Colère des agriculteurs Pourquoi les revenus agricoles sont-ils au cœur des revendications ?
Parmi les principaux motifs d’exaspération des agriculteurs qui manifestent depuis une semaine figure la faiblesse du revenu. Cependant, de nombreuses disparités existent entre filières et entre les agriculteurs, et d’autres facteurs entrent en ligne de compte, comme le niveau de vie des ménages agricoles, le temps de travail, l’inflation, ou la part du revenu non agricole.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
D’après les derniers chiffres de l’Insee, les agriculteurs ont gagné en moyenne 1 620 € par mois en 2021, année qui marque par ailleurs un redressement important des revenus agricoles. Ce chiffre cache des disparités très importantes entre filières avec des éleveurs d’ovins, caprins et équidés en bas de tableau à 680 €/mois, et des producteurs de légumes à 2 800 €/mois.
Le niveau de vie est également très inégalitaire entre agriculteurs, puisque « l'écart entre les 10 % des ménages les plus aisés et les 10 % les plus modestes est un multiple de 4,7 chez les ménages agricoles, contre 3,4 pour la moyenne des ménages français », note l’Insee.
Si le niveau de vie médian des ménages agricoles est par ailleurs à peu près équivalent à la moyenne nationale, le temps de travail des agriculteurs s'avère supérieur à celui du reste de la population, avec une moyenne de 53,6 heures par semaine (Insee, 2018), ce qui contribue sans nul doute au manque de reconnaissance ressenti par la profession agricole.
Plus de la moitié des revenus issus d’une activité non agricole
Les derniers chiffres, qui datent de 2018, indiquaient par ailleurs que seulement 34 % des revenus disponibles des ménages agricoles proviennent directement de l’agriculture. « Dans les ménages agricoles, les revenus salariaux (ou indemnités chômage), généralement perçus par le conjoint d’un agriculteur, sont supérieurs aux revenus agricoles. Ainsi, si les agriculteurs ont un niveau de vie comparable au reste de la population et sont moins touchés par la pauvreté, cela n’est pas dû à la prospérité de leur activité agricole mais plutôt au soutien financier que les agriculteurs perçoivent de leur conjoint ou des revenus annexes à l’exploitation agricole (deuxième emploi salarié, revenus du patrimoine par exemple) », estime de son côté le cabinet Asteres, qui a rendu une note sur le sujet le 24 janvier.
Depuis l’inflation, des prix de vente insuffisants
« Depuis le choc inflationniste de 2021-2022, les prix de vente des agriculteurs suivent péniblement la hausse des coûts », souligne Asterès. Ainsi, l’inflation sur les achats des agriculteurs (engrais, carburant, matériel agricole par exemple), ne prend pas en compte les salaires, les impôts ou les aides, et « a dépassé 25 % à la mi-2022 en glissement annuel, du fait de blocages sur les chaînes de valeur et de l’envolée des prix de l’énergie, notamment après le déclenchement de la guerre en Ukraine », précise la note. Si les prix de vente ont d’abord suivi, ils se sont par la suite retournés plus vite que les prix des intrants.
C'est la raison pour laquelle les agriculteurs exigent la stricte application des lois Egalim, ces dernières devant leur assurer la prise en compte de leurs coûts de production. Or, la sanctuarisation de la matière première agricole a parfois fait les frais de l'inflation et des appels du gouvernement à maintenir le pouvoir d'achat des Français en limitant la hausse des prix de l'alimentation. Dans ce contexte, l'application de nouvelles taxes, qui réduisent encore le revenu disponible, est forcément mal venue pour les agriculteurs.
Un revenu disponible par actif agricole en baisse
D'autant plus que, si l’on regarde l’évolution sur 30 ans, le revenu moyen par actif agricole a augmenté, en lien avec la diminution du nombre d’agriculteurs, mais le revenu moyen disponible par actif, qui permet à l’agriculteur de se rémunérer et de financer les investissements sur son exploitation, est resté relativement stable voire, diminue, notamment dans certaines filières, établit un rapport du CGAAER, publié en décembre 2022.
En parallèle, le niveau d’aides publiques, deuxième composante principale du revenu des agriculteurs, est en constante diminution depuis 2003, relève le CGAAER. Or, en 2019, les aides directes représentaient en moyenne 74 % du revenu courant avant impôt (RCAI).
Le rapport concluait à la nécessité d’amplifier les débats sur les revenus agricoles, en prenant davantage en compte la diversité des systèmes, de diversifier les revenus agricoles, de renforcer les compétences des agriculteurs mais aussi de réguler davantage les marchés, notamment à travers la Pac post 2027. Des constatations plutôt en phase avec les revendications des agriculteurs.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :