Outils de travail du sol Pièces d’usure : trouver le bon rapport qualité-prix
Remplacer les pièces d’usure sur le matériel de travail du sol représente un budget non négligeable pour les exploitations agricoles. L’offre est large avec des qualités et des prix variables. S’il n’y a pas de bon choix unique, il faut toutefois veiller à ce que cette tâche ne soit pas trop fréquente ni chronophage.
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En matière de travail du sol, les performances des outils et la qualité du résultat sont très dépendantes de l’état des éléments en contact avec le terrain : pointes, dents, socs, disques, versoirs, etc. Soumises à la contrainte des terres, parfois des pierres, ces pièces dites « d’usure » sont à remplacer régulièrement et peuvent représenter un budget élevé pour les exploitants en fonction des conditions d’utilisation et de la dimension des outils. « Les agriculteurs n’ont pas tous les mêmes contraintes, reconnaît Pierre Walter, responsable produit pièces de rechange chez Kuhn. Les pièces d’usure peuvent durer des centaines d’hectares ou seulement quelques dizaines. Dans certaines régions, c’est un vrai enjeu dans la gestion financière d’une exploitation. »
La texture des sols joue un rôle important. Notamment le taux de sable, qui rend les terres plus usantes. Interviennent aussi la faible humidité, la compaction éventuelle et la vitesse d’avancement. « Prédire une fréquence de remplacement est complexe, appuie Paul Dionis du Séjour, chef produit pièces de rechange chez Amazone. Nous donnons plutôt des préconisations en fonction de points de contrôle à réaliser, comme l’évolution du diamètre d’un disque ou de la longueur d’une dent. C’est important à surveiller : sur un semoir à disques, par exemple, la précision et la régularité du semis peuvent être impactées. »
Ces exigences de maintenance des outils de travail du sol génèrent un marché de la pièce d’usure important, au sein duquel bon nombre d’acteurs veulent avoir une place : les constructeurs en premier lieu, qui assurent le suivi du matériel vendu en proposant des pièces d’origine portant leur marque, des fabricants de pièces dites « adaptables » reproduisant des pièces de qualité plus ou moins équivalentes aux pièces d’origine, ainsi que des distributeurs (grossistes, concessionnaires, sites internet). Pour un constructeur comme Grégoire-Besson, spécialisé dans les outils de travail du sol, le chiffre d’affaires de la pièce représente 16 millions d’euros (M€), sur un total de 75 M€.
Raisonner en coût global à l’hectare
Du côté des agriculteurs, cette diversité de l’offre donne accès à une large gamme de prix, et la concurrence s’avère plutôt bénéfique pour maintenir des tarifs raisonnables. Car leur motivation à opter pour des pièces adaptables plutôt que d’origine est bien sûr le prix. « Nous sommes concurrencés par la pièce adaptable, donc nous exerçons une veille et nous nous adaptons pour éviter un écart de prix trop élevé, confie Joris Raflegeau, responsable pièces pour GB parts (Grégoire-Besson). L’an dernier, par exemple, nous avons remis à plat nos tarifs sur les versoirs. De plus, nous proposons deux gammes avec un ratio de prix d’environ 1 à 1,5 : l’une premium, Ironcarb, renforcée en carbone, et l’autre en qualité bore se rapprochant d’une pièce adaptable de haute qualité. »
« Les pièces d’usure peuvent durer des centaines d’hectares ou seulement quelques dizaines ; dans certaines régions, c’est un vrai enjeu dans la gestion financière d’une exploitation », Pierre Walter, responsable produit pièces de rechange chez Kuhn
Tous les constructeurs mettent en avant la qualité supérieure de leurs pièces d’origine, tandis que les pièces adaptables seraient des « copies plus ou moins bien faites » et « pas toujours régulières d’une fois sur l’autre » apportant moins de garanties. « Il faut avoir en tête qu’une pièce d’origine est développée en même temps que la machine, en prenant en compte les efforts et contraintes mesurés, souligne Pierre Walter. Si le profil ou l’épaisseur de la pièce adaptable diffèrent de la pièce d’origine, cela peut modifier l’intensité de ces efforts, avec un risque d’endommagement des éléments de structure. Par exemple, sur une herse rotative, une lame adaptable avec des plaquettes carbure est souvent plus épaisse que la lame d’origine. Les efforts sur les roulements à l’intérieur des carters seront plus importants. »
Or, les constructeurs sont susceptibles de remettre en question la garantie de l’outil s’ils considèrent qu’il y a eu mauvais usage… « Sur une pièce adaptable, il peut y avoir des nuances d’acier, mais on s’approche parfois de la pièce d’origine avec une qualité correcte, estime Joris Raflegeau. Toutefois, le risque vient aussi du respect du galbe de la pièce. La pièce d’usure est pensée en même temps que la machine, de façon à optimiser également la consommation de carburant. »
Pour Anthony Rambaud, responsable pièces Ouest et Sud pour Bednar, « l’agriculteur doit raisonner en coût global à l’hectare. Le surcoût des pièces d’origine peut être compensé par leur durée de vie et le temps économisé pour effectuer leur remplacement ».
