Tribune de Jean-Paul Simier, de Bdi « Chine : des opportunités pour l’agriculture et l’agroalimentaire »
Beaucoup d’entreprises françaises, notamment bretonnes, étaient présentes au Sial 2014 à Shangai et au grand salon chinois des productions animales, le Cahe, à Qingdao dans le Shandong. L’occasion de faire le point sur le potentiel énorme que représente le marché chinois pour nos industries en quête de croissance à l’exportation.
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« Fin 1978, Deng Xiaoping prend les rênes du parti communiste et du pouvoir en Chine, et décrète très vite l’ouverture économique du pays avec une formule restée célèbre : « enrichissez-vous ! ». Et la fameuse « économie socialiste de marché ».
La Chine s’est éveillée
Après plus d’un siècle d’effacement, la Chine entame sa réintégration dans l’économie mondiale. Une étape supplémentaire est franchie avec l’adhésion de l’empire du Milieu à l’Omc en décembre 2011. En moins de 35 ans, le pays le plus peuplé de la planète est devenu l’atelier industriel du monde et ainsi le premier importateur de matières premières : énergie, métaux et produits agricoles. La Chine, avec 1,4 milliard d’habitants, rassemble 21 % de la population mondiale, mais détient seulement 9 % des terres cultivables. La sécurité alimentaire, d’abord au sens quantitatif, reste un défi quotidien même s’il est ancien.
La sécurité alimentaire, un défi quotidien
De plus, aujourd’hui, le développement économique du pays induit de nouveaux besoins alimentaires : davantage de protéines, notamment animales (viandes, lait…) et des produits plus sophistiqués (vins, spiritueux, foie gras, charcuterie…) pour une petite minorité de Chinois à fort pouvoir d’achat (quelque 100 millions de personnes ont un niveau de vie équivalent aux Français, Ndlr). L’urbanisation rapide – 750 millions de Chinois habitent en ville soit 54 % de la population – génère de nouvelles formes de consommation à l’Occidental (grande distribution, restauration commerciale, etc.), sources de nouveaux besoins : fromages à pizza et poudres de lait par exemple.
Malgré une agriculture assez productive (la Chine est le premier producteur mondial de céréales et de porcs), les importations sont nécessaires et pour longtemps. Ainsi, l’empire du Milieu importe 60 % du soja exporté mondialement et est l’un des premiers importateurs de blé et de viande. Le pays ne parvient toujours pas à assurer sa sécurité alimentaire.
L’année 2014 marque le 50e anniversaire des relations franco-chinoises, avec le souvenir de la reconnaissance précoce de la Chine de Mao par le Général de Gaulle. De multiples évènements ont permis à cette occasion de promouvoir le savoir-faire alimentaire et culinaire français, très apprécié des Chinois. Malgré des exportations d’environ 2 milliards d’euros, dont 60 % de vins et spiritueux, la France n’est encore que le 7e fournisseur agroalimentaire de la Chine. Les importations agroalimentaires de l’empire du Milieu ont explosé depuis moins de 10 ans. Les achats de poudre de lait infantile et d’autres poudres ont été multipliés par cinq depuis le scandale de la mélamine en 2008. Ils représentent près de 10 milliards de litres de lait, soit deux fois la production bretonne.
La Chine est également devenue en 2013 le second importateur mondial de beurre. Beaucoup d’industriels laitiers exportent en Chine, y compris des Pme. L’argument de la sécurité sanitaire et nutritionnelle est essentiel, en particulier auprès de mamans soucieuses de la santé de leur enfant unique. La Chine importe de plus en plus de produits carnés des pays tiers, bien qu’elle produise près d’un tiers des viandes consommées sur la planète (la moitié du porc). Un phénomène qui s’accélère, assorti de scandales sur les viandes frelatées. Le marché carné est déjà partiellement accessible à la France (porc) et se développe fortement. Depuis début 2014, le marché de la charcuterie s’est ouvert à trois entreprises françaises qui ont obtenu leur agrément sanitaire (Delpeyrat, Salaisons du Rouergue et Brocéliande).
Mais la présence française pourrait être beaucoup plus importante, compte tenu de la forte demande chinoise, des exigences du pays en termes de sécurité sanitaire et nutritionnelle et de la notoriété des aliments "made in France". Notoriété largement sous-estimée en France. Demain, les Chinois pourraient acheter des produits alimentaires français comme ils achètent des sacs Hermès ! L’agriculture fait partie des priorités de l’actuel plan quinquennal de la Chine. L’objectif est de moderniser rapidement un secteur encore basé sur de petites exploitations familiales, peu productives et surtout difficiles à contrôler au niveau sanitaire (grippe aviaire et peste porcine). Mais face à l’urgence alimentaire, c’est le gigantisme qui semble l’emporter. De grands élevages sortent de terre, regroupant plusieurs milliers de vaches laitières ou de truies, plusieurs dizaines de milliers de poules ou poulets.
1er importateur mondial de matières premières agricoles
La Chine compte déjà plus de 40 exploitations de 10.000 vaches laitières et des dizaines de porcheries de 5.000 truies. Les entrepreneurs chinois parcourent la planète pour acheter de la génétique animale, des bâtiments et équipements d’élevage, des médicaments et aliments, de l’ingénierie, etc. La plupart des industriels bretons sont présents en Chine alors qu’en France, la production porcine recule. L’arrivée en France d’un industriel laitier chinois en 2013 a marqué les esprits. En partenariat avec Sodiaal, Synutra a construit une usine de poudre de lait à Carhaix dans le Finistère. Un investissement de 100 millions d’euros, pour collecter à terme 400 millions de litres de lait, qui a fait des émules en France et ailleurs : association du fabriquant chinois de lait pour bébé Biostime et de la coopérative Isigny Sainte-Mère en Normandie, rachat de Smithfield, n°1 américain et mondial du porc, par le groupe chinois Shuangui, spécialisé dans la viande (WH Group) et du négoce international de matières premières Noble par l’entreprise agroalimentaire chinoise Bright Food, entre autres.
En 2013, la Chine aurait investi plus de 10 milliards de dollars dans l’agroalimentaire à l’étranger. Réciproquement, des Australiens ou Néo-Zélandais investissent dans l’industrie chinoise. Ainsi Fonterra, le géant laitier néo-zélandais, vient d’acquérir 20 % du capital du n°4 chinois de la poudre de lait infantile, Beingmate. Arla Foods, coopérative laitière leader au Danemark, a investi chez le Chinois Mengniu Dairy Company.
A contrario, l’investissement agroalimentaire de la France reste timide en Chine. Si s’implanter dans ce pays est très difficile pour les entreprises françaises, c’est sans doute incontournable pour asseoir des échanges commerciaux durables, dans un marché qui restera massif et déterminant à l’échelle de la planète alimentaire, pour longtemps. »
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