture japonaise », a reconnu M. Kan, soulignant que la moyenne d'âge des paysans nippons dépassait 65 ans. Bien que peu nombreux, les agriculteurs japonais disposent d'un poids important, de nombreux élus ruraux figurant parmi les principaux responsables politiques.
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