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Conseils pour transformer à la ferme céréales, oléagineux, légumineuses...

Il faut se poser les bonnes questions, dans le bon ordre, pour éviter des modifications a posteriori difficiles à mettre en œuvre.

Transformer sur l'exploitation ses céréales en farine, pain, pâtes, son colza et tournesol en huile, produire des légumes secs... Pour ces productions végétales, le processus est un peu plus simple et les normes moins drastiques que pour la transformation de lait ou de viande, mais l'atelier se monte aussi pour 15-20 ans minimum, doit être fonctionnel et respecter certaines règles.

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Avant toute chose : il faut être sûr de son projet et de sa motivation, au vu des investissements et du temps mobilisé, insiste Aurore Lamarche, conseillère circuits courts et hygiène alimentaire à la chambre d'agriculture de Charente-Maritime Deux-Sèvres, et coanimatrice du réseau Bienvenue à la ferme, dans une vidéo publiée sur la chaîne Youtube de Chambre d'agriculture France. C'est pourquoi elle conseille d'aller voir des agriculteurs qui se sont lancés dans l'aventure.

Il importe également de « se poser les bonnes questions, dans le bon ordre », pointe Anne Demonceaux, conseillère circuits courts à la chambre d'agriculture de Normandie, à l'occasion du webinaire "Créer un atelier de transformation sur mon exploitation", organisé dans le cadre du forum des fournisseurs des circuits courts et diffusé sur sa chaîne Youtube. Ceci afin d'éviter des modifications a posteriori, qui seront difficiles à mettre en œuvre, ou à l'extrême de devoir tout casser. 

Les questions à se poser

Quelle gamme de produits proposer ? « Mieux vaut se limiter, au moins au départ, à quelques références et le faire correctement que de partir dans tous les sens », recommande dans ce webinaire Rémi Andres, président fondateur de Mon labo fermier et RS Modul. Quels volumes transformer ? « En céréales, ils restent faibles au regard de la quantité récoltée », fait remarquer Aurore Lamarche : 25 % en moyenne, les producteurs continuent de livrer 75 % de leur récolte à la coopérative ou au négoce. Quel temps y consacrer ? « Attention, cela devient vite chonophage », prévient-elle.

Quelles sont les étapes nécessaires à la transformation ? Il s'agit, derrière, de « connaître les contraintes (température, hygrométrie, temps de repos...) voire les incompatibilités éventuelles ». Quels circuits de commercialisation et quels clients : particuliers (vente directe à la ferme et/ou sur les marchés), magasins (boulangeries, épiceries...), restaurants, grossistes, grandes surfaces, collectivités, etc. ?  Quels prix de vente ? « Une étude de marché est nécessaire pour analyser les débouchés et être sûr que ce soit viable. Ensuite, il faudra passer du temps à démarcher. »

Où installer cette activité : sur votre exploitation ou en dehors ? Sachant que dans les deux cas, « il faudra un permis de construire donc se rapprocher des collectivités locales, des mairies par exemple », indique Charles-Ewen Rousselot, responsable commercial chez Dalkia Froid Solutions. Construire neuf ou rénover le bâti existant ? « La rénovation permet d'utiliser l'existant et peut paraître plus économique qu'une construction neuve, mais quand on met tout bout à bout, ce n'est pas toujours le cas », met-il en garde.

« De plus, les anciens bâtiments ne sont pas toujours adaptés en termes de pente, de dimension d'ouverture de portes », poursuit Rémi Andres qui recommande de prévoir des possibilités d'extension car « souvent, on commence petit pour des questions de coût ». En dur ou modulaire ? L'avantage de la deuxième solution : elle est évolutive et déplaçable. Il faut quand même un permis de construire ou une autorisation de travaux en dessous de 20 m2.

Y aura-t-il un magasin sur place ou ailleurs avec d'autres producteurs, un point de retrait ou un distributeur automatique ? À décider en fonction de l'importance de la clientèle : avoir sa propre boutique implique de se conformer à la législation, vis-à-vis des personnes à mobilité réduite notamment, et ne se justifie pas forcément. Quels équipements (presse, filtre, moulin...) ? Quel investissement financier ? Le principal lorsqu'on transforme des céréales, oléagineux ou légumineuses : « les machines de tri », précise Aurore Lamarche.

Pour éliminer les pierres, les débris et potentiellement la datura, qui produit des graines toxiques, il faut investir dans plusieurs trieurs qui n'ont pas la même utilité – tri par tamisage, ou en fonction de la densité, de la couleur –, et y faire passer successivement les grains. L'atelier sera-t-il individuel ou collectif ? La seconde alternative suppose de « bien s'entendre », alerte Rémi Andres. Souhaitez-vous faire de la prestation pour d'autres agriculteurs ? Quelle main-d'œuvre enfin pour la mise en place et à plus long terme, et quelle organisation du travail ?  

La conception des locaux

Ces interrogations levées, il faut se pencher sur les aspects sanitaires et réglementaires même si les légumes secs comme les lentilles, la farine, l'huile ne sont pas autant à risque que les produits laitiers ou carnés. L'agrément CE n'est d'ailleurs pas obligatoire comme pour les denrées animales, mais il est gage de « qualité pour le consommateur, le banquier, l'assureur », met en avant Rémi Andres. Pour éviter les problèmes de conservation et les intoxications alimentaires, tout se joue ou presque au moment du tri, du nettoyage et du stockage des grains, alerte Aurore Lamarche.

« En théorie, il faudrait un endroit lessivable mais, pour des productions primaires, un hanger peut très bien suffire. » Vous devrez juste être vigilant et lutter contre la présence de rongeurs et d'oiseaux. La tranformation, en revanche, devra être réalisée dans une pièce lessivable, le plus gros danger étant le développement de mycotoxines. D'où l'intérêt d'un tri et nettoyage soigneux.

Dans le détail, la chambre d'agriculture de Normandie préconise au niveau conception du laboratoire pour : 

- les matériaux : qu'ils soient étanches, lisses, non absorbants, lavables, de couleur claire (et non toxiques bien sûr) ;

- les plafonds : de veiller à leur propreté et à la condensation ;

- les fenêtres : de placer, si besoin, des systèmes de protection contre les nuisibles facilement nettoyables et amovibles ;

- les sols : d'assurer une bonne évacuation de l'eau de nettoyage ;

- les surfaces en contact avec les denrées : qu'elles soient entretenues, faciles à nettoyer et désinfecter, résitantes à la corrosion (et non toxiques là encore) ;

- l'ensemble des bâtiments : d'effectuer un assainissement, d'installer une alimentation en eau froide et eau chaude, ainsi qu'une ventilation et des éclairages adéquats, et des dispositifs de lavage et désinfection efficaces. Renseignez-vous auprès du syndicat local sur la gestion des eaux.

« Les locaux doivent être compatibles avec la production de denrées alimentaires, résume Anne Demonceaux. Il est essentiel de suivre le principe de marche en avant, dans l'espace – les produits finis ne doivent pas être en contact avec ceux en cours de fabrication – et le temps – différentes opérations peuvent être effectuées dans un même lieu dès lors qu'elles sont séparées par une phase de nettoyage et de désinfection – et de séparer l'espace par secteurs (sale/propre, froid/chaud). »

Il faut aussi penser au stockage : de la matière première, des emballages qui s'achètent par palettes pour réduire les coûts et qui doivent être stockés de manière à empêcher les contaminations, des produits finis, et à l'accès extérieur pour les livraisons. Sans oublier le SAS d'entrée et les vestiaires. « Chaque partie de l'unité de transformation doit être bien dimensionnée », conclut pour sa part Rémi Andres.

Valentine Amette s'est installée, en 2022, sur une exploitation de 58 ha de grandes cultures. Une surface insuffisante pour pouvoir en vivre. Ne parvenant pas à reprendre de foncier, elle s'est diversifiée dans la production de farine et la vente en circuits courts. Elle témoigne, en vidéo, dans la série Cap Installation sur la chaîne Youtube de Jeunes Agriculteurs Normandie :

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