Tout en un passage Philippe Pastoureau : « L’écosystème forestier comme modèle d’inspiration »
Philippe Pastoureau, en véritable homme-orchestre, combine préparation du sol, semis, fertilisation et désherbage. Il aspire à réduire au maximum l’empreinte mécanique sur ses parcelles tout en déployant une armada de pratiques favorables à l’activité biologique souterraine.
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Installé dans la Sarthe avec son épouse, Philippe Pastoureau, éleveur de vaches laitières et de volailles de Loué, a monté une Cuma avec cinq agriculteurs de son voisinage. Ensemble, ils gèrent un parcellaire de 500 ha composé principalement de blé, maïs et colza. En perpétuelle réflexion depuis 20 ans, ces six agriculteurs se font aujourd’hui remarquer avec un équipement imposant et original qui associe travail du sol, semis, fertilisation ou implantation d’un couvert et désherbage sur le rang.
Quand la combinaison "préparation et semis" s’avère possible, « le strip-till fissure le sol, un disque fertiliseur localise la féverole, plante compagne du colza, ou l’engrais starter pour le maïs, le semoir monograine place la graine dans la raie, et une rampe localise l’herbicide en fin de processus ». A l’origine de ces pratiques : la volonté de limiter les défauts de portance ou d’érosion, la pollution des nappes et les charges de mécanisation.
est généralement détruite par le gel
au cours de l'hiver. (©Philippe Pastoureau)
PRATIQUES ÉVOLUTIVES
« J’ai arrêté de labourer en 1995 ». Premier bilan cinq ans après. Le recours au fissurateur et au rotalabour en alternative n’est source d’aucune économie et l’action sur le sol est toujours là. « Pire, au lieu de le retourner, je le pulvérise. » Philippe Pastoureau tente alors le semis direct, d’abord pour les cultures intermédiaires, avoine et moutarde, et celles d’automne.
Nouveau point d’étape en 2005, avec une « grosse remise en question ». Les dépenses phytosanitaires ont grimpé. Les rendements, eux, ont chuté de 15 à 20 % surtout à cause d’échecs récurrents à l’implantation des colzas, mais aussi des blés derrière des récoltes difficiles de maïs. « Nous restions entre deux modèles, le fameux "Cedc", cul entre deux chaises. Une année, la terre était travaillée, l’autre non. Nous voulions que notre sol s’active sans même lui laisser le temps de démarrer. »
Une rencontre. « Odette Ménard, spécialiste québécoise du semis direct, nous ouvre les yeux sur le fonctionnement du sol avec comme clé d’entrée le ver de terre. » Elle nous explique comment prendre soin de cet illustre représentant de la faune souterraine et ainsi favoriser son action sur le degré de porosité, signe de qualité du support. Nourrir la faune pour qu’elle travaille et se multiplie implique de laisser la matière organique en surface, à l’image d’un écosystème forestier. « L’enfouir revient à la placer en conditions anaérobies. Le ver de terre n’y touchera pas. »
Un nouvel objectif : effectuer 80 % des semis dans du vivant après destruction mécanique des couverts, ou avec une faible dose de glyphosate, pour augmenter la population de vers de terre de 500 kg à 2-3 t/ha. « La graine est pour l’homme, la plante pour le sol », dixit Carlos Crovetto, agriculteur chilien, pionnier du semis direct. Démarre alors un partenariat avec Duro pour trouver un matériel adapté. « Le Compil est un déchaumeur qui gratouille 3-4 cm de terre sous les résidus, les laissant se désintégrer en milieu aérobie à la surface du sol travaillé. Avec une consommation nettement inférieure en carburant, l’outil est aussi très à l’aise dans les gros débris avant un semis dans des couverts encore vivants ou des résidus de maïs grain. Nous avons aussi fait évoluer l’interculture en choisissant des couverts biomax (biomasse et biodiversité maximum) avec un mélange de 3-4 espèces au moins dont des légumineuses. »
La Cuma a adopté le strip-till « pour faire la transition, en attendant que nos parcelles soient prêtes à se passer de tout travail du sol. Nous prévoyons de décaler la circulation des engins lié à l’élevage en période humide vers d’autres plus sèches grâce à des aménagements de stockage et des changements de fourrages (luzerne, maïs épi, méteil) ». Les premiers semis, avant le 10 avril, imposent de décomposer les chantiers. En effet, les limons hydromorphes posent des problèmes de ressuyage et de prise en masse. Un premier passage en sortie d’hiver détruit le couvert sur la future ligne de semis, un second prépare la raie en affinant la terre quelques jours avant de semer. Par contre, il est possible de combiner strip-till et semis pour le colza et les derniers maïs, ceux implantés derrière du méteil ou du ray-grass, ensilé en mai.
