Protection des céréales à paille Maladies du blé tendre : quels sont les enseignements de la campagne 2022/23 ?
La campagne 2022/23 a été marquée par le retour en force de la septoriose. À l’occasion de son bilan de campagne, Arvalis livre ses recommandations pour faire face aux maladies foliaires de la culture et gérer la progression des résistances.
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Contrairement aux dernières années, le printemps 2023, humide, a été propice au développement de la septoriose sur blé avec bien souvent une apparition des premiers symptômes courant montaison. En revanche, la rouille jaune a été beaucoup moins présente qu’en 2022 (sauf sur variétés sensibles) et l’absence de pluie autour de la floraison a permis d’éviter le risque fusarioses.
Une nuisibilité moyenne de 15 q/ha
En 2023, Arvalis et ses partenaires évaluent à 15 q/ha la nuisibilité moyenne des maladies foliaires sur céréales à paille, d’après les essais réalisés. « C’est la seconde valeur la plus élevée, après 2018 (16,5 q/ha), des 7 dernières années dont la moyenne des pertes annuelles est de 12,6 q/ha. » Pour l’institut technique, « l’année 2023 est venue rappeler l’importance d’un ajustement annuel de la stratégie de lutte contre les maladies des céréales à paille et d’un bon positionnement des interventions ».
D’autant que dans le contexte inflationniste actuel, le coût des fongicides et des charges de pulvérisation ne cesse d’augmenter (+ 11 % pour les produits fongicides en 2023). Les experts Arvalis soulignent également qu’aucune nouvelle matière active fongicide n’ayant été approuvée durant l’année 2023, il faudra composer avec les mêmes modes d’action au printemps prochain.
« Il importe donc plus que jamais de préserver sur la durée l’efficacité des solutions actuellement disponibles. » Les spécialistes rappellent l'intérêt fondamental des leviers prophylactiques dans la gestion des résistances, comme le choix variétal, la gestion des résidus, le travail du sol, le décalage de la date de semis, l'utilisation d'OAD, l'alternance ou l'association des modes d’action... « En Grande-Bretagne et en Irlande, l'efficacité des SDHI est déjà très affectée depuis plusieurs années. La limitation de ce mode d'action à une seule application par campagne en France a certainement permis de maintenir leur action. Une gestion commune peut se montrer efficace. »
Optimiser le positionnement des traitements fongicides
Concernant les modèles, « Septo-Lis ne s’est pas trompé au printemps 2023 en détectant un niveau de risque septoriose précoce et en déclenchant les premières interventions avant l’étalement de la dernière feuille plus fréquemment sur variétés sensibles ». Arvalis met en avant les résultats de trois essais comparant des stratégies de protection dans des contextes où Septo-Lis a déclenché un T1 : « celui-ci a été valorisé par un gain de rendement de + 3,2 q/ha significatif par rapport à un T2 unique avec une progression de 10 points d’efficacité du programme fongicide sur la septoriose. Selon le prix de vente du blé, le supplément de marge brute varie de + 14 €/ha (blé à 180 €/t) à + 30 €/ha (blé à 230 €/t). »
« Un 3e fongicide T3 a été testé à la floraison dans les essais : il n’a apporté aucun supplément d’efficacité sur la septoriose et aucun supplément de marge, en revanche son coût bien réel a fait perdre quelques 80 €/ha de marge brute. Un traitement fongicide inutile (ici le T3) peut coûter plus cher (- 80 à - 85 € /ha) qu’une impasse (ici de T1) réalisée à mauvais escient (- 14 à -30 € /ha) », résume alors l'institut technique.
Les solutions de biocontrôle valorisées au T1 face à la septoriose
« Les résultats 2023 et leur consolidation dans les synthèses pluriannuelles confirment l’efficacité des solutions à base de soufre et des associations soufre + phosphonates de potassium sur le contrôle des symptômes de septoriose au T1. » Dans les regroupements d’essais, « Aquicine Duo 2 l/ha (soufre 1 200 g + phosphonates de potassium 600 g) et l’association Pygmalion 2 l/ha (phosphonates de potassium 1 510 g) + soufre (1 400 g/ha) sont équivalentes, et donc possibles au T1. Tout comme Pygmalion, Aquicine Duo n’est autorisée et efficace que pour un usage contre la septoriose ; en présence de rouille jaune, il faudra les associer à un partenaire efficace telle que l’azoxystrobine ».
« En T2, nos résultats d’essais nous incitent à rester plus prudents pour le moment, car le maintien du bon état sanitaire de la dernière feuille reste un facteur décisif du rendement, indiquent les équipes Arvalis. L’analyse d’une base de données d’une quinzaine d’essais récents montre que renforcer une référence chimique au T2 par une dose de biocontrôle n’apporte pas de valorisation (peu de gain d’efficacité sur les symptômes de septoriose). La dépense liée à l’association de biocontrôle au T2 n’est pas rentabilisée. »
Hors biocontrôle, l'ensemble des solutions disponibles au T2 confirment leur efficacité dans les essais 2023. Précisément :
- « Les deux solutions à base de mefentrifluconazole + fluxapyroxad (Revystar XL 0,75 l/ha et Zoom 0,75 l/ha) arrivent au coude à coude autour de 60 % d’efficacité, en position intermédiaire derrière les associations avec la fenpicoxamide ; mais elles devancent les références Kardix 0,9 l/ha (51 %) et Elatus Era 0,75 l/ha (50 %) » ;
- « Les associations à base de fenpicoxamide (QoI) testées ont montré leur bonne efficacité en T2 (59 à 71 % selon les partenaires) sur la septoriose, en se plaçant aux premiers rangs des solutions aujourd’hui disponibles. Un constat en phase avec le regroupement de 9 essais 2021-2023 où la modalité Questar 1,1 l/ha + Elatus Plus 0,55 l/ha (fenpicoxamide + benzovindiflupyr) devance significativement (en efficacité, pas en rendement) les références Kardix 0,9 l /ha (+ 11 points d’efficacité et + 2,4 q/ha) et Elatus Era 0,75 l/ha (+ 15 points d’efficacité et + 3,2 q/ha) » ;
- « La nouveauté Silvron (bixafen + fluopyram), associée à du prothioconazole + trifloxystrobine (Madison 0,625 l), mêlant ainsi trois modes d’action dans le regroupement de neuf essais 2021-2023 une efficacité de 60 %, équivalente statistiquement à celle de Revystar XL 0,75 l/ha (60 %) et supérieure de + 16 points à celle d’ Elatus Era 0,75 l/ha. Dans le même regroupement de 9 essais, cette association est devancée significativement de + 15 points d’efficacité par la modalité Silvron 0,55 l + Jessico One 1,1 l, associant aux deux SDHI - bixafen + fluopyram - le mode d’action de la fenpicoxamide (Jessico One = Questar). »
Rouilles et fusariose
En ce qui concerne la rouille brune, « les solutions mefentrifluconazole + fluxapyroxad Revystar XL 0,9 l/ha et Zoom 0,9 l/ha ont montré des efficacités équivalentes entre elles (83 %) dans le regroupement pluriannuel de 5 essais 2021-2023. Elles ont des résultats équivalents à la référence du protocole Elatus 0,75 l/ha (prothioconazole 113 g/ha + benzovindiflupyr 56 g) (80 %) et significativement plus efficaces que le Kardix 0,75 l/ha (prothioconazole 98 g + bixafen 49 g + fluopyram 49 g/ha) (57 %) ».
« L’association de 70 g/ha de pyraclostrobine (Comet 200 0,35 l/ha), avec chacun des deux partenaires a fait progresser l’efficacité sur rouille de 5 à 6 points et a permis d’améliorer la marge brute sans pour autant que l’analyse statistique ne permette de déclarer que cet écart soit significatif. »
« Sur un regroupement de trois essais pluriannuels 2022-2023, l’association Univoq 1,2 + Amistar 0,4 l/ha (fenpicoxamide 60 g + prothioconazole 120 g + azoxystrobine 100 g) a assuré un contrôle efficace de la rouille brune (82 % a), devançant de quelques + 8 points Revystar XL 0,9 l/ha (74 % a) lui-même placé devant Elatus Era 0,75 l (69 % a). Kardix 0,75 l/ha reste significativement (37 % b) en retrait par rapport à ce trio. »
Le risque rouille jaune a été relativement faible en 2023, contrairement à l’année précédente. Dans 565 situations types, le modèle d’Arvalis dédié n’a été déclenché que dans 7 % des situations contre 30 % en 2022 sur variétés sensibles rouille jaune et dans 1 % des situations en 2023, contre 7 % l’année dernière. « Cette maladie ne doit cependant pas être oubliée dans le raisonnement. Avec une dynamique d’expansion très rapide, elle nécessite une intervention précoce pour être efficace. »
En l’absence de symptômes très marqués sur la plupart de ses sites d’essais, Arvalis n'a pas de données d'essais à partager, non plus, pour la fusariose cette année. L’institut technique rappelle toutefois que la prochaine récolte sera « la première concernée par la modification votée fin septembre 2023 du règlement CE 1881/2006 sur les contaminants dans les denrées alimentaires : la teneur maximale de mycotoxines DON autorisée dans les lots de céréales commercialisées est abaissée à 1 500 μg/kg en blé dur (au lieu de 1 750 actuellement), et à 1 000 μg/kg en blé tendre (au lieu de 1 250).
1. SDHI : bixafen + fluopyram ou benzovindiflupyr ou fluxapyroxad
2. Frac : Fungicide resistance action committee. Ce classement a une importance dans la gestion des résistances fongicides.
3. IDM : prothioconazole ou mefentrifluconazole
4. QoI : fenpicoxamid
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