Zoom sur le blé dur, céréale des pastiers et semouliers
La sole française de blé dur est d’environ 300 000 hectares, principalement situés en Provence-Alpes-Côte d’Azur, en Occitanie, dans le Centre-Val de Loire et le Grand Est. Deuxième producteur européen derrière l’Italie, la France exporte une grande partie de sa récolte vers l’Europe du Sud et le Maghreb. Cette culture offre un débouché rémunérateur, mais attention : une gestion rigoureuse de la fertilisation azotée est essentielle pour éviter le mitadinage, un défaut de vitrosité qui pénalise fortement la qualité du grain.
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Sommaire :
- Variétés : un catalogue resserré qui impose de bien choisir
- Date de semis du blé dur : un équilibre à trouver
- Piloter finement l’azote pour combiner rendement et qualité
- Désherber en prélevée ou post-levée précoce pour limiter la concurrence
- Maladies, ravageurs : le blé dur, une culture sensible
- Récolte du blé dur : attention, grain fragile !
Variétés : un catalogue resserré qui impose de bien choisir
Le catalogue officiel français recense environ 70 variétés de blé dur, contre près de 300 pour le blé tendre. Cette offre plus restreinte reflète les exigences spécifiques de la filière semoulière et exige une vigilance accrue au moment de faire son choix. Il est moins facile de trouver « une variété pour chaque situation ». Chacune doit être évaluée selon ses caractéristiques agronomiques et son adaptation au contexte pédoclimatique local.
Principaux critères de sélection
- Les conditions climatiques sont le premier critère à considérer pour identifier les variétés les plus adaptées à sa région. Dans la moitié sud, on privilégie les variétés précoces et tolérantes à la verse ou à la fusariose ; au centre et dans l’Est, les variétés plus tardives et rustiques sont souvent préférées.
- La nature du sol joue un rôle important, notamment sa capacité à restituer l’azote et à conserver l’humidité en fin de cycle. Certains blés durs s’adaptent mieux aux terres profondes ou argilo-calcaires, d'autres aux sols superficiels ou séchants.
- Certaines variétés se démarquent par leur capacité à conjuguer rendement élevé et qualité technologique.
- Une bonne tolérance aux maladies foliaires (rouille brune et jaune, septoriose) sont essentielles pour sécuriser la production.
- Les qualités technologiques (teneur en protéines, vitrosité des grains, couleur) sont déterminantes pour répondre aux exigences des semouliers et pastiers.
Classement et débouchés
Depuis 2019, le classement technologique pour l’inscription des variétés de blés durs ne compte plus que trois catégories :
- Élite : répond aux exigences les plus élevées en termes de qualité technologique.
- Qualité : bonnes caractéristiques technologiques, adaptées à la majorité des usages industriels.
- Standard : usages moins exigeants ou spécifiques.
Ce classement repose sur plusieurs critères : valeur semoulière (PMG, résistance au mitadinage) ; résistance à la moucheture, intensité du jaune et clarté de la semoule ; qualité en cuisson (teneur en protéines et indice de sédimentation SDS).
Les grains sont aussi évalués sur la vitrosité : ils doivent doit être translucides, durs, secs et entiers. Une bonne vitrosité garantit une qualité technologique élevée de la semoule, notamment en matière de rendement à la mouture et de comportement en cuisson. Les variétés répondant à ces critères offrent une bonne valorisation aux producteurs.
Le classement G1 à G4 des variétés de blé dur utilisé par les semouliers et pastiers évalue la qualité technologique des grains destinés à la transformation. Ce classement se structure généralement comme suit :
- G1 (Groupe 1) = variétés présentant une qualité technologique optimale : vitrosité élevée, teneur en protéines > 13,5 %, couleur jaune intense, excellente force du gluten.
- G2 (Groupe 2) = très bonne qualité technologique : vitrosité et protéines élevées, mais légèrement inférieures à G1.
- G3 (Groupe 3) = qualité technologique moyenne : vitrosité modérée, protéines autour de 12,5 %, couleur jaune plus pâle.
