Changement climatique Réformer l'agriculture et les systèmes alimentaires
L'agriculture et les systèmes alimentaires mondiaux vont devoir se réformer en profondeur pour nourrir plus de neuf milliards d'êtres humains d'ici 2050, sans aggraver les changements climatiques ni accélérer la réduction de la biodiversité, affirme le chercheur Patrick Caron.
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Président du groupe d'experts du comité des Nations unies sur la sécurité alimentaire mondiale, Patrick Caron, géographe au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD, France), vient de publier avec 26 experts internationaux un article dans « Agronomy for sustainable development » demandant la mise en place rapide d'une « stratégie de transition ». Pour « éviter une catastrophe », dit-il à l'AFP.
Question : La sécheresse cet été a affecté la production agricole en Europe, et en Australie, et généré des hausses sur les marchés des matières premières qui fragilisent les pays en voie de développement. Pensez-vous que l'agriculture doive être intégrée aux prochaines négociations COP24 sur le climat ?
Réponse : L'agriculture a été très longtemps ignorée des négociations internationales, c'était un sujet tabou car il ne fallait surtout pas que le sujet vienne polluer les négociations commerciales internationales. Certains pays, l'Inde par exemple, ne voulaient pas soumettre les enjeux de sécurité alimentaire aux négociations internationales, et l'Afrique ne voulait pas obérer son développement au nom de l'engagement des pays industrialisés contre le changement climatique. Mais les choses changent, et la prochaine COP, qui se tiendra en Pologne, devrait parler de l'agriculture et de son rôle dans le changement climatique. L'enjeu est de concevoir des accords qui tiennent tout à la fois compte des objectifs locaux de développement et des objectifs internationaux sur le climat, afin par exemple que la transformation de l'agriculture, en Bretagne ou au Burkina Faso, puisse être bénéfique pour le développement économique de la région sans être destructrice pour l'environnement.
Q : Après le recours massif à la chimie et à la mécanisation agricole, via la révolution verte prônée par la FAO après la deuxième guerre mondiale, quelles évolutions doit maintenant suivre l'agriculture ?
R : Nous ne sommes plus au XXe siècle, où il fallait produire toujours plus pour alimenter la planète. Notre article défait ce postulat. La planète a montré qu'elle avait su parfaitement s'adapter à l'augmentation de la population mondiale puisqu'on a multiplié la production agricole par 2,5 alors que la population doublait entre 1960 et aujourd'hui, en passant de 3 à 7 milliards d'habitants. Et heureusement que l'agriculture a été capable de s'adapter, sinon il y aurait eu des famines incroyables! Mais, aujourd'hui la croissance de la population n'est plus le principal moteur de la demande dans les systèmes agricoles et alimentaires, à part en Afrique sub-saharienne. Pour transformer les systèmes alimentaires, (...) il ne faut plus seulement penser agriculture et alimentation, on embarque aussi l'environnement, les questions sociales, la stabilité politique et les questions de santé humaine. L'accent doit plus être mis sur "apprendre au monde à se nourrir lui-même", que sur "alimenter le monde". Notre message est de dire que la transformation des systèmes alimentaires ne s'opérera pas spontanément ni uniquement par transformation technique et technologique, et que cela nécessite un pacte politique sur le sujet.
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