Blé tendre : les mélanges variétaux, un levier pour stabiliser les rendements ?
Les gains de rendements des mélanges variétaux sont souvent faibles, comparés à des variétés cultivées pures. Mais les rendements des mélanges sont-ils plus stables face aux aléas climatiques ? Une série d’essais pluriannuels conduits par Arvalis apporte des éléments de réponse.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Les mélanges variétaux représentent aujourd’hui une part non négligeable de la sole en blé tendre, avoisinant les 20 % en France. En matière de rendement, les bénéfices sont connus : les gains restent modestes, avec une moyenne de + 0,5 q/ha par rapport aux variétés pures, et des écarts allant de - 5,5 à + 6 q/ha.
Néanmoins, ces mélanges permettent-ils de mieux amortir les aléas climatiques ? Pour répondre à cette question, Arvalis a comparé pendant trois ans (de 2022 à 2024) les performances de variétés semées en mélange sur la même parcelle à celles des mêmes variétés conduites en pur sur des parcelles différentes (on parle alors de bouquets de variétés). Au total, 116 essais ont été validés, dont 40 % en collaboration avec des acteurs de la filière (tableau ci-dessous).
Ces essais ont permis d’évaluer des mélanges associant des variétés de précocités différentes, choisies pour leur adaptation aux zones agroclimatiques locales, ainsi que des variétés présentant des profils de composantes de rendement très contrastés (nombre d’épis/m², poids de mille grains, fertilité des épis). Les combinaisons testées visaient à tirer parti des complémentarités entre variétés. Les performances en rendement de ces mélanges et de la moyenne des variétés pures qui les composent sont représentées dans la figure ci-dessous.
NS : Différence non significative. S : Différence significative.
Moins de septoriose dans les mélanges
Un des résultats marquants concerne la septoriose. Les mélanges ont présenté des niveaux d’attaque significativement moindres que la moyenne des variétés qui les composent prises isolément. Ce constat est particulièrement frappant en 2024, année marquée par une pression septoriose exceptionnelle, où les mélanges affichaient en moyenne 10 % de symptômes en moins.
En analysant la composition des mélanges, il semble préférable de ne pas dépasser le seuil d’un quart de variétés sensibles au sein du mélange pour limiter l’impact de la septoriose. Un effet connu, mais ici quantifié objectivement.
Même dynamique observée vis-à-vis de la verse : les variétés en mélange jouent entre elles un rôle de soutien mutuel, comme un effet tuteur. Plus l’écart de verse entre les variétés est marqué, plus le rendement du mélange dépasse celui des variétés conduites séparément. Ce point mérite toutefois d’être approfondi pour mieux comprendre les mécanismes en jeu.
Vers une meilleure stabilité face aux aléas ?
Pour évaluer la stabilité des rendements, les chercheurs ont mobilisé un modèle mathématique visant à caractériser la stabilité dynamique des mélanges, c’est-à-dire leur capacité à maintenir des performances relatives constantes malgré les stress biotiques et abiotiques (climat, maladies, etc.). En effet, deux variétés peuvent réagir très différemment à un même contexte environnemental. Une variété est dite stable lorsqu’elle présente peu de variation de rendement relatif selon les années ou les lieux, autrement dit lorsque son classement par rapport aux autres variétés est faiblement influencé par les variations des conditions environnementales.
La diversification variétale est une stratégie efficace pour sécuriser les rendements
Les résultats montrent sans ambiguïté que la diversification variétale est une stratégie efficace pour sécuriser les rendements. Sur les trois campagnes d'essais, le semis de quatre variétés, en mélange ou en bouquet de variétés, a permis de réduire de 80 % la variabilité du rendement liée aux interactions génotype X environnement (figure ci-dessous). Les écarts de stabilité relative entre les stratégies « bouquet » ou « mélange » ne sont pas élevés. En pluriannuel, aucune différence n’a pu être mise en évidence entre les mélanges de variétés ayant des composantes de rendement très contrastées et leurs équivalents en bouquet de variétés pures.
Les boîtes à moustache représentent la distribution des variances des variétés pures, les points rouges les variances estimées des mélanges et les points verts celles des bouquets (moyenne des 4 variétés pures). Plus la variance est faible, plus la modalité est stable.
Les résultats sont assez similaires pour les mélanges de précocités différentes, à l’exception notable de ceux observés dans le Nord en 2024, fortement impactés par la septoriose. Ces résultats sont probablement très dépendants des scénarios climatiques et des variétés. Ils mériteraient d’être consolidés sur un nombre d’années plus important. De plus, cette stratégie d’associer des variétés de précocités très contrastées au sein d’un mélange soulève des questions de conduite de culture et de calage des interventions.
Ces trois années d’essais ont permis de montrer que dans des situations très particulières - en présence de verse significative, ou d’une pression exceptionnelle de septoriose - les contreperformances d’une variété sensible pouvaient en partie être réduites ou compensées au sein d’un mélange, à condition qu’elle n’y soit pas présente en proportion trop importante. Ce constat ne remet pas en cause les précédents travaux sur le sujet, démontrant que, dans la très grande majorité des situations, les performances d’un mélange restent très proches de celles de la moyenne des variétés pures qui le composent. En revanche, ces résultats confirment un point essentiel : quelle que soit la stratégie retenue, la diversification variétale constitue un levier efficace pour améliorer la stabilité des performances dans le temps.
Auteurs : Philippe du Cheyron (Arvalis), Charles Baudart.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :