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« Si la pression exercée sur le sol est plus grande que sa portance, il se tasse »

Le groupe Apad 62 regroupe 12 agriculteurs, dont 8 sont en agriculture de conservation et les autres y réfléchissent.

Le dernier rendez-vous, organisé par l’Apad 62, avait pour objectif de revenir sur les causes de la compaction des sols et de voir comment la diagnostiquer et trouver des solutions.

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« L’agriculture de conservation des sols est un vrai levier pour entrer plus rapidement dans les parcelles sans entraîner de compaction. Les racines présentes la majorité du temps grâce aux cultures et aux couverts contribuent à une meilleure stabilité structurale. Cependant, tout passage en conditions limitantes de ressuyage peut détruire en une fois le travail réalisé par la vie biologique du sol », note l’Association pour la promotion de l’agriculture durable (Apad).

Des outils de diagnostic complémentaires

Pour éviter cela, Thierry Gain, coordinateur technique de l’association, met en avant l’importance de bien poser un diagnostic avant toute intervention. En tour de plaine, l'expert emmène avec lui un pénétromètre. Munie ou non d’un manomètre, cette tige métallique permet de repérer la présence de zones plus compactes et leur profondeur. « C’est un outil à avoir tout le temps avec soi », assure Thierry Gain, à l’occasion du tour de plaine organisé le 31 octobre dernier par l’Apad 62, qui a réuni une quinzaine d’agriculteurs à Questrecques dans le Boulonnais.

« L’objectif n’est pas de l’enfoncer le plus vite possible dans le sol… Il faut pratiquer pour améliorer l’interprétation. Attention, par contre, en présence de cailloux ou si le sol est trop sec, il sera plus difficile de tirer des conclusions. »

« Observer les racines et leur colonisation renseigne également sur un éventuel problème de compaction, avec le test bêche pour les 25 premiers centimètres. Si on veut aller plus loin, on peut aussi utiliser le profil 3D ou mini-profil, réalisé à l’aide de fourches plates sur un chargeur. Ce sont des outils complémentaires à exploiter, en fonction des besoins et des problèmes repérés. »

Le profil 3D ou mini-profil 3D est réalisé à l'aide de fourches plates d'un chargeur. (© Terre-net Média)

Face à ces risques, tous les sols ne sont pas égaux. Plusieurs caractéristiques entrent en jeu, dont la texture. « Contrairement à une idée reçue, les sols sableux peuvent se compacter. Il faut noter que plus le taux de matière organique (MO) est élevé, plus on a une structure solide ; or les sols sableux ont du mal à stocker la MO... Les argiles sont moins concernées par ce problème, mais elles ont tendance à garder plus d’eau et compliquer le ressuyage. En fait, toutes les textures sont potentiellement fragiles, mais pas de la même manière », indique Thierry Gain. « Le taux de MO, et celui de calcium dans le sol aussi, sont des facteurs de stabilité. » « Le taux de pierres joue également, les éléments grossiers permettent de conserver une certaine porosité de par l’encombrement qu’ils engendrent et ils absorbent en partie, la pression exercée par les engins lors de leur passage. »

Le sol n'a pas la même résilience en début de transition

« Si la pression exercée sur le sol est plus grande que sa portance, il se tasse. » Thierry Gain attire ainsi l’attention « sur le matériel utilisé, la qualité des pneumatiques et la succession des passages, et notamment dans la phase de transition en ACS. Le sol n'a pas la même résilience au début. Ce sont des points connus par les agriculteurs, mais qui ne sont pas toujours faciles à appliquer en fonction du contexte de l'exploitation, du matériel à disposition… », souligne le spécialiste. 

« La surface au sol des pneus est, par exemple, à étudier pour être la plus importante possible : à masse égale, la pression au sol peut être du simple au double en passant d’une largeur de pneu de 600 à 900. Certains agriculteurs utilisent la référence des 3 crampons au sol pour juger de la bonne pression : une donnée facile à utiliser, mais pas toujours suffisante avec du matériel lourd ! En passant d'une pression de 1,5 bar à 0,8 bar, la longueur de l'empreinte passe de 88 à 111 cm et une pression au sol de 670 g/cm² à 580. La structure et le diamètre du pneu jouent également : un pneu radial se déforme bien mieux qu’un pneu diagonal et donc sa surface de contact est meilleure. Plus le diamètre est important, plus la longueur de l’empreinte est élevée, ce qui permet de diminuer la largeur pour obtenir la même surface de contact. »

« Quant à l'effet du nombre de passages, l'impact se ressent dès le premier. Les passages ultérieurs, à charge égale, continueront d'influer sur la compaction de surface sans impacter la profondeur. Il vaut donc mieux plusieurs passages légers qu’un passage lourd car le sol peut plus facilement retrouver une bonne porosité de surface qu’en profondeur. Il peut être aussi tentant d’utiliser des chenilles pour augmenter la surface de l’empreinte. Cependant, cela va dépendre également de la tension de la bande de roulement et du nombre de galets : des "pics" de pression sont observés sous les galets. Suivant l’humidité du sol, une chenille impactera également le sol en surface. »

« Le tassement en profondeur (au-delà de 25 cm) dépend principalement de la charge par essieu. Il ne faudrait pas dépasser 17 t par essieu pour ne pas compacter à plus de 30 cm même en sol proche de la capacité au champ. »

Aérer si nécessaire

Un passage de fissurateur peut s'avérer utile, surtout en phase de transition. Les objectifs : « améliorer les échanges gazeux, casser les semelles de compaction, favoriser la pénétration des racines, optimiser la gestion de l'eau, limiter l'érosion, préserver la structure du sol à long terme... ».

Deux fissurateurs en action : le Smartplow d'Agrisem à gauche et le modèle de Terrier à droite. (© Terre-net Média)

Là encore, avant toute intervention, « il convient d'affiner le diagnostic, rappelle Thierry Gain, car l'action de fissuration peut aussi être contre-productive. L'idéal est de passer dans un couvert installé ou qui va être semé, sur un sol un peu humidifié en fin d'été ». 

Retrouvez les indicateurs de réussite et d’échec d’une fissuration (Apad) :

Indicateur de réussite

Indicateur d’échec

Profondeur

Fissures atteignent la profondeur visée

Fissures superficielles ou absentes

Largeur/répartition

Fissures homogènes et espacées régulièrement

Zones non fissurées ou espacement irrégulier

Absence de lissage

Sol meuble autour des fissures

Sol durci ou traces de compaction

Surface

Plane, sans trous ni bosses

Surface irrégulière ou présence de blocs

Humidité du sol

Sol friable, ni trop sec, ni trop humide

Sol collant ou trop dur

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