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Politique d’installation Les juristes en quête de dispositifs plus efficaces

Lors des rencontres de droit rural, co-organisées par la Saf et l’Afdr, les spécialistes du droit agricole ont soulevé de nombreuses critiques à l’égard de la politique d’installation. Cette politique est, selon eux, de plus en plus inadaptée au contexte actuel. Pourtant, des outils juridiques déjà existants permettraient de faciliter l’installation des jeunes, notamment en matière de reprise de foncier.

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L'accès au foncier constitue l'un des principaux freins
à l'installation des jeunes. (© Terre-net Média)

Selon les spécialistes du droit agricole, la politique d’installation n’est pas assez efficace pour soutenir les jeunes installés dans leur projet professionnel au regard d’un certain nombre d’éléments structurels. C’est ainsi que les praticiens du droit ont répondu à la question « La politique d’installation est-elle assez performante ? » posées lors des dernières rencontres de droit rural organisées le 24 novembre 2011 par l’Association française de droit rural.

La question de la performance de la politique d’installation apparaît légitime au regard des chiffres de l’installation. Moins de 6.000 jeunes bénéficient des aides sur un total de l’ordre de 14.000 installations par an. Le nombre total d’installations, lui, régresse.

Alors qu’il plafonnait à environ 16.000, le nombre annuel d’installés a sensiblement baissé en 2009 et 2010, se situant autour de 13.000. Pour Bernard Peignot, vice-président de l’Afdr, cette évolution est « une source d’inquiétude au regard des enjeux de l’agriculture de demain. »

« S’installer aidé, c’est se soumettre »

« S’installer avec les aides, c’est se soumettre ! », résume Luc Bodiguel, chargé d’enseignement à la Faculté de Nantes et d’Angers. Se soumettre à des critères et des décisions, mais aussi s’engager et rendre des comptes pendant cinq ans quant au respect, notamment, du plan de développement de l’exploitation. 30 % des « non aidés » se disent ainsi réfractaires au système des aides. Pour les praticiens du droit, le plan de professionnalisation personnalisé, notamment, serait trop complexe.

De nombreux outils existants, mais imparfaits

Au-delà des aides à l’installation, les juristes se sont penchés sur différents outils existants censés faciliter l’entrée d’un jeune dans le métier. Selon eux, « l’inflation législative impressionnante » en matière de dispositifs à l’installation a engendré une superposition « d’outils souvent inadaptés et imparfaits ».

« Le contrôle des structures est censé privilégier l’installation quand il y a cession d’exploitations viables et vivables. Or, il est inadapté et mérite une remise à plat, estime Bernard Peignot. Même le répertoire à l’installation, qui doit faciliter la rencontre entre les cédants et les candidats, n’est pas efficace. » 75 % des agriculteurs qui cèderont leur exploitation dans les cinq ans qui viennent n’ont pas de successeur connu.


Après avoir brutalement chuté lors de la réforme
de la Pac de 1992, le nombre de Dja versées
ne cesse de baisser. (© DR)

« La politique d’installation doit ainsi s’accompagner vers une politique de transmission, en accompagnant les cédants pendant cinq ans », confirme Joël Clergue, vice-président de Jeunes Agriculteurs en charge du dossier Installation.

Accès difficile au foncier

Le foncier prend une part croissante dans le coût des reprises d’exploitation. Or les outils juridiques ne sont plus adaptés. « Le bail rural a rendu service pendant des années, mais il n’est plus assez souple, notamment en matière de sous-location et de cession de bail », indique Lionel manteau, avocat à Compiègne et membre de l’Afdr.

Par ailleurs, les outils créés par la loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006 restent, selon lui, imparfaits et donc inutilisés. « Avoir une dizaine de propriétaires rend la création et la valorisation d’un fonds agricole impossible. Et avec le bail cessible, autre innovation juridique de la loi, il y a un fort risque de surenchérissement des reprises. Le prix d’un hectare est déjà suffisamment cher. Dans le Santerre, certaines parcelles se négocient au plus offrant, à des tarifs avoisinant les 15.000 €/ha. »

Des solutions juridiques déjà existantes, mais non utilisées, permettraient pourtant d’installer plus facilement. « La location-gérance est un système qui fonctionne bien dans d’autres secteurs d’activité. Pourquoi ne pas l’utiliser en agriculture ? Le système de fiducie permettrait aussi de rendre plus progressif l’achat de foncier, et donc étaler davantage le coût des reprises. »

Vers une harmonisation européenne

Reste qu’avec la Pac post-2013, la politique d’installation prendra une dimension européenne plus forte. « En Europe, la dizaine de pays disposant d’une politique d’aides se sont largement inspirés des outils français », rappelle Jérôme Mater, chef du bureau de l’installation et de la modernisation au ministère de l’Agriculture.

Selon la proposition de la Commission européenne, la Pac post-2013 réservera au moins 2 % des aides du premier pilier aux jeunes agriculteurs. De quoi consolider les soutiens dans les pays, comme la France, disposant d’une véritable politique d’installation, et surtout soutenir un minimum les jeunes dans les pays où il n’y en a pas, notamment en Allemagne, aux Pays-Bas ou au Danemark.

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