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Ambiance délétère avant le congrès de la Coordination rurale à Auch

Après une percée historique en janvier, la Coordination rurale, deuxième syndicat agricole en France, s'apprête à renouveler sa tête lors de son congrès mardi et mercredi à Auch (Gers) dans une ambiance délétère.

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La présidente sortante Véronique Le Floc'h, qui brigue un nouveau mandat de trois ans, fera face à Bertrand Venteau, président de la chambre d'agriculture de la Haute-Vienne depuis 2019. L'éleveuse de 52 ans, productrice de lait bio du Finistère sud, veut accompagner le syndicat après son succès aux élections de chambres d'agriculture, et « consolider sa position d'acteur incontournable du monde agricole ».

Bertrand Venteau, 46 ans, éleveur de vaches de race limousine, promeut un syndicat « au service des équipes départementales dans la défense des paysans ». Une déclinaison locale du slogan omniprésent dans les manifestations des deux derniers hivers : "Foutez-nous la paix, laissez-nous bosser".

Il est soutenu par les dirigeants des places fortes du syndicat aux bonnets jaunes, du Gers natal de la CR au Lot-et-Garonne : les « sudistes » estiment que la percée aux élections leur est largement attribuable, portée par une série d'actions musclées contre des camions de fruits et légumes importés ou le saccage de bureaux de l'Office français de la biodiversité.

Ils défendent une ligne dure, vue comme l'ADN d'un mouvement bâti de blocages en coups d'éclat. Certains ne cachent pas leur proximité avec l'extrême droite, à rebours d'une ligne officiellement « apolitique ».

Insultes et menaces

En janvier, aux élections professionnelles, la CR a remporté la présidence de huit nouvelles chambres d'agriculture, en plus de celles des Lot-et-Garonne, Vienne et Haute-Vienne qu'elle contrôlait déjà, soit 11 sur un total de 101

À l'issue d'une campagne de « dégagisme » visant l'alliance historique FNSEA-Jeunes agriculteurs (JA), elle a obtenu près de 30 % des voix des agriculteurs (contre 20 % six ans auparavant). Ses subventions publiques (4,02 millions d'euros) ont dépassé celles de la FNSEA (3,7 millions) et des JA (3,8 millions) séparément. Toute la question est de savoir si ce dégagisme triomphant s'appliquera en interne.

Car ces derniers mois, la Coordination rurale a relativement calmé le jeu sur le terrain, approfondi ses échanges avec le ministère de l'agriculture, recruté et tenté de fédérer ses chambres. Une notabilisation qui déplaît au sud de la Loire, où le reproche de « cogestion avec l'État » adressé à la FNSEA vise désormais Véronique Le Floc'h et son comité directeur.

Bertrand Venteau a reçu le soutien de nouveaux présidents de chambre, comme Lionel Candelon dans le Gers, mais aussi de figures des manifestations agricoles comme Karine Duc, nouvelle présidente de la chambre du Lot-et-Garonne, et José Pérez, président du syndicat dans ce département, la remuante « CR 47 » dont la gestion passée « clientéliste » a été sanctionnée vendredi par la Cour des Comptes.

Le ton est monté ces derniers mois : insultes, menaces et indimidations ont fusé à l'encontre de la direction sortante, selon une enquête de Radio France, qui rapporte notamment un message évoquant un mélange d'ammonitrate, de carburant et un détonateur en guise de « solution » pour le comité directeur.

Propos « inacceptables »

Bertrand Venteau minimise ces menaces, dont l'une a conduit à une plainte au parquet de Tulle, évoquant des chicaneries qui auraient dû rester « en famille ». Quant à José Pérez, il a exigé que la direction nationale ne fasse « pas de chichis » et règle 50 000 euros d'amendes infligées à des agriculteurs pour des dégradations, selon Radio France.

« Je lui ai répondu que l'argent public n'était pas destiné à payer des amendes », indique à l'AFP Mme Le Floc'h. « Ça me paraît normal que le syndicat national ne laisse pas tomber ses soldats quand ils partent à la guerre », rétorque José Pérez, évoquant auprès de l'AFP « la montée sur Paris et Rungis » l'hiver dernier, des actions qui ont selon lui attiré de nouveaux adhérents.

L'actuel secrétaire général, l'éleveur haut-savoyard Christian Convers, déplore des propos « inacceptables ». Alors que « c'est surtout sur la méthode qu'on diverge, pas vraiment sur le fond », ajoute-t-il.

« On gère une crise de croissance », tempère Véronique Le Floc'h, défendant la nécessité d'imposer le syndicat dans l'agenda national voire international : pour lutter contre l'accord UE-Mercosur, les « dérives » de la politique agricole commune et protéger les revenus des petits exploitants.

Elle se décrit comme une femme de « dossiers », assure « entendre les critiques » mais peine à fédérer sur une ligne claire, dans un syndicat à la fois libéral et souverainiste.

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