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Interview d'Alain Jeanroy (Cgb) Biocarburants et betteraves : « Une alternative intéressante »

A la pompe, les prix des biocarburants Sp95-E10 et E85 séduisent de plus en plus d'automobilistes français. Mais qu'en est-il pour les producteurs ? Quel avenir peut-on envisager pour cette filière ? Des questions auxquelles répond Alain Jeanroy, directeur général de la Confédération Générale des Planteurs de Betteraves (Cgb). Interview.

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La France réalise plus du quart de la production européenne de bioéthanol. (© Collective du Bioéthanol)
Terre-net Média (Tnm) : Que représente aujourd'hui la production de bioéthanol dans les campagnes françaises ?

Alain Jeanroy (AJ) : « La France est le premier pays producteur en Europe, avec une capacité totale de production de 13 millions d'hectolitres. Aujourd'hui, nous travaillons avec 26.000 agriculteurs. Le bioéthanol représente près de 60.000 ha de betteraves et 200.000 ha de blé. Cela correspond à un peu moins de 1 % de la Sau française. Chaque hectare de céréales peut donner jusqu'à 3.000 l de bioéthanol, et chaque hectare de betteraves environ 9.600 l. Près d'un milliard d'euros ont été investis par les agriculteurs et les industriels. »

Autour de 25 €/t


Alain Jeanroy, directeur général de la
Confédération Générale des Planteurs
de Betteraves. (© Cgb)
Tnm : Quel est l'intérêt pour un producteur de betteraves de participer à la production de bioéthanol ?

AJ : « C'est une alternative économiquement intéressante pour diversifier ses débouchés. Concernant la betterave, nous sommes par exemple aujourd'hui autour de 25 €/t, ce qui est proche du minimum garanti par les industries sucrières, avec des prix stables d'une campagne à l'autre. Ils n'ont évolué que sur 10 à 15 % durant la dernière campagne, selon les sucreries. De plus la consommation de bioéthanol en France est à la hausse. »

Ndlr : Si la situation est favorable en betteraves, elle est en revanche plus délicate en céréales car le rendement est plus faible et la conjoncture économique a fortement évolué ces dernières années.
La flambée des cours sur les marchés a porté les prix des céréales à des niveaux supérieurs à ceux proposés dans la filière bioéthanol, qui doit son fort développement en 2005 à la faiblesse des cours. Mais dès 2007, leur remontée a mis à plat la rentabilité de la filière blé éthanol et a détourné les céréaliers de la contractualisation de leur production pour le bioéthanol.

Un rendement énergétique deux fois
supérieur à celui de l'essence

Tnm : Du point de vue des gaz à effet de serre, qu'est-ce qu'apportent les biocarburants ?

AJ : « Une étude de l'Ademe, publiée en 2010, démontre que le rendement énergétique du bioéthanol est deux fois supérieur à celui de l'essence, (respectivement 1,7 et 0,82). Cela signifie que pour chaque unité énergétique de pétrole consommée, notre filière restitue 1,7 unité énergétique de bioéthanol. Cette étude prend en compte la période "de la graine au réservoir". Elle démontre également qu'il y a une réduction des gaz à effet de serre de 66 % pour le bioéthanol de betterave, par rapport à l'essence. »

Tnm : En octobre 2012, la société américaine Joule Unlimited a présenté un carburant de synthèse, produit par des bactéries à partir de CO2. Quel sera l'impact de cette avancée technologique sur le bioéthanol ?

AJ : « Beaucoup d'avancées sont réalisées en laboratoire. Mais il faut attendre les résultats d'une production à grande échelle pour savoir si les promesses sont tenues. »

Le bioéthanol plus taxé que l'essence

Tnm : Quelles évolutions attend la filière dans les prochaines années ?

AJ : « Il y en a deux. La première évolution est d'ordre fiscal. Depuis 1992, les biocarburants bénéficient d'une exonération partielle de la taxe intérieure de consommation énergétique (Ticpe), pour compenser leur surcoût de production par rapport aux énergies fossiles. Cette exonération ne cesse de diminuer, de 37 centimes par litre (c/l) en 2004, elle est passée à 14 c/l en 2011, pour disparaître sans doute en 2015.

Si on compare à kilomètre parcouru équivalent, le bioéthanol est en fait plus taxé que l'essence. Au final, l'Etat a reçu 0,47 milliard d'euros de recettes fiscales supplémentaires entre 2005 et 2010 suite à l'incorporation du bioéthanol. L'Etat est bénéficiaire de la politique fiscale destinée à soutenir la filière !

La deuxième évolution est d'ordre technologique avec, à l'horizon 2020 des biocarburants de seconde génération. Ces produits seront issus de la fermentation de matières premières cellulosiques comme le bois ou la paille. Près de 74 millions d'euros ont été investis dans le projet Futurol pour le développer. »

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