Login

Quel statut matrimonial choisir quand on est agriculteur ?

Et vous ? Etes-vous en couple, en concubinage, Pacsé, marié, sous quel régime et pourquoi ? Dites-nous en commentaires sous l'article !

Concubinage, Pacs, mariage avec ou sans contrat, sous le régime légal, la communauté universelle, la séparation des biens... Maître Annabelle Gennot-Caille, notaire à Vitré, vous aide à y voir clair entre ces statuts pour faire le meilleur choix pour vous, votre conjoint(e) et votre exploitation.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Vous vivez en couple comme 77 % des lecteurs de Terre-net, selon un sondage en ligne réalisé du 23 au 30 septembre 2025 (voir encadré). Plusieurs statuts sont alors possibles : l'union libre ou concubinage, le Pacs (pacte civil de solidarité) et le mariage. Et pour ce dernier, cinq régimes existent : le régime légal de la communauté réduite aux acquêts, qui ne nécessite pas de contrat de mariage, et ceux de la communauté universelle, de la séparation des biens, de la participation aux acquêts et de la séparation des biens avec société d'acquêts, pour lesquels il en faut un. 

« Le choix se fait en fonction des aspirations, de la situation familiale, personnelle et matérielle. Aucun statut ni régime n'est définitif. Certains passent par les trois étapes que sont l'union libre, le Pacs et le mariage, le plus protecteur en cas de décès pour le conjoint survivant, qui a alors le statut d'héritier », met en avant au Space 2025 maître Annabelle Gennot-Caille, notaire labellisé "monde rural" à Vitré, qui conseille cependant de rédiger un testament et même d'effectuer une donation entre époux, également appelée donation au dernier vivant, pour augmenter les droits et la protection du conjoint survivant, et réduire les droits de succession qui sont en partie exonérés. 

Le mariage, le statut le plus protecteur

Lorsqu'on est marié, le conjoint survivant bénéficie également de la pension de reversion de l'époux décédé si ce dernier était à la retraite. Outre la protection sociale apportée en cas de décès, le mariage protège quand on travaille ensemble, ce qui n'est pas rare en agriculture. Mais « il y a obligation de vie commune, précise Annabelle Gennot-Caille. Ce qui implique que le logement ne peut être vendu par l'un des conjoints sans l'accord de l'autre. » Avant de se marier, il est recommandé de faire l'inventaire du patrimoine de chaque époux. Puis de garder une trace, les factures, actes et autres justificatifs notamment, de ce qui est acheté et hérité ensuite (les archives bancaires ne sont conservées que pendant 10 ans), ces biens pouvant être personnels ou aux deux conjoints (factures aux deux noms). Les dettes aussi d'ailleurs.

Le régime légal de la communauté réduite aux acquêts distingue trois types de biens – ceux communs et propres de chaque époux – avec des règles spécifiques pour chacun. La même distinction s'opère au niveau des dettes. Entre aussi en ligne de compte les récompenses et créances entre époux. Les premières correspondent à l'indemnité que doit, lors de la liquidation de la communauté, une masse de biens propres à la communauté ou inversement, lorsqu'il y a eu enrichissement d'une masse au détriment de l'autre. Les secondes représentent les avances d'argent consentis d'un époux à l'autre. Ces dispositifs visent à rétablir un équilibre rompu entre deux masses de biens suite à un mouvement d'argent.

Contrat de mariage et testament

Pour les quatre autres régimes, un contrat de mariage, signé chez le notaire, est obligatoire et intégré au dossier à remettre à la mairie. La séparation des biens est majoritaire en particulier en agriculture. Sont pris en compte les revenus, patrimoine et dettes propres à chaque époux. Il est possible « d'acheter un bien en indivision : il appartient alors aux deux conjoints, ajoute Me Gennot-Caille qui invite à la prudence vis-à-vis de cette modalité d'achat. Ou en quotité de propriété avec un pourcentage d'investissement pour chacun qui diffère du 50-50 du régime de la communauté. » En cas de décès, le conjoint survivant est protégé et pourra hériter.

Le régime de la participation aux acquêts fonctionne sur le modèle de la séparation des biens pendant la durée du mariage avec le versement, au moment de la séparation, d'une créance au conjoint qui s'est le moins enrichi. « La séparation de biens avec société d'acquêts équivaut à une séparation de biens classique, à laquelle s'ajoute, pour certains biens, une société d'acquêts qui est en quelque sorte une communauté de biens et qui accroît la protection du conjoint survivant  », complète la spécialiste. Dans le cadre de la communauté universelle enfin, tous les biens présents et à venir, que possédent les époux, sont mis en commun, quelle que soit la date d'acquisition (avant ou après le mariage), leur origine (achat, donation, etc.) et leur mode de financement.

Le Pacs : mêmes obligations, moins de protection

« Le Pacs, lui, crée un lien juridique entre les partenaires et instaure des obligations comme le mariage, de vie commune, d'aide matérielle et assistance réciproque, de solidarité dans les dépenses de la vie courante », poursuit-elle. Les revenus restent propres à chacun. Deux situations sont envisageables : la séparation des biens, attribuée par défaut, ou l'indivision avec possibilité de passer de l'un à l'autre. La mairie délivre, gratuitement, le certificat de Pacs mais « un acte notarié, certes payant (dans les 400 €), permet d'être conseillé et sensibilisé aux atouts et contraintes de ce statut », argue Annabelle Gennot-Caille.

À l'intérêt de rédiger un testament en complément entre autres, « car sinon le partenaire n'est pas héritier de plein droit », indique-t-elle. En outre, les mairies ne conservent pas les originaux alors que les études les gardent 75 ans. À savoir : il n'y a ni prestation compensatoire en cas de séparation ni pension de reversion en cas de décès. Se séparer est d'ailleurs plus simple que lorsqu'on est marié : pas de procédure amiable ou judiciaire, juste une convention de séparation de Pacs. Mais l'indivision ou la présence d'enfant(s) peut compliquer les choses.

Union libre ou concubinage : aucun lien juridique entre conjoints

L'union libre ou concubinage n'oblige ni à la fidélité ni à l'assistance mais n'apporte en contrepartie aucune protection pour le logement, l'exploitation agricole, le conjoint survivant (pas de statut de conjoint héritier). « Il n'existe aucun lien juridique entre les conjoints, fait remarquer l'experte. Mieux vaut donc prévoir un testament au profit du concubin auquel seront malgré tout appliqués 60 % de droits de succession. » Notons que les créances non réclamées sont prescrites au bout de cinq ans. De plus, la forme juridique de l'exploitation agricole devra être parfois adaptée.

Ne pas avoir peur d'envisager le deuil et la séparation.

Maître Gennot-Caille revient sur la séparation dans le cadre du mariage, du Pacs ou de l'union libre en raison de « l'impact différent sur l'outil de travail ». Lorsqu'on est marié, elle implique une séparation de corps et un divorce par consentement mutuel ou contentieux. « Pacsé, cette décision peut être prise de manière conjointe ou unilatérale et peut entraîner la liquidation des biens en indivision, amiable ou contentieuse », explique-t-elle. En concubinage, elle se limite à « une séparation pure et simple sans aucune démarche ». Trois éléments sont à considérer avec attention : l'indivision, la prescription des créances et les couples associés au sein d'une entreprise agricole.

D'où un focus sur les couples associés justement. « Il faut veiller aux droits sociaux, aux comptes courants, aux créances entre conjoints, exhorte-t-elle. Le pacte d'associés peut s'avérer intéressant pour identifier les points de vigilance, proposer des conseils adaptés et éviter de mettre en péril la ferme en cas de séparation ou décès. » Deux situations « qu'il ne faut pas avoir peur d'envisager », appuie Annabelle Gennot-Caille, afin de « ne pas compromettre son entreprise et son patrimoine ». « Un contrat de mariage, par exemple, coûte aux alentours de 350 €, un divorce une petite fortune si l'on n'a pas fait les bons choix ! », lance-t-elle. Faire appel à un notaire permet un comparatif entre les divers régimes, assorti de recommandations personnalisées, pour choisir en connaissance de cause, pointe Me Gennot-Caille insistant sur le travail de prévention des notaires dans ce domaine auprès des élus et lors des salons du mariage.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement