Revenus agricoles Sans changement de politiques publiques, les revenus poursuivront leur baisse
En 30 ans, la valeur de la production agricole française a diminué de 20 %, et le revenu disponible par actif agricole est orienté à la baisse. En parallèle, le niveau d’aides publiques diminue depuis le début des années 2000, exposant davantage les agriculteurs aux fluctuations du marché. Sans un changement de politique publique, le revenu agricole est amené à poursuivre son recul, accentuant les problématiques de renouvellement des générations, prévient le think tank Agriculture Stratégies.
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À la suite d’un rapport du CGAAER (Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux) publié à la fin de l’année dernière, "Évolution du revenu agricole en France depuis 30 ans, facteurs d’évolution d’ici 2030 et leçons à en tirer pour les politiques mises en œuvre par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation", le think tank Agriculture Stratégies évoque les conséquences de la diminution du revenu agricole disponible par actif et les enseignements qui en découlent pour les politiques publiques.
Le rapport du CGAAER, publié en décembre, établit qu’en 30 ans, le revenu moyen par actif agricole a augmenté, en lien avec la diminution du nombre d’agriculteurs, mais que le revenu moyen disponible par actif, qui permet à l’agriculteur de se rémunérer et de financer les investissements sur son exploitation, est resté relativement stable voire, diminue, notamment dans certaines filières.
Ainsi, « les résultats montrent par exemple que les élevages d’herbivores (bovins, ovins, caprins) ont des revenus presque toujours inférieurs à la moyenne, tandis que ceux des exploitations de grandes cultures et les élevages porcins sont particulièrement volatils. Au sein même de ces différentes catégories, les revenus varient fortement : les 10 % d’exploitations les mieux dotées ont un EBE (excédent brut d’exploitation) par actif non salarié 14 fois supérieur aux 10 % les plus en difficulté ! », souligne Agriculture Stratégies.
La valeur des produits agricoles en baisse depuis 30 ans
En 30 ans, on constate une diminution de 60 % du nombre d’exploitations agricoles, et de 50 % du nombre d’agriculteurs, en parallèle d’une diminution de la valeur des productions agricoles, à hauteur de - 22 % entre 1990 et 2020. Pour compenser cette baisse, les agriculteurs ont augmenté les volumes produits et amélioré leur productivité, via une augmentation du capital et du travail fourni. « Mais puisque la valeur des produits agricoles a baissé, les fermes valent désormais plus cher pour parvenir à produire un même niveau de richesse », rappelle le think tank.
« Ainsi, pour produire 10 000 euros de richesse, une exploitation mobilise en moyenne 55 860 euros de capital en 2020, contre 46 010 euros en 1990. L’augmentation de l’intensité capitalistique pose la question de la transmission des exploitations : un agriculteur souhaitant s’installer doit investir davantage qu’il y a 30 ans pour reprendre une ferme », note Agriculture Stratégies.
Marchés et soutien public, deux déterminants essentiels du revenu agricole
La baisse de la valeur de la production agricole est à mettre en lien avec une exposition croissante des agriculteurs à la volatilité des marchés, ces derniers restant le déterminant principal du revenu agricole, d’après le rapport du CGAAER. Or, ce manque de visibilité sur les cours complexifie la prise de décisions, « que ce soit sur l’achat des intrants ou la vente des produits, mais aussi sur le changement vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement », résume Agriculture Stratégies.
En parallèle, le niveau d’aides publiques, deuxième composante principale du revenu des agriculteurs, est en constante diminution depuis 2003, relève le CGAAER. Or, en 2019, les aides directes représentaient en moyenne 74 % du revenu courant avant impôt (RCAI).
Mettre en place des politiques pour réguler les marchés
Face à ce constat, le CGAAER recommande d’amplifier les débats sur les revenus agricoles, en prenant davantage en compte la diversité des systèmes. Le rapport juge également nécessaire de diversifier les revenus agricoles via la production d’énergies renouvelables. En parallèle, renforcer les compétences des agriculteurs apparaît comme une nécessité face à un contexte qui se complexifie.
L’une des recommandations porte spécifiquement sur la nécessité de réguler davantage les marchés, notamment à travers la Pac post 2027. Une préconisation qui recoupe la vision d’Agriculture Stratégies : « le retour de la régulation des marchés dans les politiques agricoles semble indispensable pour stabiliser les marchés et maintenir le revenu agricole. Sans cela, ce dernier restera soumis aux fluctuations des prix, réduisant l’attractivité du métier malgré les tensions sur la transmission des exploitations, et limitant la capacité des agriculteurs à faire évoluer leur outil de production dans le cadre de la transition agroécologique. Les politiques agricoles française et européenne doivent impérativement se renouveler pour éviter que la dégradation du revenu agricole global ne se poursuive, affectant l’ensemble du secteur agricole et plus largement la souveraineté alimentaire », conclut le think tank.
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