Login

Champ planet'terre En Roumanie et en France, Michel et Olivier Créteur, céréaliers face à une Pac pas si commune que ça

A Mircea Voda en Roumanie, Michel Créteur, 61 ans, donne à son métier d’agriculteur la dimension d’entrepreneur, dont il estime avoir été privé sur son exploitation, à Chémery-sur-Bar dans les Ardennes. En Roumanie, tout est multiplié par dix : le nombre d’hectares, l’effectif de salariés, les volumes des récoltes. Et la Pac n’est pas vécue comme une entrave à l’exercice de l’activité agricole. En France, à Chémery-sur-Bar, le fils de Michel, Olivier, nouvellement installé, fait face à une montagne de contraintes.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.


« L’exploitation doit être autonome pour fonctionner, mais le siège décisionnel de la Srl est en France, à
Chémery-sur-Bar où je passe l’essentiel de mon temps
», explique Michel. (© DR)

En Roumanie

Michel Créteur et ses associés, céréaliers dans le comté de Constanta

Entrepreneur sur 2.630 ha

A Mircea Voda, début mars, les semis d’orge de printemps (150 ha) ont précédé ceux de maïs (950 ha) et de tournesol (570 ha). Michel Créteur, ses quatre associés et leurs 32 salariés cultivent au total 2.630 ha loués, par leur société à responsabilité limitée (Ndlr : Srl, l’équivalent en Roumanie des Sarl françaises), à plus de mille propriétaires. « A 80 €/ha, le montant du fermage incite les propriétaires à mettre leurs terres en location », se satisfait Michel.

Depuis l’entrée de la Roumanie dans l’Union européenne en 2007, le soja Ogm résistant aux herbicides n’est plus cultivé. « Ce qui est bien désolant car nous pouvions espérer récolter 4 t/ha de graines et surtout avoir des terrains propres à moindre coût ».
Le soja Ogm convenait très bien à la remise en cultures des parcelles en friches ou mal cultivées, reprises successivement depuis 2000. « En plus d’enrichir le sol en azote, cette culture limitait le nombre d’interventions et la consommation de gasoil », assure Michel.

« Des contrôles, sans les excès vécus en France »

La réforme de la Pac post 2013 sonnera le glas des dispositifs d’aide à l’investissement, mis en place avant l’entrée de la Roumanie dans l’Union (fonds Sapard remplacés par le Feader, puis le Feder). Or, ces systèmes ont été essentiels pour permettre à Michel de s’installer, de construire un outil de production viable et d’acquérir plusieurs matériels subventionnés à 50 %. Le silo de 7.000 t (965.000 €) en construction sera la dernière réalisation ainsi financée.
Depuis 2007, Michel assimile les aides Pac attribuées (environ 110 €/ha en 2010) à des soutiens à l’investissement. Elles se substituent à ceux du Feder, mais les sommes en jeu sont moins importantes.


La Srl michel emploie 32 salariés. (© DR)

Après 2013, l’harmonisation des aides Pac et l’augmentation des montants perçus, qui en découlera en Roumanie, compenseront la baisse attendue des subventions à l’irrigation, versées par le gouvernement roumain. « Un montant de 150 €/ha compenserait le manque à gagner », estime Michel qui souhaite par ailleurs une Pac post 2013 dotée d’un second pilier fort, afin que les régions rurales aient les moyens d’investir pour offrir des infrastructures attrayantes. « Il faudra aussi recréer un environnement détruit par 50 ans de collectivisme, en reboisant et en replantant des haies pour lutter contre une désertification menaçante ». A ce jour, la Pac telle qu’elle est appliquée en Roumanie n’entrave pas le développement de l’entreprise de Michel. « Il y a des contrôles sans les excès que nous vivons en France », précise-t-il.

