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Entente sur la farine (suite) Le « cartel de la poudre blanche » condamné, quels impacts pour les coopératives et les agriculteurs ?

Les principaux producteurs de farine français et allemands ont été condamnés mardi 13 mars par l'Autorité française de la concurrence à de très lourdes amendes, pour « une série d'ententes illégales sur les prix ». Les groupes coopératifs français, Axereal et Vivescia (Champagne Céréales et Nouricia), qui détiennent un nombre de parts important des meuneries concernées, sont donc condamnés à les payer. Vivescia et Coop de France métier du grain dénoncent fermement les montants disproportionnés de ces sanctions. Les meuneries font appel de la décision de justice.

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L'Autorité française de la concurrence ne confondraient-elle pas meuneries et cartel de la droque ?
En tout cas, dans les couloirs des coopératives l’affaire du « cartel » fait réagir ! « Le montant de la sanction financière
est totalement disproportionné par rapport à la rentabilité économique de la meunerie, explique-t-on dans les couloirs
de Vivescia. L’amende représente 10 années de bénéfices cumulées ». (© Terre-net Média)

« Les coopératives concernées sont des groupes solides. Et ça ne devrait en aucun cas impacter les agriculteurs. Par contre, compte-tenu du montant des amendes, ça aura un impact certain sur l’activité meunière », explique Vincent Magdelaine, directeur de Coop de France Métier du grain en réaction à la condamnation de sept meuneries françaises par l'Autorité française de la concurrence pour « ententes illégales sur les prix ».

En effet, l'Autorité de la concurrence vient de rendre une décision sanctionnant à hauteur de 242,4 millions d'euros plusieurs ententes dans le secteur de la farine en sachet. Elle considère qu’il s'agit d’une part, « d'une entente entre meuniers allemands et français visant à limiter les importations de farine entre la France et l'Allemagne, et d'autre part, de deux ententes entre meuniers français visant à fixer le prix, à limiter la production et à répartir la clientèle de la farine en sachet vendue à la grande et moyenne distribution et aux enseignes du hard discount en France ». Enfin, l'Autorité de la concurrence estime que ces séries d'ententes ont provoqué pour le consommateur un surcoût final de 11 % pour ce produit de consommation courante indispensable.

Au total, sept meuniers français sont sanctionnés pour un montant total de 200 millions d'euros: environ 50 millions d’euros concernant « l’entente franco-allemande » et 150 millions d’euros pour ce que l’Autorité appelle « le verrouillage du marché français ». Dans le tableau ci-dessous figurent les montants des amendes à payer par les meuneries concernées et par conséquent, par groupe coopératif, comme Axiane Meunerie et les Minoteries de Cantin qui appartiennent au groupe Axereal ou encore Euromill Nord, les Grands Moulins de Paris et la marque France Farine du groupe Nutrixo détenu à 54 % par Siclaé, société elle-même détenu à 53.39 % par  Vivescia (anciennement Champagne Céréales et Nouricia) (Siclaé est une holding détenue à 53.39 % par Vivescia aux côtés d'autres groupes coopératifs régionaux, de partenaires financiers et d'actionnaires individuels).


Source : Autorité française de la concurrence. Cliquez sur l'image pour l'agrandir.

« Les règles du jeu ont changé »

Concernant « l'entente entre les meuniers allemands et français ou le "chacun reste chez soi" », l'Autorité de la concurrence explique que « les éléments du dossier ont permis d'établir que les meuniers français et allemands ont conclu entre eux un pacte de non-agression mutuelle dont l'objet était de limiter l'accès réciproque à leurs marchés nationaux respectifs et à maîtriser les exportations franco-allemandes de farines en sachets en les maintenant à un niveau déterminé par avance. (…) Ce cartel constitue l'une des infractions les plus graves aux règles de concurrence, dans la mesure où il confisque le bénéfice que les consommateurs sont en droit d'attendre d'un fonctionnement concurrentiel de l'économie ». D’après l'Autorité de la concurrence ce « pacte » était actif entre 2002 et 2008.
Et au sujet du « verrouillage du marché français » l'Autorité estime que les meuniers français ont « manipuler les principaux paramètres de la concurrence (prix, marque, allocations des clients et des marchés ainsi que de la production), causant aux consommateurs français un dommage important notamment du fait de sa durée très longue (depuis 1965) ».
D’après une source meunière proche du dossier, il ne s’agit en aucun cas d’une « entente ». « C’est un système de concessions territoriales mis en place il y a une trentaine d’année au sein de la filière afin d’éviter les transports de farine à travers le territoire français. Les autorités compétentes étaient au courant. Les règles du jeu ont changé en cours de route. »

Les meuneries françaises devraient dans les jours qui viennent faire appel de la décision de justice en dénonçant les montants des amendes. Toutefois, la décision prise par l'Autorité de la concurrence est exécutoire. Ce qui signifie que la procédure en appel ne suspend pas la condamnation et oblige les entreprises précédemment citées à régler leurs amendes.

« Le montant de la sanction financière est totalement disproportionné par rapport à la rentabilité économique de la meunerie, explique-t-on dans les couloirs de Vivescia. L’amende représente 10 années de bénéfices cumulés ». Chose à laquelle l'Autorité de la concurrence répond: « le calcul du montant des amendes tient compte de la gravité des faits et des capacités de remboursement des entreprises, pour ne pas les mettre en difficulté ».

« A Siclaé, l’amende peut être absorbée »

Coop de France, à travers sa section « métier du grain », s’insurge et décrit les conséquences de cette décision : « L’ampleur des sanctions menace purement et simplement la pérennité de certaines sociétés meunières. La filière farine française, par cette condamnation, est mise en péril. La décision de l’Autorité de la Concurrence ne tient pas compte de leurs conséquences économiques ».

Alain Le Floch, président de la cogérance de Siclaé et nouvellement directeur de Vivescia tient néanmoins à rassurer les adhérents du groupe coopératif :« En tant qu’actionnaire de Nutrixo, nous prenons acte de la décision. Si elle est confirmée, il est certain qu’elle impacterait le résultat financier de l’année de Siclaé. Mais compte-tenu de la diversité des actions de Siclaé, l’amende peut être absorbée sans remettre en cause nos équilibres financiers ». Du côté d’Axereal, on estime en revanche que cette décision sera lourde de conséquences pour la meunerie, tout en ajoutant cependant que c’est un dossier « meunerie », qui sera traité au niveau de la meunerie. Pas plus de commentaire.

Et les boulangers ?

Toujours est-il que cette histoire est loin d’être terminée! L’Autorité de la concurrence enquête également sur une éventuelle entente sur les prix de la farine vendue aux boulangers. Ce deuxième volet de l’affaire est actuellement en cours d’instruction, et plusieurs mois, voire années, seront nécessaires à l’Autorité de la concurrence pour établir de nouvelles conclusions.

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