Renouvellement du glyphosate La France s’abstient, le vote européen probablement repoussé dans un délai d’un mois
Suite à la proposition de la Commission européenne de réautoriser le glyphosate pour 10 ans, les 27 Etats membres se prononcent ce vendredi 13 octobre. La France a décidé de s’abstenir. Si plus de 15 pays devraient voter pour, la position de la France devrait empêcher une majorité qualifiée pour ou contre la proposition. Le vote devrait donc être reporté d’ici un mois en comité d’appel.
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La Commission européenne a proposé, le 20 septembre dernier, aux États membres de renouveler pour 10 ans l’autorisation du glyphosate compte tenu de l’évaluation scientifique de l’Efsa, indiquant ne pas avoir « identifié de domaine de préoccupation critique » chez les humains, les animaux et l’environnement susceptible d’empêcher son autorisation.
La France décide de s’abstenir
Soumise au vote ce vendredi 13 octobre dans la matinée aux 27 États membres, la réautorisation du glyphosate devrait très probablement être repoussée à un prochain vote en comité d’appel dans un délai d’un mois. Pourquoi ? Parce que la France a décidé de s’abstenir. « Nous ne sommes pas opposés à la molécule du glyphosate, explique-t-on au ministère de l’agriculture, mais nous ne sommes pas satisfaits de la proposition de la Commission européenne. » D’une part, la France estime que la durée proposée par la Commission est trop longue et, surtout, la France aurait souhaité « que la Commission ne propose cette réautorisation que pour les usages pour lesquels il n’y a pas d’alternative ».
Mercredi 11 octobre à l’issue du Conseil des ministres, Olivier Véran, le porte-parole du Gouvernement déclarait : « il y a toujours des négociations qui sont en cours et la France pèse de tout son poids pour que la copie européenne puisse tenir compte des remarques françaises ». « Nous avons un objectif : sortir du glyphosate », et « nous voulons que ce soit effectif et opérationnel dès lors qu’il existe une alternative à cet herbicide », a-t-il ajouté. Le ministre de l’agriculture Marc Fesneau avait lui insisté, début octobre, sur la position « pas d’interdiction sans solution », estimant qu’en « agriculture de conservation des sols par exemple, il n’existe pas d’alternative au glyphosate.
Avec son abstention, le vote de la France ne permet pas à la proposition d’obtenir une majorité qualifiée, indispensable pour un vote favorable ou défavorable.
Pour obtenir une majorité qualifiée, le vote doit réunir 55 % des voix, chaque pays comptant pour une voix. « Il faut donc qu’au moins 15 pays aient le même avis pour décider si oui ou non l’herbicide sera réautorisé », précise Stefan de Keersmaecker, porte-parole de la Commission européenne, dans une interview de Pierre Girard, partagée sur X (anciennement Twitter). Autre condition : « ces États membres doivent, en plus, représenter 65 % de la population de l’Union européenne ».
Qui prend la décision de réautoriser ou non le #glyphosate vendredi ? Et comment ? Je suis allé poser la question à la @EU_Commission à Bruxelles. #Thread 1/9 pic.twitter.com/XqJTGtyIaH
— Pierre Girard (@artepierre) October 12, 2023
« Si moins de 65 % de la population européenne est représentée par le vote de vendredi ou si de nombreux pays s’abstiennent, la décision sur le glyphosate pourrait être repoussée. Le dossier passera alors dans les mains du Comité d’appel, entraînant de nouvelles discussions et un vote. Et les mêmes règles s’appliquent : si on obtient une majorité de « pour «, la proposition sera adoptée. Dans le cas d’une majorité de « contre », la proposition ne sera pas approuvée. Et si on ne ressort aucune majorité, il incombera à la Commission de prendre une décision », explique le porte-parole de la Commission européenne.
À noter aussi : « en cas de réautorisation du glyphosate, chacun des États membres devra encore décider les produits phytosanitaires contenant cette substance active qu’il autorise ou non ».
