[Reportage] Mon projet, mon avenir « Faire notre propre farine nous permet de mieux nous rémunérer »
À Montgaillard, dans le Tarn, deux ingénieurs agro ont décidé de vivre de leur passion de l'agriculture. En 2012, Jasmine et Pierre-Alain Gibert, ont repris l'exploitation céréalière des parents de ce dernier, l'ont convertie en bio, et ont investi pour produire leur propre farine. Un succès économique et agricole.
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« À l'école, on nous répétait qu'il fallait valoriser au maximum les productions, et c'est ce que nous avons fait ». Quand Jasmine et Pierre-Alain Gibert reprennent l'exploitation des parents de ce dernier, ils décident d'appliquer ce qu'ils ont appris lors de leurs études. Le jeune couple décide de valoriser au maximum la production céréalière de la ferme en produisant leur propre farine.
« Ce n'était pas quelque chose que nous voulions faire dès le début, mais nous avons vite compris que sur une petite surface, on ne peut pas se permettre de vivre simplement en vendant sa production céréalière », se souvient Jasmine Gibert. Et pour cause : l'exploitation comprend seulement 60 hectares. Y poussent notamment 15 hectares de blé, 13 hectares de luzerne, 5 de lentilles, et 7 de soja.
Le couple décide d'investir dans deux moulins à meule de pierre pour 12 000 euros en tout, dans le but de réaliser une production entièrement artisanale. « Nous avons également pris cette décision pour des raisons de qualité : nous voulions être sûrs que notre production, une fois transformée, reste de très bonne facture», ajoute-t-elle.
80 % des clients sont des boulangers
Le succès est rapidement au rendez-vous. Au départ, les deux trentenaires vendent leur production dans des magasins spécialisés en produits biologiques dans la région, mais également sur les marchés, ainsi qu'à leurs voisins. Aujourd'hui, 80 % des clients de la petite exploitation sont des boulangers bio de la région, signe d'une exploitation qui se professionnalise.
« Le plus éloigné est à 60 km, à Toulouse. Nous préférions dès le départ faire du local », se félicite Jasmine Gibert, pour qui l'impact écologique d'une production est très important à prendre en compte. Les deux agriculteurs profitent surtout d'une forte augmentation de la demande de produits de qualité et locaux. « La demande d'un pain de qualité est vraiment exponentielle, notamment depuis certains reportages sur le pain industriel », confirme-t-elle.
Tout ce qu'ils gagnent, les deux agriculteurs l'utilisent pour investir dans l'exploitation. Mais parfois, cela ne suffit pas. En 2017, ils ne trouvent pas l'argent pour acheter une ensacheuse, une machine qui permet de mettre la farine dans des sachets. À 12 000 euros, cet investissement est trop cher, après l'achat des deux moulins et la rénovation de l'exploitation. Ils décident de faire appel au financement participatif.
Un financement participatif pour une ensacheuse
Sur la plateforme de financement participatif, le couple demande aux internautes de financer pour 5 000 euros de cet achat. « Les conseillers de la plateforme nous avaient prévenus que 12 000 euros, c'était beaucoup trop », se souvient Jasmine Gibert. C'est un succès : en quelques semaines, ils parviennent à mobiliser 5 700 euros. « Cela nous a vraiment aidés, nous étions ravis de susciter cet enthousiasme chez les gens », se réjouit-elle.
Les donateurs sont des amis, de la famille, des voisins, et des clients, mais aussi de nombreux anonymes intéressés par leur démarche. « Beaucoup de gens qui vivent en ville ou qui n'ont pas de lien avec la campagne sont touchés par ce type de problématiques et sont contents à l'idée de donner un coup de main », se réjouit-elle.
Malgré tout, le couple ne souhaite pas refaire appel au financement participatif dans un avenir proche. « Nous n'avons pas changé d'amis et de voisins, et cela nous gênerait de demander encore une fois de l'aide », justifie-t-elle. Cependant, Jasmine encourage les autres agriculteurs à y faire appel. « Cela peut être un vrai coup de pouce pour la suite, et c'est également un moyen de se faire connaître », ajoute-t-elle.
Aujourd'hui, l'exploitation fait des bénéfices, et le pari est sur le point d'être réussi. « Nous ne gagnons pas énormément, mais suffisamment pour vivre et faire vivre nos trois enfants, avec un mode de consommation responsable », se félicite Jasmine Gibert.
Pour l'instant, l'entreprise n'a pas de salarié. « Juste un stagiaire, que nous aimerions avoir tout le temps avec nous », regrette-t-elle. Car à court terme, le couple souhaite continuer à investir, notamment dans des silos de stockage, ainsi que dans la rénovation de leur hangar agricole.
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