Les agriculteurs mobilisés contre les « entraves »
« Entendez-nous dans nos campagnes ! » : les agriculteurs entendent multiplier mardi les actions contre les « entraves » et les « normes » après une première semaine d'actions contre le traité de libre-échange Mercosur, qui fera l'objet d'un débat à l'Assemblée dans l'après-midi. (Article mis à jour à 14h30)
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A Strasbourg, une cinquantaine de tracteurs d'agriculteurs de la Coordination rurale (CR, 2e syndicat agricole) ont été bloqués par les forces de l'ordre à environ un kilomètre du Parlement européen, où ils souhaitaient se rendre pour exprimer leur opposition à l'accord de libre-échange négocié entre l'UE et des pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay). « On nous interdit des insecticides, des herbicides, des semences OGM, des produits qu'on considère dangereux pour la santé humaine, et tous ces pays d'Amérique du Sud travaillent avec ça, à grands renforts de déforestation. C'est aberrant », a déclaré Cyril Hoffmann, venu de Côte d'Or.
Déplorant d'être bloqués dans la ville, les manifestants de la Coordination rurale ont accueilli les eurodéputés venus à leur rencontre, dont Marion Maréchal (extrême droite) et Manon Aubry (LFI).
Au côté des bonnets jaunes, le RN Nicolas Bay a estimé que le traité Mercosur risquait d'être « le dernier clou dans le cercueil de l'agriculture française », créant une « concurrence déloyale mortelle » pour des secteurs (bovins, sucre...) déjà fragiles.
De son côté, l'alliance majoritaire FNSEA-Jeunes agriculteurs prévoit de lancer partout en France de nouvelles actions jusqu'à jeudi, visant « tout ce qui entrave la vie des agriculteurs », notamment les administrations (préfectures, agences de l'eau, etc.), a précisé mardi matin sur France 2 le président de la FNSEA Arnaud Rousseau.
« Nous avons commencé par une mobilisation contre le Mercosur, alors que se tenait le G20 au Brésil. Nous entrons dans un deuxième temps, contre les entraves au métier d'agriculteur, avant une phase qui sera plus consacrée à la question des revenus », a indiqué à l'AFP le président de la FNSEA Arnaud Rousseau, prévoyant des actions ciblant notamment des préfectures, des agences de l'eau ou des bureaux de l'Office français de la biodiversité (OFB).
« Si on veut continuer à permettre aux agriculteurs de gagner leur vie, il faut qu'au quotidien, on leur simplifie la vie, » a-t-il ajouté ce matin sur France 2. Contre « la concurrence déloyale », les manifestants défendront notamment le retour de l'acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes, réclamé par les producteurs de noisettes et de betteraves à sucre. Nocif pour les pollinisateurs, il est interdit en France mais utilisé dans d'autres pays de l'Union européenne.
« Stop les papiers on en a marre » ou « Ras-le-bol », clamaient des pancartes accrochées à des tracteurs venus bloquer la cité administrative de Lille. A Perpignan, une centaine d'agriculteurs vêtus de noir ont défilé derrière un cercueil, jusqu'à la préfecture.
🔴 EN ROUTE POUR LE PARLEMENT EUROPÉEEN À STRASBOURG
— Coordination Rurale (@coordinationrur) November 25, 2024
Entendez-vous dans nos campagnes ???
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En ordre dispersé
Mardi à la mi-journée, quelque 660 agriculteurs menaient une vingtaine d'actions dans 15 départements, selon le dernier bilan des autorités, qui évoque notamment des rassemblements à Rouen (Seine-Maritime) ou Laon (Aisne), un barrage filtrant à Poitiers et des opérations sur des plateformes logistiques de supermarchés comme à Saint-Quentin-Fallavier (Isère).
Moins d'un an après une mobilisation historique, les agriculteurs estiment n'avoir pas obtenu suffisamment d'avancées concrètes.
Si les deux premiers syndicats partagent certaines revendications - comme de pouvoir utiliser des pesticides aujourd'hui autorisés en Europe et interdits en France du fait de leur toxicité -, ils occupent le terrain en ordre dispersé, dans un climat tendu à quelques semaines de leurs élections professionnelles.
Surenchère pré-électorale
La Coordination rurale, qui espère briser l'hégémonie de la FNSEA dans les chambres d'agriculture lors des élections de janvier, a multiplié les coups d'éclat, comme le blocage du port de Bordeaux, le saccage d'un bureau de l'Office français de la biodiversité dans la Creuse ou en perturbant un déplacement d'Arnaud Rousseau à Agen (Lot-et-Garonne).
Loin du duel opposant les deux premiers syndicats, la Confédération paysanne, 3e syndicat représentatif, continue ses mobilisations contre le Mercosur, avec une action prévue en Dordogne dans la journée.
Les syndicats incitent leurs sections locales à l'autonomie dans une atmosphère électrique de surenchère pré-électorale, comme en témoignage la perturbation d'un déplacement d'Arnaud Rousseau vendredi à Agen par des militants de la CR du Lot-et-Garonne.
Dès lundi, des militants du syndicat majoritaire FNSEA ont bâti un mur devant la préfecture des Ardennes, pour « représenter la distance qui sépare le paysan et l'administration ». De son côté, la Coordination rurale a déversé pneus et fumier devant la préfecture du Pas-de-Calais, déplorant que l'État ne propose qu'une chose : « des prêts pour rembourser des prêts » au lieu de protéger le revenu des agriculteurs.
« La plupart (des manifestations) se sont bien déroulées : on peut manifester sans casser, sans blesser », a souligné mardi sur France Info le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, mettant en garde contre toute violence.
Vers un vote unanime ?
La ministre de l'Agriculture Annie Genevard a promis lundi sur France Inter que les agriculteurs verraient « très, très vite » des choses concrètes et assuré que la France progressait dans la construction d'une minorité de blocage à l'accord UE-Mercosur : après l'Italie, la Pologne a exprimé son rejet vendredi. Pour la FNSEA, l'opposition à ce traité est une « bataille existentielle », a martelé Arnaud Rousseau mardi.
Mardi après-midi, la ministre de l'agriculture portera avec son homologue déléguée au Commerce extérieur, Sophie Primas, la parole du gouvernement à l'Assemblée nationale où se tiendra un débat puis un vote sur ce traité. Le gouvernement espère un vote unanime qui donnerait du poids à la position française face à la Commission européenne, seule habilitée à négocier pour les 27 ce traité de libre-échange. Mais rien n'est gagné d'avance.
Si le député Dominique Potier (PS) espère une certaine unité contre l'accord, il précise que le vote du groupe socialiste dépendra de la déclaration du gouvernement : « nous jugerons en l'état. » Pour Arnaud Le Gall qui présentera la position de la France insoumise, seule une proposition du gouvernement qui « mettrait fin aux négociations » obtiendrait cependant un vote favorable de LFI. S'opposer à l'accord « en l'état » ne suffira pas.
Du côté du Rassemblement national, la députée Hélène Laporte s'est étonnée d'un nouveau vote, rappelant que l'Assemblée s'était déjà prononcée contre en juin 2023 avec l'adoption d'une résolution. « Nous allons rester linéaires, nous sommes contre cet accord », a-t-elle déclaré à l'AFP.
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