Au four, au moulin et aux champs Le credo des nouveaux paysans-artisans
Fabriquer et commercialiser son pain, ses pâtes ou même sa bière : de plus en plus d'agriculteurs choisissent de transformer eux-mêmes leurs céréales afin de mieux valoriser leur production, loin des circuits de la grande distribution.
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Elevé à la ferme, David Le Ruyet raconte avoir voulu, dès son plus jeune âge, proposer un produit fini. Il fait ses premières expériences dès ses 16 ans, quand il investit un terrain d'épandage de 20 hectares à côté de l'exploitation familiale pour y cultiver ses premières céréales. Après avoir misé 80.000 euros dans son projet, le jeune agriculteur-entrepreneur se paye aujourd'hui « le smic » et travaille aux côtés de sa femme, qu'il salarie en CDI. « Je préfère gagner moins et faire un métier qui me plaît », assure-t-il. Une façon pour lui de « redonner du sens aux petites exploitations ».
"Comme un vigneron"
Le blé est moulu à l'ancienne sur un moulin entièrement fabriqué par le grand-père de David, charpentier, et de 4 à 500 kg de pâtes, mises en sachet à la main, sortent chaque semaine de l'atelier. Celui-ci est ouvert au public tous les vendredis. Car malgré un carnet d'adresses de 300 clients et 10 % de ventes à l'export, « ce que j'aime, c'est la vente directe », qui représente 20 % du chiffre d'affaires, confie l'artisan.
Pour Jean-Marc Vignollet, paysan et éleveur de brebis installé depuis 31 ans sur le plateau du Larzac (Aveyron), la diversification est passée il y a sept ans par... la bière, dont il produit 220 hectolitres par an à partir de son orge. « Vu qu'il est très difficile de s'agrandir, j'ai cherché à rajouter de la plus-value. Mais en faisant autre chose que du fromage », créneau déjà largement investi par des confrères, explique-t-il. Vendue exclusivement à la ferme et dans des magasins de producteurs, la "Bière du Larzac", déclinée en quatre spécialités, représente aujourd'hui 40 % de son chiffre d'affaires, selon l'agriculteur.
La fabrication intégrée séduit aussi un nombre croissant de jeunes néo-ruraux qui s'installent comme paysans-boulangers, le plus souvent en bio, à l'instar d'Olivier Clisson, 40 ans, établi depuis 2007 à Parthenay-de-Bretagne, près de Rennes. « Il est très intéressant de maîtriser toute la chaîne, un peu comme un vigneron », relève l'artisan, confiant être « tombé amoureux de ce métier dès la première sortie du pain, lors d'un stage. L'odeur a touché mon cerveau reptilien ».
Le boom des paysans-boulangers
Ecoulés à 80 % via des associations pour le maintien de l'agriculture paysanne (amap) et pour le reste à la ferme, les 200 à 250 kilos de pain bio produits chaque semaine à partir de son propre blé lui permettent, avec quelques cultures fruitières, de gagner « 120 % du smic ». « Le but n'est pas de gagner plus. Mon pain est vendu 4,50 euros du kilo, soit moins qu'une baguette tradition en boulangerie. C'est possible car je n'ai pas d'intrants chimiques, pas d'intermédiaires, et que je mouds le grain moi-même », indique Olivier Clisson.
Si aucune statistique officielle n'existe, le nombre de paysans-boulangers approche désormais le millier en France, selon les estimations. « La transformation en pain offrant une bonne valorisation, elle permet de s'installer sur de petites structures, sur des terres marginales, souvent les seules accessibles car délaissées par l'agriculture industrielle », explique à l'AFP Patrick de Kochko, de l'association Semences paysannes.
« Dans un contexte où nous perdons des paysans chaque jour depuis des décennies, nul doute que les paysans-boulangers créent un mouvement inverse », relève-t-il. Dans le cas d'Olivier Clisson, la formule a effectivement permis de débuter avec deux hectares de terres seulement. Il en exploite 12 aujourd'hui en assolement triennal, soit « quatre hectares de blé et huit hectares de fourragères, que j'échange contre de la fumure bio », indique-t-il.
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