Edito L’Europe est (presque) morte, vive l’Europe !
Les crises agricoles, entre autres, révèlent les faiblesses de l'Europe, inapte à prendre des mesures collectives et efficaces. Mais face à la tentation destructrice du rejet, la prochaine réforme de la Pac doit être l’occasion de fixer un nouveau cap agricole collectif et unique, plus protectionniste pour les agriculteurs.
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Petite devinette : quel est le point commun entre la crise des migrants et celle que traverse l’agriculture en France et en Europe ?
Le 19 mars 2016, l’Union européenne signait un pacte avec la Turquie pour renvoyer des dizaines voire centaines de milliers de migrants afghans, érythréens, irakiens et surtout syriens. Des "contraints à l’exil" fuyant la dictature, la pauvreté ou la guerre, et qui débarquent en masse le long des côtes grecques. Le tout moyennant quelques milliards d’euros et l’accélération du processus d’adhésion du pays à l’UE.
Cinq jours auparavant, le commissaire à l’agriculture Phil Hogan annonçait être « prêt à proposer » une mesure de limitation temporaire de la production laitière européenne. Un dispositif qui serait, précision d’importance, basé sur le volontariat des opérateurs.
chef de rubrique "politique
agricole, économie, gestion,
société".(©TNM)
Migratoire ou agricole, les crises mettent chaque jour un peu plus à nu l’inaptitude de notre "bonne" vieille Europe à prendre des décisions collectives, consensuelles mais contraignantes. Dans les deux cas, l’éxécutif européen préfère laisser les pays se débrouiller : la Turquie avec un drame humanitaire complexe, la France et les autres états membres avec du lait, du porc ou de la viande bovine en excès et/ou plus difficile à vendre. Avec à la clé une régulation du marché "par les hommes".
L’embargo russe, qui résulte de sanctions financières décidées par la Commission à l’encontre du Kremlin, en est une autre illustration : les agriculteurs se demandent encore comment Bruxelles peut ne pas les soutenir – ou si peu – pour faire face à une réaction moscovite prévisible. Ceci dit, il ne faut pas s’y méprendre : la réponse adéquate à ce vent agricole libéral, à cette absence de solutions et de vision, ne peut pas être l’utopiste Frexit suggéré par quelques extrêmes politiques.
Au contraire ! En plus de l’enjeu d’assurer la sécurité alimentaire, l’Europe agricole, désormais trop certaine de ses capacités de production et d’exportation, doit se fixer un nouveau cap. Un cap collectif, pour une Europe plus protectionniste envers ses agriculteurs, très vulnérables sur le marché mondial.
C’est pourquoi l’échéance d’une nouvelle politique agricole commune en 2020 est cruciale. 2020, c’est dans quatre ans ! Donc demain. Malgré ces temps économiques difficiles, le travail de sensibilisation et d’échanges doit commencer, à tous les niveaux. Non pas pour enterrer l’Europe agricole, mais pour la faire renaître.
Edito paru dans Terre-net Magazine n°55 d'avril 2016.
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