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Désherbage en agriculture bio Vincent Devyldère : « Le temps de trouver les bons réglages... »

En conversion à l'agriculture biologique, Vincent Devyldère découvre les principes d'une lutte herbicide qui exclut les solutions chimiques. Il s'investit dans le désherbage mécanique, allonge sa rotation, profite des effets positifs de la luzerne... et avoue globalement la difficulté à trouver les bons réglages.

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Vincent Devyldère a investi pour son parc matériel d'outils de désherbage mécanique : houe, bineuse et herse étrille.
(© Terre-net Média)

Terre-net : Qu’est-ce qui a motivé votre conversion à l’agriculture biologique ?

Vincent Devyldère : J’ai démarré ma conversion en 2010. J’avais déjà l’envie de produire autrement. J’ai décidé de franchir le pas après avoir grillé 20 ha de blé en appliquant par erreur du round-up et du cycocel. Cela m’a coûté cher… Un voisin déjà en bio, un besoin de meilleure valorisation alors que mon propriétaire voulait reprendre 93 ha sur mes 230 ha de l’époque et l’installation par Biocer d’un silo à 15 km de chez moi ont fini de me convaincre.

A quel niveau se situait alors la pression adventices ?

Mon assolement se composait surtout de blé, colza et escourgeon avec un retour fréquent de blé sur blé dans la rotation. Je voyais des ray-grass résistants apparaître dans mes parcelles en même temps que j’observais une baisse d’efficacité des antigraminées, de l’isoproturon sur blé et du chlortoluron sur orge.

Quelle est la première mesure à prendre dans un système qui exclut la chimie ?


Vincent Devyldère, agriculteur bio sur 196 ha
à Equennes Eramécourt. (© Terre-net Média)

J’ai évidemment augmenté le nombre de cultures de mon assolement : blé d’hiver, avoine d’hiver et de printemps, orge d’hiver et de printemps, un mélange de triticale et pois, féverole de printemps, maïs, triticale, de la prairie temporaire, et de la luzerne. Je fais 55 ha de luzerne. Elle facilite le contrôle des adventices et m’assure un ou deux bons blés en culture suivante. Et puis, j’en fais du compost que j’apporte sur mes parcelles. La rotation, c’est le premier levier du désherbage. Certaines parcelles ont atteint un niveau d’infestation catastrophique en ray-grass du fait, par exemple, d’une succession de colza et de trois céréales d’hiver en conventionnel.

Aujourd’hui, je systématise plutôt deux cultures de printemps suivies de deux d’hiver. J’alterne entre une luzerne, ma tête de rotation, et des cultures implantées sur labour. Le temps d’assainir la situation, pour faciliter mon démarrage, je conserve le labour. Mais ma rotation n’est pas fixe et en cas d’infestation, je la modifierai. Même si une fois bien installé, je pense continuer à sortir la charrue de temps en temps. C’est le meilleur désherbant. Je compte également sur les couverts d’inter-cultures pour étouffer les adventices en même temps que m’apporter de l’azote.

Quelle tactique comptez-vous adopter pour vous débarrasser des adventices qui se développent en saison ?

Cette année, j’observe des levées de repousses de colza, de vulpin et de ray-grass. J’ai sinon des chardons, laiterons et rumex mais la luzerne me permet de bien les gérer. Je prévois un ou deux passages de houe qui va les arracher. Mais il ne faut pas travailler plus profond que la profondeur de semis. Je passerai ensuite avec la herse étrille qui fonctionne surtout par recouvrement. Je peux normalement démarrer dès le stade 2-3 feuilles du blé même si la houe, du fait de sa très bonne sélectivité, pourrait passer plus tôt. Il est cependant nécessaire d’attendre que les cultures soient bien accrochées. L'intervention se fait en théorie au stade filaments ou cotylédons. Un ray-grass à 2 ou 3 feuilles ne sera pas détruit systématiquement. Il vaut mieux intervenir au printemps sur sol porteur surtout que de belles journées ensoleillées doivent suivre le passage de l’outil pour que les racines des adventices dessèchent. J’utilise la bineuse en février avant le maïs, un travail fatigant… La herse étrille peut être utilisée avant la maturation des graines de gaillet avant la moisson pour ramener les plantes en bordures du champ.

Qu’en est-il du temps de travail par rapport au conventionnel ?

En conventionnel, je faisais 10 ha/h avec l'automoteur. Aujourd'hui sur 100 ha de cultures bio, le gros tracteur fait 150 heures de plus et le deuxième 200 heures, pour le désherbage et les opérations propres à la luzerne, celle-ci n'ayant pas besoin de désherbage mécanique juste d’une fauche de nettoyage. Je fais aussi des tours de plaine pour reconnaître les mauvaises herbes et surtout observer leurs stades, mais le repérage du stade épis 1 cm ou la surveillance des maladies sont plus importants.

De quel équipement disposez-vous pour le désherbage mécanique ?

Un parc matériel spécialisé

Houe rotative : 6,40 m, soleils inversés, peignes à l’arrière, roues de jauge à l’avant, 15-20 km/h de vitesse de travail.
Herse étrille : 12 m, roues de jauge, 10 km/h, réglage possible de la pression des dents.
Bineuse : 6 m, tirée avant, roues de jauge, utilisation en 24 rangs en céréales et féveroles avec les socs pattes d’oie et en 6 rangs en maïs avec les socs à étoiles.
Gps : John Deere de précision 5-10 cm utilisé avec la houe, la herse étrille et la bineuse sauf en maïs. « Le Gps est l’appareil qui fait le plus d’heures en cumulé : moissonneuse-batteuse, déchaumage, décompacteur, rouleaux, semis, houe, herse étrille, bineuse, fauchage, faneuse, andaineur, épandage des composts. »

J’ai fini de m’équiper l’année dernière. Sur trois ans, j’ai acheté trois matériels de la marque Hatzenbichler chez le même concessionnaire. J’ai choisi les largeurs en fonction de mes besoins et de mon tracteur d’une puissance de 110 ch. Le débit de chantier me convient - 1,5 à 2 ha/h avec la bineuse - et puis l’ensemble reste léger ce qui me permet de passer plus facilement.

Un passage de herse me coûte entre 7 et 10 €/ha. Mais maintenant que j’ai le matériel, je ne suis plus à un passage près. Si j’entre dans une bonne fourchette climatique, je passe, sachant cependant que chaque passage entraîne une perte de pieds, de temps, de fuel. De ce fait, j’augmente la densité au semis de 20 %. Il faut veiller au bon réglage du matériel, entre arrachage et recouvrement, des mauvaises herbes et des pieds de culture. Même si les outils ont une action curative, nous n’aurons jamais 100 % de réussite.

 

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