SEMER DANS LE VIVANT
« Il faut un semoir costaud pour trancher le chevelu racinaire des dérobées. Le large parallélogramme du Monoshox NG plus 4 de Monosem lui confère une bonne stabilité et force de pénétration. Nous avons aussi modifié notre strip-till en ajoutant un disque trancheur, puis des chasse-débris flottants munis de cônes, des disques billonneurs et un rouleau de rappui. Ceci pour obtenir une ligne de semis impeccable, un profil parfaitement friable et sans cavité. »
L’utilisation du monograine pour le colza a réglé d’un coup les défauts d’implantation. « La technique s’est propagée à tout le voisinage. Au lieu d’un écartement à 45 cm en colza et 75 cm en maïs, nous avons adopté 61 cm pour les deux (multiple pour le pulvérisateur qui est en 28 m). Strip-till, semoir et cueilleur sont en 7 rangs, avec une voie de 1,80 m pour les tracteurs et 3 m pour la moissonneuse. Ceci pour rouler toujours dans les mêmes traces. » Et puis, le maïs couvre plus vite le sol, pour une concurrence accrue vis-à-vis des adventices et un meilleur maintien de l’humidité.
Le Rtk vient d’arriver à la Cuma « uniquement pour gagner en vitesse d’exécution. A l’avenir, nous réfléchissons à l’utiliser avec le semoir monograine tous les 2-3 ans pour localiser par défaut le trafic des autres outils dans la parcelle. Dernière décision en date : localiser sur la ligne un herbicide racinaire. L’inter-rang, lui, reste couvert de résidus ». Quant au blé, à l’orge et aux légumineuses, ils sont semés à la volée devant le Compil (de préférence sous couvert), tout comme les intercultures en été, avec très souvent un roulage derrière.
CURE D’AMAIGRISSEMENT
« Nous voulons faire maigrir les machines, respecter les 5 t par essieu en conditions limites de ressuyage pour éviter le compactage. Le strip-till porté a ainsi évolué vers un ensemble semi-porté, histoire de délester le tracteur, d’économiser de la puissance et de pouvoir diminuer la pression des pneumatiques. Même principe pour la moissonneuse. Le cueilleur fixe est déplacé sur un chariot. De faible largeur, il limite la taille de la trémie, donc le poids de la machine, et nous permet de vider en bout de champ en faisant des allers-retours sur des parcelles de 450 m. »
« Les sols se travaillent de mieux en mieux. Depuis 2005, le taux de matière organique, initialement de 1,5-1,8 %, est remonté à 2,8 %. Et nous récoltons les bénéfices. Nos rendements ont progressé de 5 % en maïs, 15-20 % en blé et 20 % en colza. » « 20 ans pour passer d’un système maîtrisé, mais très dépendant sur le plan énergétique et dégradant pour le sol, à un système en constante construction mais qui nous ouvre plein de pistes et redonne la santé à nos terres. 10 ans de perdu à chercher la machine idéale, alors qu’elle était sous nos pieds... », conclut Philippe Pastoureau.
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