Tribune libre Jean Mouzat : « Avec Le Modef, changeons les Chambres d’agriculture »
Retrouvez la tribune libre du Mouvement des exploitants familiaux (Modef) dont un extrait est paru dans Terre-net Magazine de novembre 2012. Le syndicat y décrit sa vision du rôle des Chambres d'agriculture.
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Jean Mouzat, agriculteur à Chanteix et président du Modef, plaide pour « un fonctionnement démocratique et transparent des Chambres d'agriculture ». (© DR) |
Le monde agricole est en souffrance, manque de perspectives stables, revenu au ras des pâquerettes, incertitude sur l’avenir. Le résultat de ce mal être se mesure au nombre de suicides, de faillites et de cessations d’activité. Maraîchers, éleveurs, arboriculteurs, viticulteurs vendent leurs productions à des prix qui ne couvrent plus les coûts de production. La France hier, autosuffisante est devenue importatrice nette en fruits et légumes, volaille et elle est toujours aussi déficitaire en viande ovine et en protéagineux destinés à l’alimentation animale.
Vient se rajouter à cette situation la poursuite de la baisse du nombre d’exploitations et d’emplois exploitants et salariés. Il ne reste plus aujourd’hui que 740 000 actifs à la production.
Ce sont là les résultats d’une politique agricole menée depuis des décennies autour du dogme du libre marché et de la libre entreprise que la société paie cher avec un chômage en hausse, des prix alimentaires qui ne cessent de grimper pour financer les profits de la grande distribution et une désertification rurale qui touche en plein cœur l’activité des chefs lieux de canton.
"Des Chambres d’agriculture au service de tous et de toutes les agricultures" Jean Mouzat. (© DR) |
Les Chambres d’agriculture et ceux qui les dirigent, accompagnent, cogèrent cette politique agricole en faisant le choix des grosses exploitations et de l’agriculture industrielle au détriment de l’agriculture familiale ou paysanne.
Cette course à l’agrandissement fait des ravages et ceux qui, hier, pensaient qu’en mangeant le voisin, ils allaient s’en sortir sont devenus la proie de plus gros qu’eux.
Stoppons cette course folle jonchée de cadavres, renvoyons chez eux les auteurs et acteurs professionnels de cette politique et remplaçons les par de vrais paysans porteurs d’une alternative comme le propose le Modef.
Des Chambres d’agriculture au service de tous et de toutes les agricultures
Le Modef revendique une autre gouvernance :
- Un fonctionnement démocratique et transparent des Chambres d’agriculture avec une représentation de tous les syndicats qui ont obtenu au moins un élu dans toutes les instances (bureau, commission….).
- Le maintien de toutes les Chambres d’agriculture départementales aujourd’hui remis en cause par la politique de restructuration engagée par le tandem Fnsea-JA.
- Le développement des missions de services publics de conseil et d’assistance individuelle gratuits en direction particulièrement des exploitants familiaux qui dégagent un revenu inférieur au Smic brut. Aujourd’hui ces services sont, pour partie, payants. En marchandisant ces services, la chambre (Fnsea-JA) exclut de fait la moitié des agriculteurs alors qu’au travers la taxe (Tafnb) ils financent déjà cette structure. Cela nécessite de développer le nombre de conseillers sur le terrain aujourd’hui réduit à la portion congrue.
- L’interdiction de toute passerelle Chambre d’agriculture – Fnsea (mise à disposition de personnel ou autre arrangement partisan).
Les Chambres d’agriculture doivent devenir un vrai parlement agricole ouvert sur la société avec un financement élargi à la grande distribution, l’agroalimentaire, banque, assurance agricole, agro chimie.
Les Chambres d’Agriculture doivent être porteuses d’une autre politique agricole, d’un autre projet
Interlocuteurs privilégiés des pouvoirs publics, le réseau Chambres d’agriculture est censé représenter l’ensemble du monde paysan, or dans les faits, il est le relai du tandem Fnsea-JA excluant de fait la moitié des agriculteurs.
Se vantant d’être co-gestionnaire de la politique agricole ultra libérale, ce tandem doit assumer sa responsabilité face à l’ampleur de la crise agricole.
