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« L’agriculture est souvent une variable d’ajustement dans les négociations commerciales »

Avec des échanges internationaux de plus en plus soumis aux tractations de pays à pays, l’agriculture et l’agroalimentaire sont soumis aux vents turbulents du libéralisme, alors que le rôle stratégique mériterait une considération particulière.

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Pendant de nombreuses années, l’agriculture et l’agroalimentaire ont rapporté des milliards à la balance commerciale de la France. Depuis 2008, cet excédent n’a cessé de se réduire. « Sur les 10 premiers mois de 2025, l’excédent est en baisse de 85 % par rapport à 2024, chiffre Philippe Chalmin, président de Cyclope et spécialiste du marché des matières premières, lors des Assises de l’Agriculture et de l’Alimentation, organisées par le journal Ouest-France.

En 2026, la balance commerciale sera au mieux à l’équilibre, peut-être même déficitaire ». Si le commerce international de matières agricoles et de produits alimentaires a connu de belles heures depuis les années 90, apportant de la croissance économique, les cartes sont rebattues depuis 2020. La crise sanitaire, puis le conflit russo-ukrainien ont perturbé l’équilibre des marchés. Le coup de grâce a été porté en avril 2025 par la décision de Donald Trump de passer les droits de douane de 2 % à une moyenne de 20 %.

« Cela a mis fin à un modèle de mondialisation basé sur le multilatéralisme. Désormais, ce sont des accords bilatéraux qui régissent les échanges et l’OMC n’est plus qu’une coquille vide », déplore Philippe Chalmin. Ce qui a eu des conséquences directes sur les exportations françaises de produits alimentaires.

De gauche à droite, Anne Marie Vaudon, productrice de cognac ; Christian Griner, directeur du groupe Even ; Philippe Chalmon, professeur à l’université Paris Dauphine et président de Cyclope ; Stéphane Galais, porte-parole de la Confédération Paysanne. (© Cécile Julien)

Une décision américaine peut mettre à mal toute une filière

« L’augmentation des droits de douane a été un séisme pour nos exports vers les États-Unis. Déjà que la parité euro/dollar surenchérit nos prix », se désole Christian Griner, directeur du groupe Even. Si pour le groupe laitier, les ventes majoritaires en France et la répartition des exportations vers 110 pays ont amorti le choc, pour certains produits, comme le cognac, l’export assure 98 % de leurs ventes. « Nos deux plus gros marchés, les États-Unis et la Chine, se sont écroulés en 2025, déplore Anne-Marie Chambon, viticultrice et administratrice de l’Union générale des viticulteurs pour l’AOC Cognac. À chaque fois à cause de taxes mises en place pour des raisons politiques. L’agriculture a été la victime collatérale de tensions, de tractions sur d’autres secteurs, sans que l’Europe nous défende ou nous aide ».

« L’agriculture est souvent une variable d’ajustement dans les négociations », reconnaît Philippe Chalmin. Les tractations sur l’accord du Mercosur en semblent la confirmation.

« Cet accord est la porte ouverte aux importations de viande bovine, qui vont déstabiliser un secteur déjà fragile », regrette Stéphane Galais, porte-parole de la Confédération paysanne. L’éleveur plaide pour que « le commerce ne fasse pas uniquement sur une compétition au moins-disant économique. Pour sauver notre agriculture, il faut défendre la qualité des produits, le respect environnemental ». Ce qui demanderait un engagement fort de l’Europe en faveur de son agriculture.

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