Françoise Grossetête, député européen « Député à Bruxelles est un job à plein temps »
Vu l’importance de la Pac pour les exploitations, le rôle de député européen est capital pour l’agriculture. Plus largement, Françoise Grossetête, député européen (Parti populaire européen, Ppe/Ump) depuis 1994, dévoile sa vision de la fonction de parlementaire au sein de l’Union européenne.
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Attachés aux valeurs de l’Europe
En France, seule une minorité de députés, à gauche comme à droite, s’inscrivent dans la durée, ce qui les conduit à se dessaisir d’importants mandats nationaux. C’est le cas par exemple, à droite, de Joseph Daul, Michel Dantin, André Lamassoure ou encore à gauche, de Pervenche Berès et Stéphane Le Foll, actuellement ministre de l’Agriculture après plus de deux mandats passés au Parlement européen. En revanche, il ne faut pas hésiter à organiser des réunions de terrain pour être connu auprès des électeurs.
Le fonctionnement de l’Union européenne porte encore beaucoup trop l’empreinte d’une période pendant laquelle on ne demandait pas l’avis du citoyen et surtout pendant laquelle les institutions n’avaient pas suffisamment évolué pour lui donner la possibilité de se faire entendre. Or c’est pourtant ce que l’on exige de lui désormais.
La Pac est issue de travaux parlementaires
Le Parlement européen est la représentation du citoyen mais son mode d’élection l’en éloigne. Il faudrait des circonscriptions uninominales à deux tours plus petites pour que le député soit bien reconnu. Or aujourd’hui, ma circonscription, le Grand Sud-Est, s’étend sur trois régions : Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse.
Même si l’Europe est parfois le bouc émissaire des Français et des Européens, certains signes témoignent tout de même de leur attachement aux valeurs qu’elle porte : l’euro, la paix et la liberté. Mais ses représentants devraient être plus présents sur le terrain. Pour que les institutions bruxelloises se rapprochent du citoyen, pourquoi ne pas envisager l’élection du président de la Commission européenne par l’ensemble des Européens ? Pourquoi conserver 28 commissaires désignés pour des considérations politiques plutôt que pour leurs compétences ? L’Europe a les moyens de montrer qu’elle fait partie du quotidien des Français. Mais son mode de fonctionnement ternit son action.
La France devrait aussi jouer davantage la carte européenne en plaçant des hommes à des postes clés et en menant des actions de lobbying comme savent le faire les Allemands pour défendre les intérêts de leur pays à Bruxelles. Avec le Parlement européen, le Conseil européen des présidents et des chefs d’Etat a une légitimité auprès des citoyens (puisqu’ils élisent leurs représentants) mais pas celui des ministres. En revanche, la pratique de la codécision, imposée par le Traité de Lisbonne, est engagée sur une bonne voie. Il est essentiel de le dire et d’expliquer que les députés européens, qui sont les représentants des citoyens européens, participent désormais pleinement à la prise de décision au niveau européen. Rappelons que la plupart des lois françaises proviennent de l’Union européenne.
L’UE touche, au quotidien, la vie des Français
Le fonctionnement de l’Union européenne repose ainsi sur le compromis permanent et touche, au quotidien, la vie des Français. Il faut donc mettre en avant que certains textes émanent du travail parlementaire réalisé à Bruxelles, mais aussi accorder une certaine marge de subsidiarité pour prouver que les 28 Etats membres ont encore la main sur leur destinée. Sans pour autant tomber dans le travers français qui consiste à rendre certaines mesures inextricables lorsqu’elles sont appliquées et à faire porter la responsabilité des dysfonctionnements qui en découlent à l’Union européenne.
De nombreuses lois votées et appliquées en France sont issues des travaux parlementaires à Bruxelles. La Pac évidemment mais aussi le détachement des salariés ou encore la politique de l’emploi, même si on en parle moins. En fait, ce sont les messages délivrés par les gouvernements des Vingt-huit qui brouillent l’action de la Commission et du Parlement européen. Quand une mesure favorable est prise, ils en revendiquent la paternité mais quand elle divise l’opinion publique, ils rendent Bruxelles responsable.
Le prochain mandat sera social
Pour 2014, la campagne a été courte et certains thèmes très polémiques pourraient occulter les enjeux des prochaines élections. Il est plus facile d’affirmer que la délocalisation et l’immigration sont les causes du chômage que de traiter certains problèmes avec une approche globale. Or en Allemagne, il y a peu de chômage et un taux d’immigration élevé. Le pays a su s’adapter à la mondialisation et a fait des réformes courageuses. L’UE ne serait donc pas la source de tous les maux.
Le prochain mandat de 2014 sera social avec une harmonisation du droit du travail entre les Vingt-huit pour lutter contre la concurrence déloyale entre les pays de l’Union. Après les municipales, la campagne a été courte et a porté davantage sur des thèmes nationaux et europhobes. Enfin, les listes qui se présentent sont d’abord l’enjeu d’ambitions personnelles sans rapport avec l’investissement nécessaire pour remplir pleinement ses fonctions de parlementaire européen. Pour une bonne image de l’Union européenne en 2014, il faut parvenir à un accord avec les partis pour former des listes d’hommes et de femmes qui ont travaillé à Bruxelles et non pas donner la priorité à des parachutés.
Même si une vague de députés populistes est attendue, les divisions entre eux ne permettront pas de constituer un réel rapport de force au sein du Parlement européen. Autre tendance prévisible : l’absence de majorité claire car les résultats s’annoncent serrés.
Aussi, il appartiendra plus que jamais aux groupes gouvernementaux (socialistes, écologistes, Ppe et libéraux) de travailler ensemble pour dégager des compromis. En commençant par s’entendre sur l’élection du nouveau président. Sur la scène internationale, le prochain mandat sera déterminant pour les 28 Etats-membres de l’UE et la place de l’Europe dans le monde. Car dans quelques années, compte tenu de la croissance économique des pays émergents, seuls les Etats-Unis et l’Union européenne seront membres du G8. Tous les autres pays seront relégués au-delà de la 9e place ! »
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