Sainte-Soline Prison avec sursis pour des manifestations anti-bassines
Trois opposants aux « bassines », réserves d'irrigation controversées, ont été condamnés mercredi à des peines comprises entre 6 et 12 mois d'emprisonnement avec sursis pour l'organisation de manifestations interdites à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), émaillées de violents heurts avec les forces de l'ordre. Un jugement qualifié de « politique » par les opposants à ces réserves d'irrigation. (article mis à jour à 14 h 12)
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Julien Le Guet, porte-parole du collectif « Bassines non merci » (BNM), a été condamné à 12 mois avec sursis, conformément aux réquisitions, et à une interdiction de paraître pendant trois ans à Sainte-Soline et Mauzé-sur-le-Mignon (Deux-Sèvres), où se trouve la première des 16 bassines contestées en projet.
« Nous espérions avoir un juge indépendant. Au contraire, nous avons eu un jugement politique avec un juge aligné sur des positions gouvernementales à l'envers du bon sens et de l'urgence climatique », a réagi Julien Le Guet, dénonçant « l'argumentaire clairement pro-bassines du juge ». Vêtu d'un sweat-shirt portant la mention « éco-terroriste », il a appelé à « ne pas laisser ce jugement en place » et à « continuer la bataille sur le terrain, sur le plan juridique et politique ».
Il a ensuite indiqué lors d'une visioconférence de presse faire appel de cette décision comme quatre des huit autres prévenus, d'autres organisations souhaitant soumettre cette décision à leurs assemblées générales. Parmi ceux qui font appel figurent les membres du collectif Les Soulèvements de la Terre Joan Monga, alias Basile Dutertre, et Nicolas Garrigues, alias Benoît Feuillu, condamnés respectivement à neuf mois et six mois de sursis, avec également interdiction de paraître dans les Deux-Sèvres.
Joan Monga, alias Basile Dutertre, et Nicolas Garrigues, alias Benoît Feuillu, deux membres du collectif Les Soulèvements de la Terre, ont eux été condamnés respectivement à neuf et six mois de prison avec sursis. Absent mercredi, le premier a également été condamné pour le vol d'une valve de canalisation pour l'arrosage des céréales, à Épannes (Deux-Sèvres) en mars 2022.
Le second a dénoncé « des peines de bannissement politique ». « Ces peines visent des personnes parce qu'elles auraient pris la parole pour un mouvement et ça on peut pas laisser faire, c'est absolument scandaleux », a ajouté le militant, qui s'était présenté à l'audience comme simple « lanceur d'alerte », niant comme les autres prévenus être l'organisateur des manifestations interdites.
« Éco-terroriste »
Le tribunal correctionnel de Niort a également prononcé des amendes contre les six autres prévenus pour leur implication dans quatre mobilisations survenues autour des chantiers contestés dans le Poitou entre le 26 mars 2022 et le 25 mars 2023. Parmi ces six autres prévenus figuraient deux membres de la Confédération paysanne, deux syndicalistes locaux affiliés respectivement à la CGT et Solidaires, un membre de BNM et un agriculteur bio.
Ces « réserves de substitution », qui visent à stocker de l'eau puisée dans les nappes en hiver afin d'irriguer les cultures en été, sont pour leurs partisans une assurance-récolte indispensable à leur survie face aux sécheresses à répétition. Pour les agriculteurs irrigants, qui avaient évoqué à l'audience leur « traumatisme », ce jugement est donc un soulagement.
« Être reconnus comme victimes, pour nous, c'est important », a déclaré à la presse Thierry Boudaud, président de la Coop de l'eau, groupement d'agriculteurs qui porte le projet de 16 réserves contestées. « Il y a un message qui est passé pour dire: "La violence n'aboutit à rien, ne résout rien". Les faits de violence sont graves, pour nous c'était important d'entendre que la gestion de l'eau doit se faire dans le dialogue. » À l'inverse, leurs détracteurs décrivent un « accaparement » de l'eau par l'agro-industrie.
« La violence ne résout rien »
Après de premières violences lors de la manifestation d'octobre 2022 à Sainte-Soline, la manifestation de mars 2023 avait dégénéré rapidement en affrontements avec les gendarmes, faisant de nombreux blessés. Deux manifestants ont passé plusieurs semaines dans le coma. Dans un rapport, la Ligue des Droits de l'Homme a dénoncé un « usage disproportionné » des armes (grenades lacrymogènes, LBD) par les forces de l'ordre.
Une commission d'enquête parlementaire a conclu pour sa part mi-novembre à la « responsabilité écrasante » des trois mouvements qui avaient appelé à manifester à Sainte-Soline, en dépit d'interdictions préfectorales. Une prochaine mobilisation contre les « bassines » est annoncée en juillet prochain dans le Poitou, juste avant les Jeux olympiques de Paris.
« Le lieu d'une mobilisation ne se décide pas en fonction des interdictions de territoire de neuf personnes, mais (...) de là où il faudra être pour impacter les projet des bassines », a précisé Benoît Feuillu en visioconférence de presse.
Six à douze mois de prison avec sursis avaient été requis fin novembre à l'encontre de Julien Le Guet, Basile Dutertre et Benoît Feuillu, qui s'étaient présentés à l'audience comme des « lanceurs d'alerte », niant être les organisateurs des manifestations interdites. Le parquet avait fustigé de son côté un « climat de terreur » dans un département où « la peur règne depuis trop longtemps ». Comme lors du procès, les soutiens des mis en cause, opposants aux « mégabassines », ont appelé au mercredi matin au rassemblement devant le tribunal.
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