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[Interview] John Deere « Avec la future norme moteur Stage V, nous rattrapons le secteur automobile »

Matthieu Turbé-Bion, responsable du bureau d’étude de l’usine John Deere Power System de Saran (©Terre-net-média) 

Matthieu Turbé-Dion, responsable recherche et développement à l’usine John Deere Power System de Saran, présente la future norme moteur Stage V. Interview.

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Terre-net (TN) : Comment est organisé le service "recherche et développement" de John Deere Power System (JDPS) ?

Matthieu Turbé-Bion (MTB) : « Le secteur "recherche et développement" fondamental de John Deere Power System est basé à Waterloo aux Etats-Unis. Le centre de recherche et développement Europe est situé à Saran. Sa mission : définir le produit avant sa mise en fabrication, conformément au cahier des charges du client. Mais il doit aussi suivre les évolutions de la réglementation en Europe et adapter les moteurs pour les mettre en conformité. Notre rôle sera d'autant plus important que seule l'Europe a fait le choix du Tier 5 pour le moment. »

TN : Comment avez-vous géré le récent passage à la norme Stage IV ?

MTB : « Nous avons investi fortement dans nos installations de recherche et développement, le "Bâtiment R" : 12 millions d'euros pour neuf cellules d'essais dédiées. L'une d’entre elles peut même accueillir un véhicule entier. Nous pouvons désormais réaliser des essais transitoires et stabilisés, tout en prenant en compte les futurs équipements after-treatment ou post-traitement » (cf plus bas)

TN : Dès janvier 2019, certains moteurs devront répondre à la nouvelle norme Stage V. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

MTB : « La norme Stage V succède à l’actuelle norme moteurs Stage IV. Elle est largement inspirée de l’Euro 6. Ainsi, nous rattrapons petit à petit le secteur de l’automobile. Le Tier 5 entrera en vigueur dès janvier 2019 pour les moteurs de 37 à 56 KW (50 à 76 ch) et de 130 à 560 KW (177 à 760 ch). Pour les moteurs intermédiaires de 56 à 130 kW (76 à 177 ch), la date d'application est le 1er janvier 2020. »

TN : Dans les faits, qu’est-ce qui change avec cette nouvelle norme ?

MTB : « Il n'y a aucune évolution sur la quantité de Nox rejetée. Les normes Stage IV et V exigent que celle-ci soit de 400 Mg/kWh maximum. Par contre, la nouvelle norme impose une diminution des émissions de particules de 25 à seulement 15 mg/kWh.

Mais surtout elle instaure un nouveau paramètre à surveiller : le nombre de particules émises. Ainsi, il ne devra pas y avoir plus de 1*10e12 particules par kWh. Soit 1 million de million de particules maximum. Sont concernées les particules de plus de 23 nm. Il y a donc de fortes chances que le filtre à particules soit de rigueur sur les engins agricoles.

Une autre nouveauté, le Inservice Monitoring ou l'introduction de mesures de conformité en conditions réelles d'utilisation. Concrètement, les moteurs devront être testés sur un banc d’essai mais aussi directement dans un champ.

Enfin, la dernière modification par rapport aux normes actuelles : leur application plus rapide. Il n’y aura aucune flexibilité, seul le bunkering d'un an sera possible. Autrement dit, les fabricants pourront stocker des moteurs à l'ancienne norme pour les monter plus tard, mais pendant un an seulement. »

NDLR : Les constructeurs ont joué sur les tolérances et la flexibilité pour vendre le plus longtemps possible des engins équipés de moteurs conformes aux anciennes normes.

Un moteur prototype en test dans une cellule John Deere Power System à Saran (©John Deere)

TN : Qu'est-ce que cela change au quotidien dans les tracteurs ?

MTB : « Le développement n'est pas aussi complexe que pour les normes précédentes. L'impact sur le coût sera donc plus limité. Mais on peut voir de grandes tendances dans le développement des moteurs Stage V.

Tout d'abord, l'optimisation du post-traitement. L'évolution des technologies permet d'ores et déjà de diminuer la quantité de platine et de palladium dans le convertisseur catalytique à oxydation diesel (DOC). Les filtres à particules diesel (DPF) à parois fines permettront de filtrer plus efficacement celles-ci. Le système, de taille plus petite, se logera plus facilement sous le capot. On parle même de combiner les fonctions du SCR et du DPF sur le même substrat pour limiter encore l’encombrement mais aussi les Nox.

Les bureaux d'étude continuent à travailler sur l'optimisation des moteurs eux-mêmes, c’est-à-dire sur la diminution de la taille des moteurs pour la même puissance générée, sur le moindre recours à l'EGR pour augmenter la fiabilité et surtout, sur le pilotage électronique des turbos pour former de l’e-wastegate ou l’e-turbo, permettant une régulation plus fine de ces organes. »

TN : Et après le Stage V, y aura-t-il un Stage VI ?

MTB : « Même si c’est encore loin, on parle déjà dans certains couloirs de Bruxelles de la norme suivante Stage VI, qui devrait s’accompagner du In service conformity c’est-à-dire de la conformité des moteurs lors de l'utilisation en plein champ et non plus seulement lors des tests. Mais c’est une autre histoire qui ne devrait pas nous impacter avant 2025 au plus tôt. »

TN : Ne serait-il pas plus simple d’avoir des tracteurs hybrides ?

MTB : « L’intérêt de l'hybridation dans le domaine agricole n'est pas tant la traction que l’alimentation d’accessoires ou la fourniture d'une surpuissance temporaire pour le pont avant. En règle générale, cette technologie ne réduit pas les émissions mais la consommation de carburant. Embarquer une génératrice électrique est intéressant pour le pilotage précis des outils grâce à un entraînement électrique ou à l’alimentation d'une remorque motrice électrique comme le propose Joskin. »

TN : La norme Stage V entraînera-t-elle une augmentation de la consommation de carburant ?

MTB : « En l'état actuel des choses, le post-traitement engendre une augmentation de la consommation de carburant. Nous recherchons des solutions pour pallier cet inconvénient. Toutefois, le Stage V est plus une phase d'optimisation qu'une course technologique. Nous avons donc bon espoir. »

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