À 41 ans et déjà patron, il incarne la relève du machinisme à la française
À la tête du spécialiste du relevage avant Laforge, où il a pris la suite de son père, Hervé Defrancq, passé par une école de commerce, est l’un des plus jeunes membres du conseil d’administration d’Axema.
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À l’adolescence, il lisait déjà l’Expansion et les Échos. « J’ai toujours aimé comprendre le monde par l’économie », raconte Hervé Defrancq. À 41 ans, il préside à la destinée de Laforge, le spécialiste du relevage avant basé dans l’Aisne, une entreprise propulsée par son père, Hubert, parmi les noms qui comptent dans le paysage du machinisme agricole hexagonal.
C’est sur les terres de la Champagne qu’Hervé s’est construit, au gré de l’évolution de Laforge, passé du petit atelier historique d’Hermonville à l’usine moderne de Villeneuve-sur-Aisne, sortie de terre sous l’impulsion de John Deere, partenaire historique. « L’atelier, j’en ai un très vague souvenir », confie-t-il.
Une adolescence entre football et... presse économique
Hervé est l’aîné d’une fratrie de trois enfants. « Ma mère, Martine, était technicienne au laboratoire médicale de l’hôpital de Reims. Elle s’est arrêtée le temps que nous grandissions. Elle a repris à mi-temps chez Laforge, en charge de la trésorerie, de l’administratif », raconte le chef d’entreprise.
Les années collège et lycée se déroulent en internat au Sacré-Cœur à Reims. Chaque année, Hervé attend avec impatience l’heure d’été : c’est le moment où le soleil éclaire les terrains de foot de l’établissement le soir. « Je ne faisais pas que lire la presse économique ! » sourit-il. Il joue numéro 10 : celui qui organise le jeu.
Laforge, une entreprise familiale
Les week-ends à la maison, l’actualité de Laforge occupe forcément les discussions. « Mon père travaillait beaucoup, ça fait partie de sa génération. Il nous parlait naturellement de l’entreprise. Il n’y a jamais eu de pression pour prendre sa suite. Il fallait qu’on en ai envie et, surtout, que l’on apporte quelque chose. »
Son bac ES en poche, Hervé passe deux années en prépa au lycée Clémenceau, toujours à Reims. Il y rencontre celle qui deviendra sa femme, Pauline. Il réussit le concours d’entrée de l’école de commerce Audencia, à Nantes. Il en sort en 2008, après un cursus de 3 ans marqué par 5 mois Erasmus en Turquie avec sa compagne. « Les cours tenaient sur 3-4 jours. Le reste du temps, on voyageait. On a été jusqu’à la frontière syrienne, au Kurdistan », se souvient-il.
Des débuts dans le trading... d'engrais
Ses camarades rêvent alors de multinationales ou d’influents cabinets de conseil. Un passage chez le leader français de la distribution électrique, à la fin de ses études, le convainc de tracer sa propre route : « J’étais au service stratégie, c’était valorisant. Mais je passais trop de temps à faire des Powerpoint et a être pris dans des intrigues internes de lutte de pouvoir… »
Le jeune diplômé se lance alors dans le trading d’engrais, une activité qui fait écho à ses grands-pères et oncles agriculteurs. Ses amis écarquillent les yeux : « Trading, ça va, mais engrais, ça ne fait pas très prestigieux ». Le business est pourtant colossal : son employeur traite avec tous les pays où il y a du gaz ou des mines de phosphate et autres, puis affrète des cargaisons de bateau jusqu’à 40 000 tonnes.
« Je ne construisais rien de solide »
Débauché par un géant du secteur, Hervé se retrouve avec Pauline à Zurich à 26 ans. « La Suisse, c’est paisible et prospère, le journal de 20 heures n’est pas le même qu’en France ! » Le couple reste 4 ans chez les Helvètes. Le confortable quotidien finit par manquer un peu d’aventure…
« L’engrais, c’est un milieu qui me plaisait, où la parole donnée a une valeur. C’est du commerce à l’ancienne, il n’y a rien de virtuel, ce n’est pas la bourse. On rencontre les gens en vrai, les coopératives… Mais chaque vente, c’est repartir de zéro. J’étais juste un lien entre la production et le client. Je ne construisais rien de solide. »
« Il est homme-orchestre, je suis plutôt chef d’orchestre »
Des vacances en famille, en 2013, précipitent le destin. Hubert Defrancq évoque l’avenir et sa succession. Dans un premier temps, Hervé décline : « C’était un moment charnière pour Laforge, l’avenir n’était pas clair et dégagé ». Après quelques mois de réflexion, l’envie d’entreprendre prend le dessus, il dit oui. « L’idée, c’était de seconder mon père et, si cela se passe bien, d’envisager un jour une reprise. »
Hervé n’arrive pas « en futur roi déjà couronné ». Il s’agit de faire ses preuves, lui qui n’a jamais managé et doit assimiler la culture de l’industrie. Il s’agit aussi de trouver sa place aux côtés d’un père qui a dédié sa vie à Laforge. Le duo fait avec les qualités de chacun. « Il est homme-orchestre, je suis plutôt chef d’orchestre », résume Hervé.
Ne pas se faire submerger par le travail
Le fils rend hommage au père. « Avant son arrivé, Laforge, c’était minuscule. Il en a fait une entreprise internationale, qui collabore avec John Deere, avec une usine aux USA, une image de marque irréprochable… C’est comme une maison. Il a bâti les fondations, j’attaque le premier étage. Mais sans cet appui, je ne pourrais rien faire. Ce qu’il a fait, j’en aurais été incapable. Je suis fier de ce qu’il a construit avec tout son cœur et son énergie et qu'il m'ait fait confiance pour reprendre le flambeau. »
La passation de pouvoir est actée en 2022… pile quand la guerre en Ukraine éclate. Ses années de formation chez Laforge lui permettent de ne pas s’affoler. Mais même s’il est préparé, l’équilibre entre vie personnelle et professionnelle en souffre. « Je lisais une histoire à mes enfants et en fait je pensais à un truc au travail… » Hervé a depuis travaillé avec une coach pour ne pas être submergé. « Je me concentre là où j’ai un impact », explique-t-il.
« L’avantage de la France, ce sont les salariés »
Depuis deux ans, il est aussi l’un des plus jeunes membres du conseil d’administration d’Axema. L’occasion d’échanger avec ses pairs mais aussi d’analyser le marché français : « On a parfois l’impression de se battre avec une main dans le dos. Notre marché agricole est le plus grand d’Europe mais en industrie, on est derrière l’Allemagne, l’Italie… C’est un peu cliché mais les charges pèsent lourd. Il faut être encore meilleur. L’avantage de la France, ce sont les salariés, il y a beaucoup de compétences et de loyauté ».
Dans ce tableau, il affiche son optimisme pour Laforge. « L’entreprise évolue bien, entre les collaborations avec les gros tractoristes et nos produits comme le système de guidage des outils DynaTrac, qui incarne l’agriculture de demain. On vend de l’utile, pas des gadgets en plastique ! »
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