Herbicides L'EFSA juge « improbable » que le glyphosate soit cancérogène
Bruxelles, 12 nov 2015 (AFP) - L'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a jugé « improbable » le risque cancérogène du glyphosate, élément chimique largement utilisé dans les désherbants, dont le Roundup de Monsanto, dans un rapport publié jeudi. Un avis contraire à l'avertissement émis en mars par l'OMS, ce qui relance l'affrontement entre industrie agrochimique et défenseurs de l'environnement.
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Le rapport a pour objectif d'éclairer la Commission européenne, qui doit décider de garder ou non le glyphosate sur la liste de l'UE des substances actives autorisées, ainsi que les Etats membres pour la réévaluation des pesticides contenant du glyphosate autorisés sur leur territoire.
« Nous allons examiner attentivement l'étude et les conclusions de l'EFSA. Nous avons jusqu'à juin prochain pour prendre une décision, en consultation avec les Etats membres », a réagi un porte-parole de la Commission lors d'un point presse. Les experts ont « conclu qu'il est improbable que le glyphosate soit génotoxique (c'est-à-dire qu'il endommage l'ADN) ou qu'il constitue une menace cancérogène pour l'homme », explique l'EFSA dans un communiqué. Ils ne proposent donc pas que l'élément soit catégorisé comme cancérogène dans la réglementation de l'UE sur les substances chimiques.
L'EFSA établit également, pour la première fois, un « seuil de sécurité toxicologique », nommé « dose aiguë de référence », qui est la quantité qui peut être ingérée sur une brève période de temps sans être nocive pour la santé : elle a été fixée à 0,5 mg/kg de poids corporel par jour. « L'EFSA se basera sur ces nouvelles valeurs toxicologiques lorsqu'elle réexaminera les limites maximales de résidus dans les aliments pour le glyphosate », précise l'Autorité, une révision attendue en 2016 en coopération avec les Etats membres. Les limites maximales de résidus sont la concentration la plus élevée autorisée d'une substance active dans ou sur des aliments destinés à l'alimentation humaine ou animale.
La question du glyphosate, principal ingrédient des herbicides et présent en particulier dans le Roundup de Monsanto, le désherbant le plus vendu au monde, a déclenché des avis divergents.
La Glyphosate Task Force, qui regroupe les grands groupes de l'agro-industrie comme Monsanto, mais aussi son compatriote Dow Chemical ou encore le suisse Syngenta, s'est félicitée des conclusions des scientifiques européens. Elles confirment « les précédentes évaluations du glyphosate conduites par les autorités réglementaires du monde entier, qui ont conclu de façon constante que l'application du glyphosate ne pose aucun risque inacceptable pour la santé humaine, les animaux ou l'environnement », a observé Richard Garnett, président du collectif. Surtout, autre motif de satisfaction pour M. Garnett, l'étude précise bien avoir pris en compte une précédente étude du Centre international pour le cancer (CIRC), une agence de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
"Faire plaisir à Monsanto"
En mars, le CIRC avait déclaré cancérogène « probable » pour l'homme le glyphosate, aux côtés d'autres pesticides tels que le malathion ou le diazinon. Dans la foulée, des pays avaient restreint son utilisation. En Colombie, le président avait demandé de suspendre la fumigation aérienne contre les cultures illicites. En France, la ministre de l'Environnement Ségolène Royal avait réclamé l'interdiction de la vente aux particuliers d'herbicides contenant la substance.
L'EFSA explique dans son rapport que cette divergence de résultat tient à la prise en compte « d'une vaste quantité d'éléments, y compris un certain nombre d'études non évaluées par le CIRC ».
Les défenseurs de l'environnement ont immédiatement réagi en mettant en cause l'indépendance de l'EFSA, dont le groupe en charge du rapport était composé de scientifiques membres de l'autorité européenne et de représentants des organismes d'évaluation des risques de chacun des 28 Etats membres. « Les assurances de sécurité sur le glyphosate émises par l'EFSA soulèvent de sérieuses questions sur son indépendance scientifique », a estimé Franziska Achterberg, chargée de la politique alimentaire dans l'UE chez Greenpeace. « Une bonne partie du rapport s'inspire directement d'études non publiées commandées par des producteurs de glyphosate. La preuve du préjudice est irréfutable mais l'EFSA défie l'agence sur le cancer (le CIRC) qui fait autorité dans le monde pour faire plaisir à des sociétés comme Monsanto », a-t-elle accusé.
Pour la vice-présidente du groupe Verts au Parlement européen Michèle Rivisi, l'avis de l'EFSA « va complètement à l'encontre de sa mission première : appliquer le principe de précaution ».
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