À quelques jours de la probable ré homologation du glyphosate voici un semi sous couvert de céréales. Ce couvert réservoir de biodiversité et puit de carbone sera détruit grâce au glyphosate. #glyphosate#acs#icilaterrepic.twitter.com/WUMrAJ1mzx
— olivierCoupery (@OCoupery) October 11, 2023
D’après le média Contexte, « les autorités françaises ont envoyé, le 28 septembre, une nouvelle note à la Commission européenne. La France juge que cette durée « ne reflète pas suffisamment les incertitudes scientifiques ». Elle demande que le glyphosate soit traité comme les pesticides candidats à la substitution, et que son autorisation soit donc renouvelée pour une durée maximale de sept ans, conformément au règlement de 2009 relatif à la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques ».
« Dans la même note, la France demande de limiter les quantités maximales utilisables pour prendre en compte le risque pour les petits mammifères herbivores (1,44 kg de substance active par hectare et par an pour les usages agricoles, 1,8 kg pour les utilisations dans les zones non agricoles et dans le cadre de la lutte contre les espèces invasives). La Commission a intégré cette proposition dans la seconde version de son acte d’exécution. »
Dans une lettre ouverte adressée mercredi à Emmanuel Macron, le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, appelle le chef de l’État à approuver la réhomologation du glyphosate. Pour préserver une agriculture plus respectueuse des sols en évitant le plus possible les labours, l’herbicide est encore indispensable, fait valoir le responsable, qui s’était longuement entretenu avec le président début septembre.
« Dans la mesure où aucune alternative aussi efficace et à coût identique n’existe, le glyphosate ne doit pas être supprimé et la France doit suivre la position de la Commission européenne. Le glyphosate est un allié utile de l’agriculture de conservation des sols et de la lutte contre le changement climatique. Nous continuerons à nous battre pour défendre cette matière active », a également affirmé Damien Brunelle, président de France Grandes Cultures.
Grâce au glyphosate, je vais semer dans quelques heures du blé en direct dans les réponses de colzas. J’ai vu 2 lièvres et 15 faisans (en bonne santé) dans ces 8 ha. Fier de mon travail ! @FGC_frpic.twitter.com/1xCjfmPcYt
— Brunelle Damien (@DamienBrunelle) October 12, 2023
Le Luxembourg, l’Autriche et l’Allemagne contre le renouvellement ?
Plusieurs associations ont, à l’inverse, enjoint le chef de l’État de soutenir l’interdiction pur et simple du glyphosate. M. Macron peut « soit protéger (l') environnement et (la) santé […], soit prendre la responsabilité de permettre sa propagation 10 ans supplémentaires dans toute l’Union européenne », ont affirmé dans un communiqué foodwatch France, Générations Futures, UFC-Que Choisir et WeMove Europe.
D’autres pays de l’UE ont exprimé de vives réticences vis-à-vis de la proposition de la Commission, le Luxembourg et l’Autriche ayant déjà annoncé qu’ils voteraient contre. En raison de divisions en interne sur le sujet, la Belgique et les Pays-Bas ont indiqué qu’ils s’abstiendraient. La coalition au pouvoir en Allemagne reste divisée sur le sujet.
Pour autant, « de nombreux États membres ont salué la proposition » et si certains pays ont « préconisé des restrictions supplémentaires spécifiques », cette idée n’est pas soutenue par « une grande majorité » des États, avait déclaré la commissaire européenne à la Santé, Stella Kyriakides, la semaine dernière au Parlement européen.
Par ailleurs, « dans tous les cas, les États membres auront la possibilité de restreindre l’utilisation […] au niveau national ou régional s’ils l’estiment nécessaire pour protéger la biodiversité », avait souligné Mme Kyriakides — dans le cadre toutefois des critères fixés par la législation européenne. Affaire à suivre donc !
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