Systèmes économes en intrants Faut-il les généraliser au niveau national ?
Est-il intéressant de mettre en oeuvre une mesure agro-environnementale « systèmes de culture économes en intrants » au niveau national ? Le Centre d'études et de prospective a publié les résultats d’une expérimentation menée par 56 agriculteurs du grand Ouest ayant testé ce système de culture.
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La réduction de la fertilisation azotée a été difficile à réaliser dans l'expérimentation menée par les 56 agriculteurs du grand Ouest. (© Terre-net Média) |
Le Réseau Agriculture Durable de la Fédération des centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural (Rad-FnCivam) est à l’origine de la construction d’une mesure agro-environnementale « systèmes de culture économes en intrants » (Scei) applicable aux céréaliers et aux éleveurs de monogastriques. Les objectifs : concevoir des systèmes de culture moins sensibles aux bio-agresseurs, réduire la dépendance de l’exploitation aux intrants, augmenter son autonomie mais aussi la valeur ajoutée de la production.
Le Centre d’études et de prospective indique que cette démarche « originale et pertinente » a permis d’améliorer les performances environnementales pour une diversité d’enjeux (eau, biodiversité, énergie/climat). En effet, le Réseau Agriculture Durable indique sur son site internet que « les exploitations les plus performantes de ce programme ont d’ores et déjà atteint, voire dépassé, les objectifs fixés par les politiques publiques à l’horizon 2020 en matière d’environnement :
- elles utilisent 50 % moins de pesticides, ce qui est conforme aux objectifs fixés par le Grenelle de l’environnement pour 2018 (Plan Ecophyto) ;
- elles obtiennent, après lessivage agricole, une eau dont la concentration de nitrate/litre est inférieure ou égale à 50 mg ; ce qui est conforme à l’objectif 2015 de bon état chimique de la Directive Cadre sur l’Eau et correspond à la norme de potabilité ;
- elles consomment 20 % d’énergie en moins que la moyenne nationale, conformément aux objectifs globaux du Paquet Énergie/Climat ;
- elles émettent 20 % de gaz à effet de serre en moins par rapport à la moyenne nationale, conformément, là aussi, aux objectifs globaux du Paquet Énergie/Climat ».
Le Centre d’études et de prospective indique cependant que « malgré d’importants bénéfices environnementaux », une généralisation au niveau national de ces systèmes de culture économes en intrants « pourrait engendrer plusieurs difficultés au niveau des exploitations et des filières agricoles ». Plusieurs raisons à cela.
En contractualisant une Mae, un agriculteur s’engage volontairement pour cinq ans, à adopter ou maintenir des pratiques favorables à l’environnement allant au-delà de la réglementation en vigueur, en échange d’une rémunération compensant les pertes de revenus et les surcoûts engendrés par ces pratiques.
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D’abord, « la transition vers des systèmes plus complexes car plus diversifiés peut causer des surcoûts dus à des modifications de l’organisation du travail, à une augmentation des déplacements ou encore à des investissements en matériels ». D’autre part, il est nécessaire d’évaluer la rentabilité économique de ces systèmes dans des contextes de prix différents. En effet, si les prix des intrants sont modérés et les prix agricoles élevés, « la baisse de rendement liée à ce système de culture peut entraîner un important manque à gagner pour les agriculteurs ».
Le Centre d’études et de prospective note également que le cahier des charges élaboré est spécifique aux régions du grand Ouest et qu’il serait difficilement applicable dans les régions françaises spécialisées en grandes cultures, puisqu'il serait plus compliqué de trouver des débouchés pour les cultures de diversification. Enfin, la généralisation des Scei « au niveau d’un bassin de collecte pourrait fragiliser les entreprises de collecte et de stockage : la baisse des rendements engendrait un moindre volume récolté d’où un surcoût de stockage ; accentué par des difficultés logistiques dues à la diversification des cultures (cellules peu remplies et investissements non rentabilisés) ; une réduction des ventes de produits phytosanitaires et du conseil ».
Une expérimentation menée pendant cinq ans
Le Centre d’études et de prospective se base sur l’expérimentation de ce système par 56 agriculteurs du grand Ouest entre 2008 et 2012.
Cahier des charges initial puis amendé. Cliquez pour agrandir. (© Centre d'études et de prospective/Rad) |
Le premier cahier des charges élaboré par les agriculteurs portait sur la diversification de l’assolement (part de la culture principale inférieure à 35 % de la Sau, au minimum 5 % de légumineuses, rotations au minimum de 4 cultures différentes…), sur la réduction de l’utilisation des engrais et produits phytosanitaires, sur une limitation de la consommation en eau, la protection des sols (pas de labour profond, couverture permanente entre le 1er octobre et le 15 janvier…) et enfin sur des mesures visant à favoriser la biodiversité (interdiction des Ogm dans l’alimentation animale et dans les cultures, arrachage des haies autorisé si plantation en compensation…). (Voir tableau ci-contre).
En 2010, après trois ans de test, il s’est avéré qu’aucune exploitation n’était dans la capacité de respecter l’intégralité des engagements du cahier des charges notamment ceux portant sur la réduction de la fertilisation azotée, la profondeur du labour et la limitation de l’usage des herbicides.
Il était donc nécessaire d’amender le cahier des charges. Pour cela, un travail de repérage des systèmes les plus performants parmi les 40 systèmes de culture testés, a été effectué. Les dix meilleurs avaient pour caractéristiques communes :
- un assolement diversifié avec au moins six espèces cultivées ;
- la présence de cultures de printemps et de légumineuses ;
- une fertilisation azotée modérée (80 uN/ha en moyenne) ;
- présence systématique de couvert avant une culture de printemps.
Ces résultats ont permis de modifier le cahier des charges initial pour que le système de culture soit plus performant au niveau environnemental et faisable d’un point de vue technique et économique (voir le tableau ci-dessus) : un maximum de 130 uN/ha au lieu de 100 initialement ; une diversification des cultures avec une culture principale dont la part dans la Sau est < 70 % à la signature et < 50 % en année 3 ; interdiction des régulateurs de croissance et des traitements de semences…
Ce cahier des charges amendé a permis d’aboutir à des changements de systèmes avec une diminution importante du recours aux intrants (voir résultats ci-dessus).
Le Centre d’études et de prospective conclut en estimant que « le prolongement naturel de cette initiative serait de procéder à des tests du cahier des charges dans d’autres régions et à une analyse économique approfondie (chiffrage du surcoût engendré) ». Il faudrait également « réfléchir aux besoins et aux modalités d’accompagnement des agriculteurs vers les systèmes économes et poursuivre l’évaluation des performances économiques et environnementales de ces systèmes à plus long terme ».
Pour en savoir plus : Vers une mesure agro-environnementale « systèmes de culture économes en intrants » ? |
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