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Congrès 2015 du Modef Jean Mouzat : « Le revenu est la clé de tous les maux de notre agriculture »

Jean Mouzat, président du Modef depuis six ans, entend poursuivre son action au sein de son syndicat pour « passer la main à la jeune génération. » (©Modef)

Le Modef tient son congrès triennal les 3 et 4 novembre 2015 à Bugeat en Corrèze. Dans son rapport d’orientation, il dresse un bilan des difficultés du secteur agricole, en matière d’accès au foncier, de capitalisation du métier et surtout de faiblesse des revenus. Pour son président Jean Mouzat, les politiques et le syndicalisme majoritaire en sont les grands responsables. Interview.

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Jean Mouzat, président du Modef depuis six ans, entend poursuivre son action au sein de son syndicat pour « passer la main à la jeune génération. » (©Modef)

Terre-net : A l’occasion du congrès du Modef, les délégués débattront les 3 et 4 novembre d’un rapport d’orientation intitulé Terre, capital, travail. Quelles en seront les principales revendications ?

Jean Mouzat : Le Modef s’inquiète du devenir de l’agriculture et des agriculteurs à court et moyen termes, avec les crises qui continuent et que nous ne parvenons pas à juguler. Comment sera l’agriculture française demain ?

Nous abordons d’abord la question de l’accès au foncier car cet accès est de plus en plus difficile, notamment pour les jeunes. Nous observons de plus en plus l’arrivée de spéculateurs financiers qui investissent le foncier agricole pour sécuriser des fonds, des liquidités disponibles. Le foncier est une valeur sûre. Mais l’arrivée de ces intervenants extérieurs fait grimper les prix alors que la rémunération du travail agricole n’est pas au rendez-vous. C’est un grand risque pour l’avenir.

Ensuite, la question du capital est intimement liée à celle du foncier. Les jeunes qui veulent embrasser le métier de paysan doivent apporter des capitaux énormes pour créer une exploitation agricole. Par ailleurs, le métier d’agriculteur intéresse peu les générations à venir. Cela mérite une réflexion approfondie.

Avec un accès difficile au foncier et des investissements de plus en plus lourds, la faiblesse des revenus reste la problématique centrale. Car dans ce contexte, il est de plus en plus difficile de transmettre des exploitations.

Si les agriculteurs gagnaient honorablement leur vie par le travail de la terre, je suis intimement persuadé que toutes les problématiques se régleraient d’elles-mêmes.

Terre-net : Vous considérez donc que le niveau des revenus constitue le fond des difficultés agricoles ?

Jean Mouzat : Oui, bien évidemment ! Je pourrais comprendre que le prix du foncier soit plus important si les producteurs gagnaient bien leur vie. Mais aujourd’hui, le prix du foncier grimpe alors que les revenus ne suivent pas.

Les agriculteurs travaillent toujours plus d’année en année pour toujours moins de revenu. 25 000 exploitations seraient au bord du gouffre nous dit-on. Je pense qu’il y en a beaucoup plus. Peut-être le double ! La situation est dramatique à tous points de vue : économique, social, environnemental et même culturel ! Elle l’est d’autant plus que nous ne savons pas véritablement quels leviers actionner pour redonner durablement du revenu aux producteurs.

Terre-net : Dans ce rapport, vous critiquez beaucoup les nombreux contournements du contrôle des structures.

Jean Mouzat : Cela reste trop facile de contourner les règles, malgré leur renforcement dans la loi d’avenir agricole. On ne pourra pas faire l’impasse d’un contrôle des structures renforcé.

Terre-net : Depuis qu’il est à l’Elysée, François Hollande vous a reçus trois fois, signe que votre syndicat est au moins entendu. Mais avez-vous le sentiment d’être écoutés ?

Jean Mouzat : Aujourd’hui, le président de la République et le Premier ministre écoutent les doléances du monde agricole et du syndicalisme. Mais ils écoutent surtout le syndicalisme majoritaire. Le président de la FNSEA a une très grande influence sur les décisions qui sont prises au niveau de l’Etat. Je le déplore profondément car ces décisions s’inscrivent dans une politique agricole d’élimination. Une politique dans laquelle les « canards boiteux » d’aujourd’hui sont ceux qui ont avalé l’exploitation de leur voisin il y a dix ans sous prétexte qu’elle n’était plus compétitive.

Terre-net : Vous terminez votre deuxième mandat à la présidence du Modef. Vous représentez-vous pour un troisième mandat de trois ans ?

Jean Mouzat : Si je poursuis mon action au Modef, ce sera uniquement pour encourager et asseoir les générations futures qui arrivent avec de belles intentions. Je pense à ces jeunes du Limousin qui se sont fédérés pour créer la branche jeune de notre syndicat. Au sein du Modef, une majorité souhaite que je transmette mon expérience de syndicaliste pendant encore deux ans au moins. Je vais accompagner ces jeunes et préparer la relève.

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