[L'actu de Terres Inovia] Colza Faut-il retourner les parcelles qui ne fleurissent pas correctement ?
Les signalements de parcelles de colza présentant des niveaux importants d'avortement de fleurs et boutons floraux s'accumulent dans plusieurs régions de France. Selon Terres Inovia, les causes pourraient être multifactorielles : dégâts provoqués par les méligèthes, les charançons, les épisodes de gelée sévère, de fortes pluies, défaut d'alimentation...
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De nombreux retours et des diagnostics terrain réalisés par nos équipes ont permis de faire le constat d’un avortement massif des boutons floraux et la présence de nombreuses coulures de fleurs avec dans les cas les plus graves l’absence totale de floraison de parcelles de colza. Les parcelles touchées n’émettent plus de fleurs. Aucune silique ne se forme et on constate également des avortements de boutons des hampes secondaires. Les avortements concernent aussi bien des jeunes boutons que des boutons plus âgés. Les dégâts sont homogènes dans certaines parcelles ou par zones dans d’autres.
Tout aussi préoccupant, on observe que pour les parcelles en fleurs, la situation est aussi très hétérogène avec également des avortements plus ou moins massifs de boutons floraux. Au-delà de la floraison, que ce soit dans les parcelles en fleurs ou non, des difficultés de croissance des colzas sont notées, avec des biomasses aériennes et des surfaces foliaires réduites.
Perspectives d’évolution des parcelles de colza concernées ? Faut-il retourner les colzas ?
Il est trop tôt pour évaluer l’impact de ces phénomènes. La compensation du colza est possible comme cela a été constaté en 2010 et 2017. À partir des mêmes symptômes de départ, les parcelles avaient refleuri une à deux semaines après les avortements et les rendements corrects avaient confirmé la non rentabilité d’un retournement.
Toutefois, cette compensation est dépendante de l’état sanitaire et végétatif de la parcelle. Pour les colzas qui cumulent plusieurs aléas sanitaires et climatiques depuis le début de l’année (gels, larves d’altises, excès d’eau, …) et qui avaient déjà une croissance très faible précédemment, la compensation sera difficile et limitée. A l’inverse, les colzas avec un bon état végétatif mais ayant de nombreux avortements pourront mieux poursuivre leur cycle et réaliser de nouvelles ramifications. À noter que certaines parcelles sans fleurs la semaine dernière, notamment dans le Grand Est, commencent à fleurir depuis peu.
Toutes les régions du Nord et de l’Est sont concernées
Il est aussi observé des parcelles qui entrent en floraison difficilement avec là aussi des pertes importantes de boutons floraux et une formation de siliques en nombre limité à ce jour. Des parcelles sans problème, avec un potentiel de siliques et une nouaison tout à fait normale sont également observées dans ces régions.
Des causes multifactorielles à ces problèmes de floraison
Un tel phénomène se manifeste sur un large secteur géographique et ne permet pas d’identifier une seule et unique cause capable d’expliquer tous les symptômes observés. On est typiquement dans le domaine des interactions.
Les premières investigations permettent de faire les constats suivants :
- Une partie des symptômes constatés résulte de dégâts de méligèthes (pédoncules courts et/ou morsures sur le bouton). Les vols de méligèthes ont été très conséquents cette année et les colzas ont eu une croissance très faible au printemps, augmentant ainsi la durée de sensibilité de la culture. Une partie de ces parcelles n’a pas été traitée, certains traitements ont été tardifs, ou une ré-infestation a été constatée. À noter, notamment dans les Hauts-de-France, des situations où la présence de méligèthes est encore problématique pour l'entrée en floraison du colza et il peut être envisagé une intervention dans ces situations.
mais que ce passe t-il dans les colza du pays haut lorrain? j’ai fais les mélighetes mais ça ne fleurit toujours pas..... pic.twitter.com/y1XxBG6QQx
— julien_54 ???????? (@BADURAUX_j) 23 avril 2018
- Les secteurs qui ont été fortement touchés par les larves de charançon du bourgeon terminal et de grosse altise sont aussi affectés par ces problèmes de floraison avec des parcelles très hétérogènes en stade. L’hétérogénéité s’observe également entre les parcelles, parfois côte à côte (il y a des parcelles en bon état qui côtoie d’autre en mauvais état).
- On observe aussi, comme autre facteur aggravant, des dégâts de charançon de la tige (tiges creuses et déformées) dans plusieurs parcelles.
- Dans d’autres situations, les insectes ne sont pas mis en cause. On constate comme en 2017, des avortements physiologiques, stoppant toute floraison et nouaison. Ce phénomène physiologique est probablement causé par une combinaison de facteurs climatiques et alimentaires. Malgré des fertilisations réalisées, les plantes semblent être en défaut d’alimentation et en incapacité temporaire à fournir en éléments les organes floraux, dans une période où les besoins en éléments sont très importants pour réaliser la floraison.
Les différentes hypothèses émises ci-dessus peuvent interagir entre elles et se cumuler, ce qui peut expliquer l’ampleur du phénomène.
La piste privilégiée pour expliquer ces avortements de boutons floraux et ce retard de floraison est une succession d’éléments climatiques survenus depuis la fin février ayant pour conséquence une incapacité temporaire à fournir en éléments les organes floraux.
Le premier élément majeur est les épisodes gélifs sévères de fin février – début mars qui ont défolié en partie certains colzas : de 30 à 50 %, de la biomasse en moins. Cette perte de feuilles a ainsi diminué les tissus photosynthétiques des plantes, et par conséquent limité les assimilats de carbone.
Le deuxième élément aggravant est le très faible rayonnement survenu sur les régions Nord-Est. Ce déficit de rayonnement va une nouvelle fois diminuer l’efficience de la photosynthèse et ainsi limiter l’accumulation d’assimilats carbonnés.
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— Emmanuel LEVEUGLE (@BIOmanu59) 26 avril 2018
À la mi-avril, les températures très élevées ont précipité l’avancée des stades qui concorde avec une forte demande d’éléments minéraux par les plantes. La plante n’arrivant pas à fournir l’énergie suffisante (rupture d’alimentation du fait du décalage entre l’offre et la demande) pour la sortie des fleurs et la formation des siliques, cela a donné lieu à des avortements. Toutefois la compensation du colza est possible comme cela a été constaté en 2010 et 2017.
Sur des essais suivis par les stations d'expérimentation Terres Inovia d'Ouges (21) et Liverdun (54) on constate que l'apparition des stades a été très rapide : 20 jours du début de la montaison à la pleine floraison !
Dans les parcelles hydromorphes, l'excès d'eau a entraîné une destruction partielle voire totale de la racine. Dans les cas les plus graves, la plante n'est plus suffisamment alimentée, ce qui stoppe la floraison ou la formation des jeunes siliques. Il n’y a à ce jour pas de lien constaté entre les avortements et de la phytotoxicité (rinçage de cuve d’herbicide céréales, régulateur au printemps…).
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