Société Le suicide en agriculture, symptôme d'une profession en mal d'avenir
« On sème, mais on sait jamais ce qu'on va récolter » : largement ignoré, le mal-être des agriculteurs français, qui pousse certains au suicide, est pris très au sérieux par la Mutualité sociale agricole (Msa), qui s'efforce de réactiver le lien social à la campagne.
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De fait, le profil de l'agriculteur à risque est un homme, âgé de 45 ou 80 ans environ, célibataire ou divorcé, qui ne s'en sort pas. Si l'on ignore combien d'agriculteurs passent à l'acte chaque année, il est établi que ils se suicident trois fois plus que la moyenne des Français. Un phénomène stable. « Résumer le suicide à la crise de la vache folle ou du lait est un raccourci abusif. On voit des exploitations agricoles qui marchent bien où il y a suicide et de pauvres exploitations sans suicide », relève Jean-Jacques Laplante, médecin, directeur de la santé à la Msa de Franche-Comté.
Aujourd'hui leur salaire c'est les primes
Professeur de sociologie à Besançon, Dominique Jacques-Jouvenot a recueilli les témoignages d'agriculteurs dont un proche s'est donné la mort. « Ce qui ressort des enquêtes renvoie à des questions de culture de métier et d'image de soi professionnelle », observe-t-elle. Le métier est complexe, exige des compétences multiples: savoir investir, tenir les comptes, s'y connaître en chimie. « Le profil de l'agriculteur idéal est difficile à atteindre », selon elle. En outre, les subventions de la politique agricole commune ne sont pas toujours bien vécues. « Petit à petit, les paysans se sont fait fonctionnariser: aujourd'hui, leur salaire, c'est les primes. Les subventions, ils ne les ont pas demandées, ils voudraient simplement une juste rémunération de leur travail, pas de l'assistanat », regrette Jacques Bruchon.
Ceux qui ont hérité de leur ferme subissent une pression supplémentaire: ils se doivent de réussir, pour transmettre à leur tour. « Celui qui échoue signe la fin du patrimoine, il est responsable de la rupture générationnelle », explique Mme Jacques-Jouvenot. Dès 2002, dans le cadre de la loi Atexa (accident du travail des exploitants agricoles), la Msa s'est saisie du problème en proposant à ses élus des formations sur les questions de stress et de suicide. En Franche-Comté, une région en pointe sur la question, les médecins du travail voient systématiquement tous les jeunes qui s'installent. « Une frange de la population agricole est réceptive aux questions de santé, de conditions de travail, de stress, en particulier les femmes, les autres sont souvent dans le déni du risque », constate M. Laplante.
« Notre revenu n'est jamais assuré d'avance »
S'appuyant sur ses élus, la Msa organise des groupes de parole, animés par des psychologues. Elue depuis 10 ans, Marie-Anne Rigaud a organisé un premier groupe à Poligny (Jura). Cette agricultrice reconnaît n'avoir pas touché le public visé. « C'est tout nouveau, il faudra beaucoup communiquer pour que les personnes fragiles comprennent que c'est dans leur intérêt d'échanger avec d'autres qui rencontrent, comme elles, des difficultés ». Pour autant, l'expérience a été concluante pour les participants, dont cette fromagère à la retraite qui « broyait du noir » : elle a retrouvé le moral et s'est inscrite à plusieurs activités dans le cadre de la Msa.
L'Inde les compte en milliersSelon le quotidien Le Monde du 19 janvier, plus de dix sept mille paysans indiens se seraient suicidés, ruinés après de mauvaises récoltes concécutives à de faibles moussons en 2009. |
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