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Marchés agricoles mondiaux Le Nigeria se rêve en puissance agricole

Paris, 26 mars 2015 (AFP) - « Le pétrole, ça ne se mange pas ». De passage à Paris à quelques jours d'élections présidentielle et législatives dans son pays, le ministre de l'Agriculture du Nigeria mise sur la terre pour nourrir la population et la sortir de la pauvreté.

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« L'agriculture est le secteur qui a la meilleure capacité de création d'emplois, pour les jeunes et pour les femmes », a indiqué mercredi à l'AFP le Dr Akinwumi Adesina, « en pleine campagne» pour la présidence de la Banque africaine de développement (BAD), pour laquelle l'élection se tiendra le 28 mai. Dans son pays, le plus peuplé d'Afrique (174 millions d'habitants), premier producteur de pétrole brut du continent, devenu l'an passé sa première puissance économique, 70 % de la population vit et travaille aux champs. « Nous avons d'énormes potentialités, près de 84 millions d'hectares de terres arables dont la moitié sont cultivées - et on peut dire 10 % seulement de manière efficace », sourit le ministre, agronome formé aux meilleures universités américaines, « Africain de l'Année » pour le magazine Forbes en 2013.

Mais les principales régions agricoles, du nord-ouest au nord-est, sont depuis 2009 la cible des attaques des insurgés islamistes de Boko Haram, et des conflits interethniques ensanglantent le centre du pays depuis des décennies. « Pas plus de 4 % des paysans sont déplacés », affirme le ministre qui explique que les investissements privés dans l'agriculture - 5,6 milliards de dollars en trois ans - ont permis d'augmenter la production et de faciliter les distributions alimentaires dans les zones de danger. En arrivant aux affaires en 2011, il avait promis de distribuer 20 millions de téléphones mobiles aux paysans. « Ils ont utilisé leurs propres appareils, mais 14,5 millions ont reçu des intrants et des semences grâce à un système de bons sur téléphone portable. Dont 2,5 millions de femmes », insiste-t-il.

Le ministre revendique la création de 3,2 millions d'emplois au Nigeria depuis trois ans « majoritairement dans le secteur agricole », ce qui paraît toutefois difficile selon Africa Check, un site de vérification des faits (parrainé par la Fondation AFP). « Nous avons mis l'accent sur les cultures vivrières comme le riz ». Selon lui, le pays est « maintenant autosuffisant en riz à 85 % », chiffre cependant mis en doute par le Département américain de l'Agriculture (USDA) dans un rapport publié en 2014. Mais il est vrai que le Nigeria cherche à réduire sa dépendance aux importations de nourriture, telles le blé (plus d'un milliard de dollars de blé américain importé l'an dernier), pour développer ses propres ressources.

Plants de cacao gratuits

Six nouvelles variétés adaptées au climat ont été introduites (dont les semences ont été distribuées gratuitement), qui permettent des rendements de 6 tonnes par hectare, indique-t-il. Par comparaison, « dans les années 80, les variétés des zones tempérées donnaient des rendements inférieurs à 1 t/ha ». En 2014, 42.000 ha ont été mis en culture. L'objectif est d'atteindre 75.000 ha cette année. Et pour valoriser le manioc, dont le Nigeria est le premier producteur mondial (44 millions de tonnes en 2014), le ministre a suggéré de l'incorporer (jusqu'à 20%) dans les farines de blé destinées à la panification. « Ce qui a diminué notre charge d'importation et créé des emplois dans les PME », souligne-t-il.

Mais le Nigeria voit plus loin : il veut devenir « un acteur majeur du cacao en Afrique de l'Ouest ». Peut-être pas l'égal de la Côte d'Ivoire qui règne sur le cacao mondial (1,7 million de tonnes cette année, record absolu). Mais « entrer dans le club des pays qui dépassent le million de tonnes ». « Nous avons distribué 144 millions de plants gratuits pour recapitaliser nos plantations avec de nouvelles variétés qui quintuplent les rendements », explique-t-il. « La production est passée en trois ans à 370.000 tonnes contre 250.000 ». « Nous avons aussi commencé à nous lancer dans l'agro-industrie et la transformation des matières premières, pour donner une valeur ajoutée à tous nos produits » comme le sucre de canne ou le coton, les amidons et les édulcorants. Selon le ministre, le secteur bancaire a suivi cette « révolution agricole ». « En 2011, les investissements agricoles représentaient moins de 0,7 % des portefeuilles. On est à 5 % et on arrivera à 10 % en 2016», parie-t-il

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