Il revient aux électeurs de le sanctionner et d’exiger une réorientation des politiques agricoles telles que le propose le Modef autour du projet pour une agriculture rémunératrice, solidaire, durable et responsable.
Une agriculture rémunératrice
- Fixation de prix minimum garantis couvrant les coûts de production et la rémunération du travail paysan.
- Encadrement des marges de la grande distribution grâce au coefficient multiplicateur.
- Protection des frontières contre le dumping social, environnemental et monétaire par une taxe variable.
- Nécessité d’une maîtrise des productions avec notamment le retour des quotas laitiers et le maintien de droit de plantation gérés par les pouvoirs publics.
- Politique de stockage public céréales, oléagineux, protéagineux pour contrer les spéculations et garantir la sécurité alimentaire.
- Interdiction de la spéculation financière sur les matières premières agricoles.
- En finir avec l’injustice d’une distribution des aides directes européennes accaparées par 20 % des exploitations en plafonnant les aides à 150.000 € et en mettant en place une dégressivité à partir de 50.000 € .
Une agriculture solidaire
Il faut en finir avec cette guerre fratricide des paysans au sein de l’UE et du monde instaurée par l’organisation mondiale du commerce et la Pac au nom de la libre concurrence et de la compétitivité.
Il faut redonner du sens à la solidarité :
- Solidarité dans le partage des terres,
- Solidarité dans la coopération en mettant un frein aux restructurations pour revenir à des coop à taille humaine ancrées sur les territoires ;
- Solidarité dans le partage du travail
- Solidarité dans l’animation et la vie des territoires
Une agriculture durable et responsable
L’agriculture nouvelle doit se construire autour des enjeux alimentaires, climatiques, énergétiques, environnementales et sociétaux.
Cette agriculture doit être productive et non productiviste, économe en énergie en eau avec des productions adaptées au climat, au sol et à la topographie, agronomique pour ne pas épuiser les sols et polluer les eaux, diversifiée et non spécialisée.
Demain l’agriculture devra être facteur de liens sociaux : lien entre les paysans, lien avec les consommateurs, lien avec les habitants des zones rurales, lien avec la collectivité à tous les échelons.
Il est important d’aborder l’agriculture comme un système complexe où se mêlent les lois de la nature, les écosystèmes, les lois économiques, sociales. Le tout dans un équilibre précaire avec comme mission première celle de nourrir les êtres humains.
Pour être équilibré ce système doit être diversifié et tout ce qui tend à l’uniformiser, à le standardiser est voué à l’échec.
Si on laisse faire le marché, l’élevage disparaîtra au vu de ce qui se passe aujourd’hui. Les prix du lait, de la viande bovine, ovine, porcine et volaille et la hausse de l’aliment du bétail due à la flambée spéculative du prix des céréales, poussent à la faillite ou à la reconversion nombre d’élevages, cela est très inquiétant pour l’avenir de nos zones d’élevage et des territoires qui vont se fermer.
"L’agriculture nouvelle doit se construire autour des enjeux alimentaires, climatiques, énergétiques, environnementales et sociétaux" Jean Mouzat. (© DR) |
Voilà pourquoi l’agriculture ne peut pas être abandonnée à la main invisible du marché.
Tous ceux qui considèrent que l’agriculture doit uniquement être pilotée par la demande se trompent lourdement. Aujourd’hui avec les nouvelles technologies de l’information, le temps du marché est immédiat. Le temps de l’agriculture est le temps des saisons, des cycles biologiques, des expérimentations et des investissements lourds.
Ces temps agricoles sont donc nécessairement longs et non adaptables à des gesticulations politiques de façade. Il faut en finir avec ces changements permanents des règles qui déstabilisent les exploitants familiaux et qui ne s’attaquent pas au fond du problème.
L’agriculture est un secteur stratégique puisqu’il fournit les premiers besoins des êtres humains qu’est l’alimentation, il est un système complexe par nature, il doit être géré sur le moyen et long terme avec une politique agricole publique forte, planifiée sur 10-20-30 ans.
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