Jean-Paul, un chef d’atelier qui a la « pulvé » dans le sang depuis 30 ans
Aujourd’hui chez Arland, Jean-Paul Guyot a vécu, ces trois dernières décennies, les profondes évolutions de la pulvérisation agricole. Il nous raconte son parcours.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Il a connu les buses à turbulence qui créaient des « brouillards énormes », son père Marcel qui avait les mains jaunes à cause de l’Herbogil, les doses de cheval et les litres à foison à l’hectare… « Entre mes débuts et aujourd’hui, c’est le jour et la nuit. Les progrès réalisés sont énormes », confie Jean-Paul Guyot.
À 57 ans, dont plus de 30 dans la pulvérisation, l’actuel chef d’atelier d’Arland n’a rien perdu de son enthousiasme. « L’Isobus, les caméras de détection, l’intelligence artificielle… Tout évolue vite, ce n’est jamais monotone. Et j’ai de la chance, ce sont les machines les plus complexes qui se vendent le mieux », sourit-il.
Une famille d’agriculteurs
Tout commence à Saint-Sulpice-des-Landes, petit village de Loire-Atlantique niché entre Ancenis et Chateaubriand. Une enfance à la ferme, des parents exploitants laitiers à la tête d’un cheptel d’une vingtaine de têtes et, bien sûr, le tracteur et son irrésistible pouvoir d’attraction.
« Je me souviens du ramassage des bottes de pailles, des petites, à basse densité, avec les hommes qui les soulevaient au croc, les femmes qui les rangeaient sur la remorque, et moi qui roulait à deux à l’heure avec les pieds qui touchaient à peine les pédales. Il fallait rouler droit sinon gare à nous ! » se souvient Jean-Paul.
Un pionnier du BTS Machinisme agricole
Aîné de la fratrie, entouré d’un frère et d’une sœur, il n’a jamais souffert de la pression parentale pour reprendre l’exploitation. « Ils m’ont laissé faire ce que je veux. Mon père, lui, n’avait pas eu ce choix. Il en a souffert, il m’en a reparlé récemment. Il a commencé ouvrier agricole, c’était très dur. Heureusement, il est devenu soudeur chez Braud et a pu mettre un peu de côté pour s’installer ».
Des Meccano reçus à Noël et le désossage d’une vieille machine à laver qui traînait à la ferme tracent le destin de bricoleur de Jean-Paul. Il s’oriente vers un Bac au nom prédestiné pour les amateurs de machines, le Bac F1, dédié à la construction mécanique. Dans la foulée, un BTS machinisme agricole tout juste ouvert à Derval, à deux pas de son village, complète sa formation. Son prof, Bernard Bielmann, le marque : « Tu allais sur les salons avec lui, il connaissait tout le monde ».
Sa première expérience professionnelle tourne court. « J’étais en Seine-Saint-Denis. On m’a mis dans un bureau, avec un gros classeur à apprendre, pour faire du dépannage téléphonique. J’étais logé au bord du Périph. Je suis resté trois semaines ». Direction la Mayenne, dans un centre de formation pour jeunes adultes. « On manquait de matériel mais j’ai toujours aimé transmettre », raconte-t-il. Déjà lors de son service militaire, Jean-Paul, vite passé sergent, prenait en charge les nouveaux : « J’étais bien vu, je n’étais pas le plus dur ! »
Le monde de la pulvérisation croise son chemin en septembre 1994. Ce sont les débuts de Pulvé 2000, fondé en Bretagne par Christian Gallais. Contrôle, diagnostic, transformation… « Les agris avaient de petits pulvés. Ils travaillaient autour de 500 litres par hectare, on les passait à 150 litres. Les premières buses basse pression arrivaient ». Le pas vers la fabrication est vite franchi, d’abord des rampes, puis l’inverse. « Les rampes, c’est compliqué », reconnaît le spécialiste.
Arland, une entreprise familiale
« Nous sommes montés jusqu’à 40 machines par an. On commercialisait aussi Beyne, une marque belge. On allait au Space. C’était une petite structure, je touchais à tout, je participais à la conception. J’aimais aussi le côté humain lors des contrôles. Le monde agricole est très sympathique ».
Au bout de 22 ans, Pulvé 2000 s’essouffle. Jean-Paul est licencié. Un petit mois de chômage et Landry Jaglin, directeur chez Arland, jeune fabricant en plein boom, l’appelle : la pulvé est un petit monde. « Je m’assure que le montage se passe bien, je fais le lien avec le bureau d’études, j’observe les essais… Je forme et je transmets, toujours. Ici, chacun peut prendre la parole. C’est une entreprise qui grandit mais qui reste familiale, on n’est pas cloisonné », se félicite-t-il.
« On ne plaisante pas avec la protection »
La protection, un sujet hérité de ses années sur le terrain, lui tient à cœur. Les machines ont évolué, jusque dans les détails : sur les dernières machines Arland, le robinet pour se laver a deux couleurs, rouge à ne toucher qu’avec les mains sales, bleu quand elles sont propres. « C’est un détail mais tout compte. Il ne faut pas plaisanter avec ça. Aujourd’hui, tout le monde est au courant mais je ne sais pas si tous les agris font assez attention ».
Jean-Paul entend finir sa carrière chez Arland. Il garde un œil sur ses quatre enfants devenus grands, trois filles et un garçon, et « aucun dans l’agriculture ou la mécanique ! » À la retraite, il peaufinera son jardin et sa collection de BD. Menuisier amateur, il ne risque pas de s’ennuyer : « J’ai une maison en bois, il me reste plein de choses à faire… » Et il continuera à voir régulièrement son amie de jeunesse, Viviane Gicqueau, l’une des premières soudeuses chez Manitou, qui a fait l’objet d’un précédent portrait sur Terre-Net, un hasard total ! Le machinisme est, lui aussi, un petit monde.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :