La Stratégie nationale pour l'alimentation bloquée in extremis par Matignon
La publication de la Stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat (SNANC) a été bloquée in extremis par Matignon, qui a refusé de fixer comme objectif une « réduction » de la consommation de viande, selon plusieurs sources proches du dossier.
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Le document censé définir l'action du gouvernement pour une alimentation saine et durable d'ici à 2030, issu de la Convention citoyenne sur le climat et de la loi Climat et résilience qui a suivi en 2021, devait être élaboré avant juillet 2023.
Après des mois de tergiversations, de valses gouvernementales et de consultations du public et des Conseils nationaux de la transition écologique (CNTE), de l'alimentation (CNA), de la santé (CNS) et de lutte contre la pauvreté (CNLE), le projet de Stratégie nationale pour l'alimentation présenté en avril a fait l'objet d'une ultime réunion interministérielle mercredi.
Cette réunion a été conclusive, selon plusieurs sources au fait des discussions, et la Stratégie devait être publiée avant le vote de confiance au gouvernement ce lundi.
Les ONG l'attendaient de longue date, espérant des objectifs chiffrés en matière de réduction de la consommation de viande et des mesures concrètes pour réguler la publicité promouvant « la malbouffe qui cible les enfants », selon Foodwatch. « Si elle ne paraît pas d'ici lundi (...) nul ne sait alors quand elle reverra le jour », avait déploré vendredi le Réseau Action Climat (RAC).
« Une coquille vide »
À l'issue de la réunion interministérielle de mercredi, la « réduction de la consommation de viande » figurait parmi les évolutions des régimes alimentaires listées par la Stratégie, sans comporter d'objectifs chiffrés, selon plusieurs sources au fait des échanges.
Selon ces sources, qui confirment une information du média Contexte, Matignon a bloqué in extremis la publication attendue en fin de semaine, souhaitant remplacer l'idée de réduction par « une consommation de viande équilibrée » qui s'ajoute à une consommation accrue de fruits, légumes, légumineuses et céréales.
« Matignon a décidé de façon unilatérale de réduire l'ambition du texte, qui devient une coquille vide, en particulier sur le volet de réduction des émissions de gaz à effet de serre de notre alimentation », a dénoncé lundi Benoit Granier, responsable alimentation du RAC.
« Ce recul s'ajoute au refus du gouvernement de restreindre de façon contraignante la publicité et le marketing ciblant les enfants pour des produits nocifs pour leur santé (...) Le gouvernement Bayrou sacrifie ainsi une nouvelle fois l'intérêt général (...) en préférant satisfaire les lobbies de l'agro-industrie », a-t-il ajouté auprès de l'AFP.
François Bayrou n'a cessé d'essayer de montrer sa proximité avec les agriculteurs et les produits de terroir ces derniers mois, notamment dans les allées des salons et foires.
Objectifs chiffrés en question
Le cabinet de la ministre de l'agriculture Annie Genevard avait indiqué en avril à l'AFP que « l'enjeu » était « de limiter les surconsommations (de viande) qui posent un problème de santé publique », refusant de répondre directement à une question sur l'absence d'objectif chiffré.
Le projet présenté au printemps a été mis en consultation par le public et a reçu 3 621 contributions exploitables entre le 4 avril et le 4 mai, selon la synthèse de la consultation publiée sur le site du ministère début août sans communication.
La synthèse met en avant une « faible » participation du monde agricole malgré le sujet (2 % des contributions) mais le profil des participants est « classique » pour une consultation réalisée par le ministère de l'agriculture.
La question des objectifs chiffrés est abordée « de façon récurrente, demandant de préciser les objectifs généraux définis dans le projet soumis à consultation, notamment en matière de réduction de consommation de produits d'origine animale et de consommation de produits issus de l'agriculture biologique », est-il précisé dans l'analyse.
Elaborée par les ministères de l'agriculture, de la santé et de l'environnement, la stratégie doit notamment « déterminer les orientations de la politique de l'alimentation durable, moins émettrice de gaz à effet de serre ».
Le projet présenté au printemps rappelait que les émissions du système alimentaire représentent près d'un quart de l'empreinte carbone des ménages français, dont 61 % proviennent des « produits d'origine animale ».
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