Les agriculteurs ne reviennent pas en arrière
Au-delà du débat pièce d’origine versus pièce adaptable, se pose aussi pour les agriculteurs la question du choix de pièces renforcées au carbure de tungstène, plus coûteuses mais aussi plus résistantes. « Le carbure de tungstène a une densité deux fois supérieure à celle de l’acier, indique Arnaud Wynands, directeur commercial d’AgriCarb. Pourquoi les stylos Bic ne fuient plus dans les trousses aujourd’hui ? Parce que la bille est en carbure de tungstène et ne s’use pas ! Selon le type de machine et ses conditions d’utilisation, une pièce renforcée au carbure durera entre trois et sept fois plus longtemps, pour un prix trois à quatre fois plus élevé. »
Tout comme il existe des variations dans la composition de l’acier (alliage métallique composé de fer et de carbone), des nuances existent dans celle des plaquettes de carbure de tungstène, avec une influence sur la résistance du matériau et sur son coût. « Le nombre de recettes est infini, affirme Arnaud Wynands. Chez AgriCarb, nous utilisons deux recettes de poudres prêtes à l’emploi que nous achetons chez des carburiers, et nous fabriquons nos propres plaquettes. Nous ne sommes que deux entreprises à faire cela en Europe. Les plaquettes sont brasées sur des supports en acier. Nous avons aussi mis au point une technologie de rechargement au carbure de tungstène appliqué par robot. »
AgriCarb fabrique d’une part des pièces d’origine pour les constructeurs, et d’autre part des pièces adaptables pour les distributeurs. « Nous avons fait le choix du premium avec des pièces adaptables de "qualité origine". Elles restent toutefois différentes des pièces d’origine que nous développons conjointement avec les constructeurs, en exclusivité et en confidentialité », précise Arnaud Wynands.
« Selon le type de machine et ses conditions d’utilisation, une pièce renforcée au carbure durera entre trois et sept fois plus longtemps, pour un prix trois à quatre fois plus élevé », Arnaud Wynands, directeur commercial d’AgriCarb
« Les pièces renforcées au carbure sont destinées à un usage plus intensif, explique Paul Dionis du Séjour. Chez Amazone, nous proposons déjà des socs de déchaumeur et des pointes de charrue avec ou sans carbure. Nous aurons prochainement des dents de herse rotative renforcées en carbure. L’usage de ce type de pièces augmente en France. Les agriculteurs qui les testent ne reviennent pas en arrière. Cela permet surtout de gagner du temps, car il faut remplacer les pièces moins souvent. » De son côté, Pierre Walter détaille : « Chez Kuhn, nous proposons trois gammes : les pièces standards convenant très bien à de nombreux clients, celles de la gamme Durakuhn avec un revêtement de carbure multipliant la durée de vie par trois sans multiplier le prix par trois, et les pièces de la gamme Durakarb, renforcées par des plaquettes de carbure de tungstène, qui multiplie la durée de vie par huit pour un prix bien inférieur à la multiplication par huit ! »
Maîtriser la chaîne d’approvisionnement
Comment l’agriculteur peut-il s’orienter dans l’offre existante ? Quel est le meilleur rapport qualité-prix en fonction de ses conditions d’utilisation ? Pour répondre à ces questions, le concessionnaire de proximité constitue un acteur important. Le grossiste néerlandais Kramp, l’un des leaders du marché présent dans 24 pays européens, achète des pièces détachées partout dans le monde. Il vient d’agrandir de 6 000 m2 son entrepôt de Poitiers (l’un des 11 en Europe), qui atteint désormais 30 000 m2.
« Nous proposons de l’entrée de gamme, de la moyenne et du haut de gamme, car nous voulons laisser le choix à l’utilisateur, témoigne François Richard, le directeur général France. Nous commercialisons à la fois des pièces d’origine et des pièces adaptables, en nous appuyant sur les concessionnaires. Nous croyons à leur valeur ajoutée en termes de lien de proximité, de conseil et de service. Car pour certaines pièces, c’est parfois difficile de s’y retrouver ou de faire le bon choix. Nous avons développé une solution digitale passant par les distributeurs locaux. On trouve pléthore de sites de vente sur internet, mais ce qui compte, c’est aussi de maîtriser la chaîne d’approvisionnement. »
Les concessionnaires Kuhn sont approvisionnés depuis la fonderie du constructeur en Alsace. Pour Amazone, un camion fait le trajet chaque nuit entre l’usine allemande et l’entrepôt de la marque en Eure-et-Loir, afin d’honorer au mieux les commandes du réseau de distributeurs. Le constructeur tchèque Bednar, pour sa part, dispose de sous-traitants pour les pièces d’usure en Allemagne et même en France (Forges de Niaux, en Ardèche, pour les disques). « Nous n’avons pas d’entrepôt en France, mais chacun de nos 30 concessionnaires a son propre stock pour répondre rapidement aux demandes », déclare Anthony Rambaud.
Afin de permettre à leurs réseaux de concessionnaires de vendre des pièces d’origine à un tarif maîtrisé, les constructeurs proposent des mortes-saisons au cours desquelles les magasins ont la possibilité de constituer des stocks. Ils proposent aussi, de façon régulière, des accompagnements ou des formations pour sensibiliser distributeurs et agriculteurs aux bonnes pratiques permettant d’optimiser le remplacement des pièces d’usure.
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