Saisir les opportunités du « marché mer Noire »


Pour saisir les opportunités du « marché mer Noire », les céréales produites sur l'exploitation sont
vendues « départ de ferme », par camion. (© DR)

La Srl de Michel est une petite Pme de 32 salariés, dont 20 sont directement rattachés aux activités de production. L’équipe est encadrée par deux ingénieurs français. La société emploie aussi un gardien, des ouvriers du bâtiment pour les travaux de modernisation et des secrétaires pour les nombreuses charges administratives. « L’exploitation doit être autonome pour fonctionner, mais le siège décisionnel de la Srl est en France, à Chémery-sur-Bar où je passe l’essentiel de mon temps ».

Assolement de l'exploitation (2010)

Blé d'hiver : 730 ha

Orge d'hiver : 130 ha

Orge de printemps : 150 ha

Tournesol : 570 ha

Colza : 100 ha

Maïs irrigué : 950 ha

Beaucoup de transactions sont en effet effectuées depuis la France, d’où sont importés les matériels utilisés en Roumanie. Certains travaux seront bientôt simplifiés pour compenser le renchérissement du coût du travail, inhérent à l’augmentation du niveau de vie et à la croissance économique.

A ce jour, les bénéfices (100 à 200 €/ha selon les années) nets de rémunération,  imposés à 16 %, sont entièrement réinvestis. De plus en plus, pour saisir les opportunités du « marché  mer Noire », les céréales produites sur l’exploitation de Michel sont vendues « départ de ferme », par camion, tout au long de la campagne.

Elles sont exportées en majorité vers la Turquie. Les importantes capacités de stockage permettent actuellement de profiter des cours élevés. Et dans un proche avenir, l’exploitation sera reliée au réseau ferré (voie de chemin de fer à proximité).


En France

Michel Créteur et son fils Olivier, céréaliers dans les Ardennes

« Sans lisibilité » sur 330 ha


Selon Michel et son fils Olivier, « il est difficile de comprendre
quelle doit être la place de l'agriculture dans la société ». (© DR)

A Chémery-sur-Bar, Olivier Créteur est le porteur de projet de sa famille en France. Il s’est installé il y a trois ans sur une ferme de 145 ha, voisine du siège de l’exploitation familiale, et il cultive dorénavant 330 ha avec son père. Mais que de capitaux immobilisés par rapport aux surfaces engagées ! (Ndlr : 600.000 € pour l’installation d’Olivier). Et surtout que d’obstacles ! « L’agriculture française est mondialisée avec des contraintes "franco-françaises" », explique Michel. « On sanctuarise les campagnes avec des zones protégées (Natura 2000, zones excédentaires, trames vertes) qui conduisent, les agriculteurs, à vivre dans l’insécurité.  Il est difficile de comprendre quelle doit être la place de l’agriculture dans la société, tant les signes envoyés sont contradictoires.

Des montagnes de contraintes

Assolement de l'exploitation (2011)

Céréales : 150 ha

Colza : 30 ha

Maïs séché : 100 ha

Féveroles : 40 ha

Nous manquons de lisibilité. Toutefois, ce n’est pas uniquement Bruxelles qui est en cause, mais plutôt le gouvernement français. La Pac est la même en France qu’en Roumanie, avec des montagnes de contraintes en plus. Si bien qu’avec les contrôles à répétition,  mon père et moi redoutons toujours de mal faire ! La moindre opération foncière est compliquée. Alors qu’à Mircea Voda, les échanges de parcelles pour rendre l’entreprise viable sont facilités.

Quant aux aides directes de 300 €/ha (Dpu), que mon père et moi recevons, elles constituent un élément primordial du revenu. C’est pourquoi il est difficile d’entrevoir une réduction des aides, perçues par les producteurs des pays membres historiques de l’UE, sans que leur niveau de vie soit sacrifié. »

Cet article est extrait de Terre-net Magazine n°5. Si vous ne l'avez pas reçu chez vous, retrouvez Terre-net Magazine en ligne en cliquant ICI.


(© Terre-net Média)

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement