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[Témoignage] Marc Bouquet, agriculteur « La clé de voûte de mon système en TCS : l’observation »

Marc Bouquet a utilisé son semoir à dents pour semer un mélange colza-luzerne dans les pailles de son précédent escourgeon en août 2015. (©Terre-net Média)

Face au risque d’érosion de ses sols, Marc Bouquet, agriculteur dans le Pays de Caux, teste et adopte des techniques d’agriculture de conservation. La presque totalité de son système est aujourd’hui en semis direct, excepté la betterave et le lin. Cette approche lui permet d’économiser du carburant et des intrants, tout en conservant des rendements similaires.

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Marc Bouquet a utilisé son semoir à dents pour semer un mélange colza-luzerne dans les pailles de son précédent escourgeon en août 2015. (©Terre-net Média)

Marc Bouquet cultive des terres de limon profond dans le Pays de Caux, en Seine-Maritime, depuis 1992. « Dans ces sols sensibles à l’érosion, la terre s’en allait à la profondeur du travail du sol. Des ravines se formaient en sortie d’hiver. Les sols, déstructurés, se claquaient. Charrié par l’eau, le meilleur de notre terre se retrouvait dans la mer. Mon taux de matière organique était de 1,5 à 1,6 », se souvient l'agriculteur. Son exploitation, basée sur la commune de Biville-la Baignarde, est centrée autour du lin textile, une culture prédisposée au climat normand. Il cultive aujourd’hui 128 hectares dont 40 ha blé, 15 ha colza, 5 ha de betterave sucrière, 18 ha d’escourgeon, 7 ha d’orge de printemps, 21 ha de lin et 20 ha de protéagineux. 

En 2002, Marc décide de tester des techniques de travail simplifié du sol pour limiter ses interventions. Il opte alors pour un système alliant combiné de semis - ameublisseur et déchaumage superficiel, tout en continuant à labourer quelques parcelles. « En labourant, je voyais mon sol changer de couleur, j’enfouissais la matière organique. Le sol se refermait. J’ai appris à observer : c’est la clé de voûte du système TCS », explique-t-il. En 2005, il arrête définitivement de labourer et vend sa charrue. Puis il troque l’ameublisseur contre un markstig qui travaille le sol sur trois à cinq centimètres seulement.

« Le tissu racinaire des couverts est formidable »

Marc sème son premier couvert d’interculture en 2011. Il s’agit d’un mélange de vesce, d’avoine, de féverole, de phacélie et de moutarde qu’il sème à la volée et recouvre d’un passage de déchaumeur. « L’automne 2011 a été très doux, le couvert s’est bien développé. Quand il est monté très haut, en hiver, j’ai constaté qu’aux pieds le sol était propre, tandis que dans les passages de roues de traitement, où je n’avais pas semé, il y avait plein d’adventices. J’ai vu des trous de vers de terre, le tissu racinaire dans le sol état formidable. Les différents ports, pivotants, fasciculés, maintenaient la structure du sol », explique Marc.

Pour aller plus loin, l’agriculteur passe au semis direct. En 2012, il investit dans un semoir à disques incluant deux trémies et une cuve de liquide de fertilisation localisée. Deux ans plus tard, il achète un semoir à dents d’occasion, qui lui permet d’écarter plus efficacement les pailles des précédents. Pour commencer, il sème de la féverole dans le couvert non broyé. Résultat : le rendement, de 60 q/ha, est dans la moyenne de son exploitation. Mais pour la très petite graine de lin, c’est une autre histoire.

Le semoir à disques de l'exploitation est équipé d'une cuve de liquide de fertilisation localisée. (©Terre-net Média)

Marc Bouquet a fabriqué un outil de type Compil "maison" qui mulch la surface du sol. (©Marc Bouquet)

« Je me suis tout de suite demandé si la technique marcherait avec une graine aussi délicate que celle du lin. Ainsi, j’ai fait des tests pour comparer les systèmes TCS et SD. J’ai semé, la même année sur couvert broyé, en SD à 2500 graines/m² et en TCS à 2100 graines/m². J’ai obtenu 1500 pieds levés en SD contre 1700 en TCS. Le lin a grandi plus vite et a un peu versé en TCS. En SD, il a poussé plus  lentement et plus haut, mais n’a pas versé. Par contre, le lin en TSC a plus de poids de paille au teillage. Au final, le poids de filasse par hectare était équivalent pour les deux techniques. Mon but est de maîtriser la technique du SD pour avoir moins de pertes à la levée. »

Des pratiques adaptées pour les graines délicates

Aujourd’hui, l’ensemble du système de Marc est en semis direct, sauf le lin et la betterave qui restent en TCS. Au menu : pour le lin, outil de type compil « maison » composé de trois bêches roulantes, markstig à cinq centimètres et herse rotative combinée semoir, même chose pour la betterave mais deux passages de markstig à 24 h d’intervalle, herse rotative et semoir monograine emprunté à la Cuma. Toujours à la recherche de nouvelles alternatives, l’agriculteur a, en 2015, semé son colza dans un couvert de luzerne. Côté produits phytosanitaires, il traite en bas volume à 50 l/ha. « En SD, j’ai beaucoup moins de graines d’adventices mises en position de germination. Les insectes, qui se nourrissent des semences au sol, ne sont pas détruits. J’ai donc tendance à être plus propre qu’avant. »

Bilan : le taux de matière organique moyen des sols de l’exploitation est aujourd’hui compris entre 2,2 et 2,4. Les rendements sont presque inchangés comparés au système conventionnel. Lorsque l’agriculteur livre le lin à sa coopérative, il se situe souvent dans le quart supérieur du groupe. En 2015, ses rendements en blé et escourgeon ont été respectivement de 107 et 105 q/ha. L’exploitation est aussi plus économe en carburant. « Alors que mon triptyque labour - combiné de semis - chisel représentait 35 l/ha, j’ai ramené ma consommation à 20 l/ha en TCS et à 7 l/ha en SD. » Sans oublier les économies d’intrants grâce au bas volume et à la fertilisation localisée.

Vendu à la coopérative Terre de lin, le lin textile représente un sixième de la surface de la ferme, mais entre un tiers et un quart en résultat économique (©Terre-net Média)

Cette année, le colza a été semé en association avec une luzerne, très tôt, au 10 août, pour que le couvert se développe bien. (©Terre-net Média)

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