Lutte contre les taupins en plant de pomme de terre : vers des stratégies plus intégratives
[Contenu proposé par La Pomme de terre française] Face à l’aggravation des dégâts dus aux larves de taupins, mieux connaître ces ravageurs devient urgent, tout comme repenser les stratégies de lutte à l’échelle de la rotation.
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Le projet collaboratif Taupic, démarré fin 2020 et dont la réunion de clôture a eu lieu en juin, a réuni un large partenariat afin d’améliorer les connaissances sur la biologie et l’écologie des taupins, de mieux évaluer les facteurs de risque et de rechercher de nouveaux leviers pour la protection des cultures de pomme de terre (cf. LPTF n° 642 p. 46-47). Soutenu par le ministère de l’Agriculture dans le cadre de l’appel à projets Casdar Recherche technologique, Taupic a permis d’obtenir des résultats significatifs, mais à consolider, en soulignant la nécessité de développer des stratégies de protection plus intégratives pour prévenir et maîtriser les dégâts causés par les larves de taupins.
Des facteurs de risque multiples
Afin d’évaluer les facteurs de risque d’infestation et d’attaque par les taupins, 359 enquêtes parcellaires ont été réalisées pour recueillir les données associées de dégâts sur pomme de terre, niveaux d’infestation, itinéraires culturaux et caractéristiques des parcelles et de leur environnement pédoclimatique. L’important jeu de données acquis montre de fortes disparités dans les niveaux d’attaque selon les régions et les années (figure 1). Les analyses, intégrant une quarantaine de variables explicatives, ont mis en avant des risques multifactoriels associés aux dégâts dont, parmi les plus significatives, le pH du sol, la présence d’Agriotes en parcelle, le taux de matière organique, le nombre de chaulages dans la rotation, le nombre de labours et la météorologie (précipitations) de l’année précédente. Les résultats donnent des éléments explicatifs sur les situations de dégâts, mais sans caractère prédictif de type OAD. Cela nécessite de continuer le travail d’enquête sur plusieurs années, notamment pour mieux comprendre l’impact de l’assolement et des conditions climatiques sur les dégâts.
Une dizaine de sites-pilotes ont aussi été mis en place pendant trois ans, avec un suivi approfondi lors de la culture de pommes de terre (de la plantation à la récolte) dans des situations diversifiées (météorologie, abondance larvaire, dégâts, espèces). Sur les 18 sites infestés significativement, une relation entre l’abondance de larves et les dégâts a été observée, mais à un niveau très variable. Cette étude a permis d’acquérir des données intéressantes sur les conditions favorables à la présence et aux attaques de larves. Des variations importantes de populations larvaires ont été constatées en cours de culture, et notamment autour du défanage et selon les températures et l’humidité du sol. Les variables les plus significativement associées aux dégâts ont été la durée de culture (entre plantation et récolte), le défanage, l’abondance larvaire ou l’humidité du sol. Prolonger ces travaux avec d’autres références serait intéressant, en élargissant le suivi sur une rotation complète pour comprendre le développement des Agriotes sous différentes cultures (voir encadré).
Un outil DNA Barcoding a aussi été développé pour l’identification rapide et précise des espèces de taupins. Utilisé sur plus de 300 échantillons du projet, il a permis de caractériser une large diversité d’espèces de taupins en parcelles. La nuisibilité des nouveaux taxons identifiés reste à préciser.
Étude de nouveaux leviers de protection
Un important réseau d’essais au champ a permis d’évaluer des solutions de protection, dans une diversité de situations. Plus de 30 modalités ont été testées au cours du projet sur trois à quatre sites expérimentaux par an, avec l’appui des partenaires. De nombreuses solutions de biocontrôle ont été étudiées, seules ou combinées, incluant des champignons et nématodes entomopathogènes (CEP et NEP), des substances naturelles, des extraits de plantes, des appâts ou des plantes compagnes. Le niveau de dégâts dans les témoins variait fortement, entre 5 et 92 % de tubercules avec des galeries de taupins. Les solutions testées ont eu en moyenne une efficacité limitée en situation de forte attaque, variant entre 0 % et 45 %, en deçà des références conventionnelles. Des pistes ont été identifiées et sont à approfondir pour améliorer les niveaux de protection. Parmi celles-ci figurent l’application de CEP et NEP en pluriannuel et en association avec des couverts, le choix de souches ciblant mieux la période et les espèces visées de taupins, l’utilisation directe de bactéries isolées de NEP ou leur encapsulation afin de faciliter leur ingestion par les taupins ou l’emploi d’appâts ou plantes compagnes dans des stratégies d’attraction et protection.
Le projet a aussi été l’occasion de développer des études en conditions contrôlées sur le site d’Achicourt (62). La mise en place d’élevages et d’un dispositif de criblage a permis l’évaluation de solutions de biocontrôle et la mise en évidence de différences d’efficacité selon le stade des taupins (adultes, larves, nymphes…). Une préférence des adultes pour la ponte a aussi été observée selon les cultures (en particulier sur céréales) ainsi que l’effet de cultures et couverts végétaux sur le développement et la mortalité des jeunes larves d’Agriotes, avec un développement des taupins variable selon la culture (plus rapide sur blé et ray-grass) (cf. LPTF n° 651).
Le comportement de variétés de pommes de terre a été étudié, au travers d’essais au champ et d’études en conditions contrôlées sur la préférence et l’appétence variétale et sur la recherche de composés associés. La variété Spunta a montré une attractivité supérieure à Monalisa et Charlotte, mais Monalisa s’est avérée plus favorable aux taupins en termes de prise alimentaire, de développement des larves et de taille de galeries. L’analyse des profils odorants sur trois variétés a permis d’isoler 65 composés organiques volatils (COVs) avec un effet du stade physiologique du tubercule, mais sans effet variétal significatif. Le rôle d’autres signaux influençant le choix (émission de CO2, composés biochimiques) est probable. Des résultats préliminaires indiquent que les variétés les plus touchées présentent des teneurs plutôt faibles en glycoalcaloïdes et fortes en sucres réducteurs.
Développer des stratégies de protection intégrée
Les résultats obtenus soulignent la nécessité de développer des outils de prévision du risque, de combiner des leviers de gestion à effet partiel, et l’intérêt de raisonner la lutte à l’échelle de la rotation. L’enquête réalisée sur les systèmes de culture existants chez des producteurs de plants et la réflexion commencée au sein du réseau sur la conception de systèmes de culture innovants doivent être prolongées pour aboutir à de nouvelles stratégies intégrées de protection des cultures.
Au cours du projet Taupic, des tris de larves de taupins ont été effectués pour les étudier en conditions contrôlées.
Les enquêtes réalisées dans le cadre du projet Taupic se sont déroulées dans 359 parcelles de pommes de terre en 2021 et 2022.
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