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Quels obstacles à l’efficacité des EPI en agriculture ?

Si les risques liés à l’utilisation des produits phytosanitaires sont évalués et connus, la protection de la santé des agriculteurs repose en grande partie sur le port d’équipement de protection individuels (EPI) dont l’utilisation n’est pas toujours optimisée par rapport aux conditions réelles de travail d’un exploitant agricole.

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Que peut-on raisonnablement demander aux agriculteurs pour assurer leur propre protection ? La question mérite largement d’être posée, puisque si la responsabilité de la sécurité incombe à différents acteurs – pouvoirs publics, firmes phytosanitaires – l’agriculteur est seul à prendre le risque lors de l’utilisation de produits phytosanitaires. Il faut donc prendre en compte les particularités du travail des opérateurs phytosanitaires en agriculture, a expliqué le Dr Gérard Bernadac, médecin à la caisse centrale de la MSA, devant l’Académie d’agriculture, le 22 janvier.

En effet, l’agriculteur est souvent multitâche : conducteur, technicien de maintenance, responsable du réglage, du nettoyage, gestionnaire… et confronté à divers changements de situation au travail, explique-t-il. Gérard Bernadac décrit ensuite une matinée de « travail réel », issue d’observations menées pour l’arsenic. Après la préparation et la montée dans le tracteur pour l’application, plusieurs arrêts sont nécessaires, entre un réglage à refaire, une pause repas, un incident, un voisin qui vient dire bonjour, autant d’interruptions qui nécessitent d’enlever la combinaison dans les bonnes conditions, se laver les mains, etc.

Les difficultés rencontrées par les agriculteurs

Ainsi, plusieurs situations sans solutions sont listées par les agriculteurs lors d’incidents au champ, relate-t-il. Après s’être protégé pour intervenir, avoir lavé ses gants puis ses mains, comment gère-t-on le savon ? Comment ranger les gants, fermer le robinet d’eau, rentrer dans la cabine ? Que faire des bottes et de la combinaison ?

Les EPI ne sont pas efficaces s’ils ne sont pas associés à une hygiène et un comportement parfaits, ajoute Gérard Bernadac, mais ils posent problème si la manière de les gérer est difficile. « La chaîne de prévention est une succession de maillons, et si l’un craque, le produit peut entrer dans l’environnement », explique-t-il.

Les différents maillons d'une "chaîne de prévention" (© Gérard Bernadac)

D’autres éléments qui favorisent les difficultés de prévention

Sans compter que d’autres facteurs entrent en ligne de compte, comme un matériel peu fiable, une matière active très toxique, l’environnement (chaleur, vent…), compliquant l’organisation. L’agriculteur peut, certes, gérer son comportement, entretenir son matériel, bien lire les étiquettes des produits, mais il choisit aussi son pulvérisateur en fonction de sa trésorerie. L’absence de matériel d’application fiable et accessible constitue l’un des freins à la prévention, de même que l’absence de rapprochement entre les concepteurs de spécialité et les concepteurs d’application. Par exemple, des agriculteurs relatent des difficultés liées à l’augmentation des formulations bio ou de biocontrôle, souvent plus concentrées, avec des doses d’application très fortes, une plus grande viscosité, qui favorisent les incidents de traitement.

Retrouvez l’intégralité de la séance de l’Académie d’agriculture, « la santé des agriculteurs face à l’utilisation des produits phytosanitaires" :

Des pistes d’amélioration

Ainsi, les messages véhiculés par les pouvoirs publics et par certains scientifiques apparaissent discordants, souligne Gérard Bernadac. Pour le médecin, la solution passe par plusieurs axes, comme le matériel d’application, mais elle sera surtout « centrée sur la résistance des cultures aux maladies ».

Enfin, il faut également « tenir compte de la temporalité des évolutions possibles de la profession agricole », d’autant plus que « les difficultés de trésorerie des agriculteurs ne sont pas propices à l’évolution souhaitée par la société », explique-t-il.

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