Les tensions sur les semences risquent de peser sur l'essor de la filière lin fibre
La France est le premier producteur mondial de lin fibre. Quand bien même le marché est confidentiel, il reste dynamique. Mais il ne faudrait pas que cet élan soit contraint par un manque de disponibilité de semences. La filière cherche à lever les freins.
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La fibre de lin ne représente que 0,5 % de l’offre mondiale de fibre textile. Mais la France est le premier producteur mondial. « La filière est mobilisée avec l’ambition de faire du lin, la fibre naturelle préférée des acteurs de la mode. Il s’agit de l’accompagner sur ses sujets stratégiques en investissant massivement dans la R & D », résume Bertrand Decock, président de Cipalin (Interprofession française du lin) à l’occasion d’un colloque organisé en partenariat avec Arvalis, le 28 janvier 2025 à Amiens. À cette occasion, tous les acteurs de la filière étaient réunis pour aborder le contexte macro-économique, les enjeux et les perspectives d’une filière, certes confidentielle, mais dynamique.
L’Europe de l’ouest (France, Belgique et Pays-Bas) pèse pour 75 % de la production mondiale de lin fibre. En termes de débouchés, ces fibres sont principalement valorisées dans la mode (60 % du marché en volume), le marché de l’ameublement et de l’intérieur (30 %) et les usages techniques (matériaux composites) pour 10 % des volumes. Le marché mondial des fibres est évidemment dominé par les fibres synthétiques (67 % des fibres mondiales) et le coton (20 %). Autant dire que le marché de la fibre de lin est plutôt discret, mais il n’en est pas moins dynamique, commente Damien Durand, directeur du pôle économique à l’Alliance du lin et du chanvre européen. Cela se traduit par une hausse durable et significative des surfaces de production.
« En 2024, les surfaces emblavées en Europe de l’ouest dépassaient les 185 000 ha, contre 81 000 ha en 2014, soit une hausse de 128 % en 10 ans », précise le responsable. Une première estimation des surfaces pour l’année 2025 sera communiquée début février, mais les premières tendances semblent indiquer une légère hausse.
Bonnes perspectives à venir
Cette hausse des surfaces traduit « la confiance structurelle des agriculteurs dans la filière. Ils croient en cette culture, d’autant que dans les rotations, elle nécessite de l’anticipation », poursuit Damien Durand.
Les perspectives au niveau de la demande sont encourageantes. « Le marché asiatique continue d’insuffler du dynamisme, notamment dans les pays matures (Japon et Corée du sud). Les autres pays d’Asie et du Pacifique laissent aussi présager d’une croissance importante de la consommation « mode » en 2025. Toutefois, un petit bémol avec la Chine, qui ne semble plus être un relais de croissance majeur », résume le spécialiste, à partir d’une enquête réalisée par McKinsey auprès des décideurs du secteur de la mode.
Si l’Europe de l’ouest est le leader incontesté de la production de fibres de lin, elle fait en revanche, figure d’outsider, s’agissant des outils de transformation. Chine, Inde et Bangladesh concentrent 85 % des capacités de filature. Quand bien même, l’Europe enregistre une hausse de 50 % de capacités de traitement supplémentaire en une décennie. Ainsi pour Damien Durand, la filière va devoir être en capacité de fournir semences et matériels industriels pour répondre à la demande des liniculteurs et aux perspectives de marché. Faute de quoi, la production pourrait plafonner.
Un plan de filière pour soutenir la production de semences
Comment approvisionner en semences certifiées, une production qui a multiplié par 3 ses surfaces en 15 ans ? Une question que la filière met au cœur de ses enjeux. En effet, la production de semences certifiées de lin fibre se heurte à différentes difficultés. Bertrand Gomart, président de l’AGPL (Association générale des producteurs de lin) en rappelle les singularités : « le coefficient multiplicateur est relativement faible et 90 % des agriculteurs multiplicateurs sont à la fois producteurs de fibres et de semences. La production de semences ne constitue donc pas le revenu principal. Techniquement, les arbitrages ne sont pas toujours faciles à trouver ».
Pour faire face au manque de semences chronique, Semae (l’interprofession des semences et plants) a lancé un plan stratégique d’actions. L’objectif est de développer le réseau d’agriculteurs multiplicateurs, d’accompagner producteurs, teilleurs et semenciers. Un certain nombre de leviers sont déjà sur la table, celui de diversifier et sécuriser les moyens de récolte des graines via les différentes voies (Ecapsulage, arrachage-écapsulage, fauchage-andainage et stripper).
Le progrès génétique est aussi un levier pour optimiser la production de semences de lin fibre, « notamment celui de la productivité en grain et le critère non-déhiscent seront pris en compte par le CTPS au moment de l’évaluation et de l’inscription » illustre Reynald Tavernier, sélectionneur chez Linéa.
« Sécuriser les stratégies de récoltes de graines, optimiser le matériel et renforcer l’attractivité par la rémunération. La production de semences doit accompagner le développement de la filière », conclut Yann Flodrops, animateur de la filière lin fibre.
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