- G4 (Groupe 4) = qualité technologique faible : vitrosité et protéines faibles (< 12 %), couleur jaune pâle, usage plutôt industriel.
Mélanges variétaux : une pratique marginale
Contrairement au blé tendre, le mélange de variétés au sein d'une même parcelle ne se pratique qu’à la marge. C’est parfois le cas en agriculture biologique, mais cette pratique reste rare. La filière semoulière exige en effet une homogénéité stricte des lots pour garantir la qualité des produits finis.
Date de semis du blé dur : un équilibre à trouver
Le blé dur apprécie les sols profonds, bien structurés et filtrants. Une bonne portance est essentielle pour assurer la qualité de l’implantation, surtout en semis d’automne. La régularité est essentielle, un travail du sol soigné contribue à la propreté de la parcelle, homogénéise la levée et favorise l’enracinement.
Arbitrer entre implantation et pression sanitaire
Selon les recommandations d'Arvalis, en zone sud les semis s’effectuent généralement de la mi-octobre à la mi-novembre en fonction des conditions de sol et des risques sanitaires (piétin-échaudage, septoriose, cécidomyie). Dans les zones plus continentales, la plage de semis s’étale de fin octobre à fin novembre.
Le choix de la date relève de l’arbitrage technique : semer tôt permet de sécuriser l’implantation, notamment en conditions sèches, mais expose davantage aux maladies automnales. À l’inverse, intervenir plus tardivement limite le risque sanitaire, mais peut conduire à semer dans un sol plus froid et compromettre l’enracinement et le tallage.
L’objectif, dans tous les cas, est d’assurer un peuplement suffisant pour atteindre 800 à 1000 épis/m² à la récolte, garant d’un bon niveau de rendement.
Densité : adapter ses pratiques à la variété et au contexte
La densité optimale de semis varie entre 250 et 350 grains/m² selon la précocité de la variété, la vigueur au départ, la date de semis et les conditions de levée. En semis tardif ou en sol lourd, une densité plus élevée est recommandée.
À l’inverse, pour un semis précoce réalisé dans de bonnes conditions, la densité peut être légèrement allégée. A la clé, moins de concurrence entre plantes, un meilleur tallage et une culture mieux ventilée. Une densité modérée contribue aussi à optimiser le calibre des épis et la qualité du grain.
Piloter finement l’azote pour combiner rendement et qualité
En blé dur, la fertilisation azotée vise à la fois la performance agronomique (nombre de grains par m², PMG) et la qualité technologique (teneur en protéines, vitrosité). Une gestion rigoureuse est indispensable. Un déficit nuira au rendement et à la qualité, de l’azote en l’excès favorisera le mitadinage.
Azote et mitadinage : un équilibre délicat
Le mitadinage résulte d’un remplissage incomplet ou déséquilibré du grain, souvent causé par un excès d’azote combiné à un stress hydrique ou thermique en fin de cycle. Ces facteurs perturbent la synthèse de l’amidon, ce qui altère la structure vitreuse du grain. Difficile à corriger a posteriori, ce défaut entraîne alors une dévalorisation significative de la récolte.
Des repères indicatifs à ajuster selon le contexte
Les besoins totaux en azote minéral varient généralement de 170 à 210 unités/ha, selon le type de sol, la réserve utile, le climat et le débouché visé. En zone sud, les apports doivent être particulièrement maîtrisés. Dans des contextes plus frais ou à haut potentiel, une fertilisation plus soutenue peut s’envisager, à condition d’être pilotée au plus près.
Fertilisation : fractionner pour mieux piloter
Le fractionnement demeure le maître-mot. Une première dose est apportée au tallage, suivie d’un ou deux apports complémentaires. Le dernier, au stade dernière feuille ou début floraison, joue un rôle clé dans la construction de la teneur en protéines. Son ajustement doit s’appuyer sur des outils d’aide à la décision. Un positionnement précis limite les pertes et maximise la valorisation de chaque unité.
Sur blé dur, le poste fertilisation peut représenter jusqu’à 25 % des charges directes, mais un bon pilotage s’avère très souvent rentable : un point de protéines gagné peut faire basculer une récolte dans une classe supérieure, avec une plus-value de 20 à 30 €/t selon les contrats.
En dernier recours, faire un apport foliaire en fin de cycle
Lorsque les prévisions de teneur en protéines sont insuffisantes, un apport foliaire au stade dernière feuille étalée ou début remplissage peut améliorer la qualité. Cette intervention (efficace uniquement en conditions hydriques favorables) constitue un levier complémentaire pour atteindre les seuils requis par la filière.
Désherber en prélevée ou post-levée précoce pour limiter la concurrence
Le blé dur est une culture peu couvrante dans ses premiers stades : sa capacité de tallage est plus faible que celle du blé tendre et sa vigueur de départ souvent moindre. Il tolère donc mal la concurrence des adventices, en particulier des graminées d’automne (ray-grass, vulpin, brome) et de certaines dicotylédones vivaces ou à cycle long (coquelicot, matricaires, chardon…). La propreté de la parcelle influe directement sur le rendement, mais aussi sur la qualité sanitaire et commerciale du lot.
Intervenir tôt et de manière raisonnée
En cas d’infestation élevée, il est préférable d’intervenir tôt, en prélevée ou en post-levée précoce pour limiter la concurrence pendant les phases critiques d’installation et réduire la pression sur les interventions de printemps. Le désherbage de post-levée, au tallage ou début montaison, reste possible mais doit être ciblé (métribuzine, metsulfuron-méthyle, iodosulfuron…) et tenir compte des risques de phytotoxicité, notamment sur sol filtrant ou en conditions froides.
Le binage, un levier complémentaire efficace
Comme en blé tendre, le binage mécanique peut s’insérer dans certains itinéraires, notamment en agriculture biologique ou en systèmes à réduction d’intrants. En début de tallage, il détruit les adventices sur l’inter-rang et aère la surface du sol. Un écartement suffisant au semis (15 à 20 cm) et des conditions de sol ressuyées sont nécessaires.
Des essais conduits par Arvalis ont évalué l’intérêt de cette pratique en sortie d’hiver, en complément des herbicides d’automne. Ces essais montrent que, sans remplacer complètement la chimie, le binage apporte une efficacité supplémentaire sur certaines espèces comme les crucifères ou les géraniums.
Maladies, ravageurs : le blé dur, une culture sensible
Réputé plus sensible que le blé tendre, le blé dur est (entre autres) assez exposé aux risques rouille brune, rouille jaune, septoriose et fusariose de l’épi.
- La rouille brune (Puccinia triticina) se développe surtout en fin de cycle, par temps chaud et humide. Elle est reconnaissable aux amas de spores orangés visibles sur les feuilles.
- La rouille jaune (Puccinia striiformis f.), plus précoce, affectionne les printemps frais et humides, et se manifeste par des stries jaunes sur les feuilles.
- La septoriose (Zymoseptoria tritici), quant à elle, est favorisée par un temps doux et pluvieux, et se reconnaît à ses taches nécrotiques ponctuées de noir.
- Enfin, la fusariose de l’épi, transmise par des champignons du genre Fusarium, peut produire des mycotoxines rendant le grain impropre à la consommation. Ce risque sanitaire justifie une vigilance particulière dans les régions humides, notamment lorsque la floraison coïncide avec des pluies, conditions idéales pour la contamination des épis.
Ces maladies provoquent des pertes de rendement allant de 10 à 50 q/ha selon la pression et le stade auquel la culture est touchée. La qualité des grains est également impactée, limitant l’acceptation en collecte et le classement commercial.
Le choix variétal comme première barrière
Certaines variétés présentent un meilleur comportement face aux maladies. Ce critère doit être pris en compte au moment du choix, en particulier dans les régions à forte pression. La résistance à la rouille brune est particulièrement discriminante.
Des programmes fongicides à adapter
La protection fongicide repose sur un raisonnement combinant sensibilité variétale, conditions météo, antécédents de parcelle et stade de développement. Le programme classique est le suivant :
- T1 à déclencher au stade 2 nœuds (30–32) en cas de pression précoce (rouille jaune, septoriose).
- T2 au stade dernière feuille étalée (39) pour protéger les feuilles fonctionnelles qui contribuent directement au remplissage du grain.
Dans les secteurs à risque fusariose, un T3 floraison est recommandé, avec des molécules ciblant cette maladie (prothioconazole, metconazole).
Puceron, cicadelle… connaître les ravageurs et les viroses
Le puceron des céréales et la cicadelle peuvent transmettre des viroses comme la jaunisse nanisante de l’orge (JNO), responsable de jaunissements foliaires précoces et de pertes de rendement. Le blé tendre y est davantage sensible. Néanmoins, le blé dur n'est pas exempt de risques, surtout lorsqu'il est semé précocement en automne, période propice à l’apparition des vecteurs du virus.
La lutte repose avant tout sur une implantation tardive visant à éviter les pics de vol d’automne et sur la limitation des repousses, hôtes du virus. L’usage d’insecticides est à réserver aux situations à risque avéré.
Moins fréquente, mais potentiellement destructrice, la cécydomie orange du blé (Sitodiplosis mosellana) pond ses œufs au niveau des épillets, juste après la sortie de l’épi. Les larves se nourrissent des pièces florales, empêchant la formation du grain. Le risque est plus élevé en conditions chaudes et humides au moment de l’épiaison.
Ici la lutte repose principalement sur la surveillance par piégeage suivi d’une intervention insecticide ciblée en cas de dépassement du seuil de nuisibilité.
Moins sensible à la verse que le blé tendre
Bien que le blé dur verse moins facilement que le blé tendre, certaines variétés à fort développement végétatif y restent sensibles. Un régulateur de croissance appliqué au stade épi 1 cm ou 1 nœud peut renforcer la tenue de tige, en particulier dans les parcelles bien pourvues en azote.
Retour au sommaireRécolte du blé dur : attention, grain fragile !
Le blé dur est plus cassant que le blé tendre, surtout en conditions sèches. Il est donc crucial d’adapter les réglages de la moissonneuse-batteuse pour limiter la casse des grains et préserver leur qualité technologique.
- Réduire la vitesse du batteur (15 à 20 % de moins que pour le blé tendre)
- Ajuster l’écartement du contre-batteur pour un battage plus souple
- Limiter la ventilation pour éviter le rejet de grains légers tout en assurant l’élimination des menues pailles
Un nettoyage soigneux de la machine en amont est indispensable pour éviter toute contamination croisée avec des espèces ou lots moissonnés précédemment.
Taux d’humidité cible : 14,5 %
La moisson doit idéalement être réalisée lorsque le grain se trouve à un taux d’humidité compris entre 14 et 15 %, avec un seuil de 14,5 % maximum pour un stockage sécurisé sans séchage. Au-delà, le risque de développement fongique augmente.
Anticiper pour intervenir en conditions sèches
La maturité technologique est atteinte lorsque les grains sont durs, vitrés et cassants, sans coloration verte résiduelle. Il est recommandé de suivre régulièrement le taux d’humidité à partir du stade grain dur et d’ajuster l’organisation de la moisson en fonction de l’évolution météo. Mieux vaut intervenir en conditions bien sèches, même si cela impose des journées courtes plutôt que risquer une récolte en hygrométrie élevée.
Le nettoyage des cellules, impératif pour bien conserver les grains
Les cellules de stockage doivent être soigneusement nettoyées : les résidus de grains, poussières et impuretés laissés en place peuvent abriter insectes, champignons ou toxines susceptibles de contaminer la nouvelle collecte.
Lorsque le cahier des charges le permet, un traitement insecticide du silo peut être envisagé, notamment dans les cellules prévues pour un stockage long. Il s’agit le plus souvent d’un traitement de surface, avec des produits homologués pour la protection post-récolte. En cas de doute, il est essentiel de vérifier les exigences des contrats de livraison et des acheteurs finaux, certains imposant une absence totale de résidus.
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