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Prix des médicaments vétérinaires France - Espagne : les éleveurs français se feraient-ils plumer ?

En Aquitaine, l’Association des éleveurs solidaires (Aes) s’insurge des différences de prix des médicaments vétérinaires entre l’Espagne et la France. Elle lutte pour les droits des éleveurs qui traversent la frontière avec des médicaments.

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L'écart de compétitivité lié au poste "soin vétérinaire" entre un élevage laitier espagnol et un français serait estimé à plus de 3.000 euros/an pour une production de 300.000 litres de lait.  (©Terre-net Média)

Le même flacon de Marbocyl® 10 %, un anti-infectieux pour bovins et porcs, coûte 75 € en Espagne, contre 145,01 € de l’autre côté des Pyrénées. Et il ne s’agirait là que d’un exemple parmi tant d’autres. De nombreux produits vendus en Espagne, en Belgique ou en Italie sont strictement identiques à leurs équivalents vendus en France : mêmes molécules, même laboratoire, même posologie, mêmes délais d’attente. Sauf qu’ils n’ont pas l’autorisation de mise sur le marché (Amm) français. « Il n’est pas rare de trouver des produits 20 % à 300 % moins chers en Espagne, voire jusqu’à 1.000 % pour certains médicaments destinés à l’aviculture », affirme Gilbert Sarraille, agriculteur dans les Pyrénées-Atlantiques et président de l’Association des éleveurs solidaires (Aes).

4.000 éleveurs auraient passé la frontière

L’enjeu économique du seul poste "soins aux animaux" est conséquent. Selon une comparaison faite par les Chambres d’agriculture, s’adresser à un vétérinaire espagnol et lui acheter des produits vétérinaires représenteraient une économie d’environ 3.000 €/an pour un élevage produisant 300.000 litres de lait.

Les crises successives de l’élevage auraient provoqué une augmentation exponentielle du nombre d’éleveurs français faisant appel aux vétérinaires espagnols et choisissant d’acheter des produits vétérinaires en Espagne. Aujourd’hui, une quinzaine d’officines vendraient des produits vétérinaires à la frontière espagnole, de Perpignan à Hendaye, jusqu’à Huesca et Barcelone. D’après l’Aes, près de 4.000 éleveurs se seraient déjà rendus en Espagne pour s’approvisionner en médicaments prescrits par des vétérinaires espagnols.

Contrebande et importation illicite

Le débat ne date pas d’hier, et les procédures judiciaires se sont multipliées ces dernières années. L’Association des éleveurs solidaires (Aes) a été créée en 2005 pour défendre le vétérinaire espagnol Pantxi Erneta Azanza, qui exercait sur les territoires des Pyrénées-Atlantiques et des Landes. Aujourd’hui, il a été exclu de l’Ordre des vétérinaires français, interdit d’exercer en France, et a été mis en cause par le Tribunal correctionnel de Bayonne en 2013.

Dans le même temps, des investigations et des procédures ont été initiées par la Direction départementale des services vétérinaires (Dsv), sous la pression de vétérinaires français. Elles ont conduit 10 éleveurs au tribunal correctionnel de Bayonne, le 22 octobre 2013, mis en cause sous les chefs d'accusation d'importation illicite de médicaments, de contrebande et tromperie, parce qu'ils achetaient des produits vétérinaires en Espagne, via leurs vétérinaires espagnols ou directement en Espagne. S’ils ont été relaxés de tromperie, ils sont accusés de contrebande et d'importation illicite de médicaments. De lourdes peines financières ont été requises, qui mettent en danger leurs exploitations. Aujourd’hui, leur avocat a fait appel.

Sous couvert de protection de la santé humaine

Selon Gilbert Sarraille, « il est très difficile pour eux d’être entendus par les institutions, les élus et les medias, car de forts a priori existent dans les esprits, qui assimilent les produits incriminés à des produits hautement toxiques pour la santé humaine et animale, utilisés en cachette (hormones de croissance, etc.) et qui ont défrayé la chronique par le passé. Cet amalgame nuit à leur cause. De plus, les lobbies des vétérinaires et des laboratoires entretiennent cette confusion et trouvent une alliance de confrérie auprès des Dsv notamment, sous couvert de protection de la santé humaine, pour défendre en réalité leurs intérêts économiques. »

Pourtant en Aquitaine, les éleveurs importent d’Espagne des aliments du bétail, de la luzerne,… et la France importe chaque semaine près de 2.500 porcs espagnols vivants, abattus à l’abattoir de Lahontan (64). « Tous ces porcs ont bien évidemment été soignés avec ces mêmes produits vétérinaires vendus en Espagne. Il en est de même avec tous les produits importés comme le lait de consommation, le jambon, les salaisons, etc. ! Alors pourquoi ces produits ne sont-ils pas interdits d’introduction sur le territoire français si la santé humaine est bien l’enjeu de cette affaire ? », s’interroge le président de l’association.

Faire évoluer la loi française

Selon lui, la complexité des différences de législation (française, espagnole, européenne) et des jurisprudences françaises, rend encore plus opaque la compréhension du droit. L’association vise à faire évoluer la loi française, notamment en s’appuyant sur le cadre législatif européen. Dès 2006, une commission de travail présidée par la Dsv, a été créée, réunissant la Chambre d’agriculture, la Fdsea, le Gds (groupement de défense sanitaire), le Snvel (syndicat vétérinaires), le Conseil de l’ordre des vétérinaires et l’association d’éleveurs Aes. « Aujourd’hui, sept ans après, ces réunions de travail sont restées sans conclusions », regrette Gilbert Sarraille.

L’Aes rappelle aux éleveurs que leurs achats en Espagne doivent respecter les obligations habituelles vis à vis de la réglementation de l’élevage, en particulier celle d’assurer une totale traçabilité de leurs achats : tenir un registre d’élevage précis notamment sur les traitements prodigués aux animaux, visite régulière de l’élevage par le vétérinaire prescripteur, achats de produits vétérinaires sur ordonnance, achat de produits dont l’équivalent a reçu une Amm en France, et respect des posologies évidemment.

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