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Inauguré il y a neuf mois à Pomacle-Bazancourt (Marne), le bâtiment moderne de Futurol, atelier parcouru de tuyaux et de grandes cuves encore étincelantes, baigne dans une odeur douçâtre voisine du pruneau. C'est la première usine pilote en son genre et pour l'heure la seule de l'Hexagone. Branches, pailles, herbes folles : ici, on transforme tout ce qu'on peut en carburant, à la condition que ça ne se mange pas ou presque. Broyés, cuits à la vapeur et à l'acide à 250 degrés, rongés par les enzymes et dopés par les levures, les végétaux crachent leur cellulose, transformée en sucre, puis en éthanol, c'est-à-dire en alcool.
« Je n'ai aucune prétention à remplacer la première génération »
Ce dernier est en tout point identique à l'éthanol dit de première génération qui sort de la vaste usine voisine du groupe Cristal Union. Sauf qu'il répond à une des principales critiques adressées aux biocarburants (elle-même sujette à débat): celle d'affamer les plus pauvres en faisant bondir les prix du blé, du maïs et des terres arables en général.
Des projets existent aussi pour des biodiesels « 2G » afin d'utiliser bois et plantes à la place du colza. Mais n'attendez pas la deuxième génération de carburants renouvelables en sauveur, prévient-on jusque dans les rangs de ses promoteurs. « Je n'ai aucune prétention à remplacer la première génération, parce qu'on y arrivera pas », tranche Frédéric Martel, le pilote du projet. « Mais j'y crois vraiment en complément ». Par exemple lorsque les cours des céréales flambent.
Presque trois plus cher que l'essence
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Conséquence: avec un prix de revient d'un euro le litre, l'éthanol 2G reste encore plus de deux fois plus cher que son aîné et presque trois fois plus que l'essence. « L'objectif, c'est de les rattraper. On part de loin : en 2006, on était à 4 euros le litre », se souvient M. Martel.
En France, environ 6,5 % des carburants consommés sont des biocarburants, selon le Syndicat National des Producteurs d'Alcool Agricole (Snpaa). Une présence quasi-invisible, biodiesel et éthanol étant pour l'immense majorité vendus mélangés à l'essence ou au diesel « classiques ».
La filière bénéficie d'un mécanisme de réduction fiscale (de 14 centimes le litre pour l'éthanol et 8 centimes pour le biodiesel) censé favoriser le leadership européen en biodiesel et permettre de résister aux deux géants de l'éthanol: le Brésil et sa canne à sucre, qui produit quatre fois plus que l'Europe et surtout les Etats-Unis et son maïs: dix fois plus.
En attendant, une troisième génération se profile déjà à l'horizon: du côté de Cristal Union, qui n'est pas associée à Futurol et dont le directeur de la branche éthanol Jérôme Bignon dit croire davantage aux technologies encore balbutiantes utilisant les algues et les bactéries.
Biocarburants - Les principaux projets en FranceVoici les principaux projets de biocarburants actuellement en France. La filière biocarburants revendique 11.000 emplois (6.300 dans le biodiesel et 5.000 dans le bioéthanol) avec 29 sites industriels, dont plusieurs ont été construits ou rénovés ces dernières années. Futurol : Cette usine pilote implantée au nord de Reims (Marne) est la première à produire (en petites quantités) des biocarburants de deuxième génération en France. Elle utilise divers végétaux (bois, paille, cultures d'herbe dédiées), dont elle extrait la cellulose avec l'aide d'enzymes, avant une fermentation par levures et une distillation donnant du bioéthanol. Biotfuel : Lancé début 2010, ce projet de 112,7 millions d'euros prévoit la construction de deux démonstrateurs, l'un sur un site du spécialiste des huiles Sofiprotéol à Compiègne (Oise), et l'autre sur le site de l'ancienne raffinerie Total à Dunkerque (Nord) d'ici 2013. Syndiese : Prévu à cheval entre la Meuse et la Haute-Marne près de Bure, ce projet de biocarburant de deuxième génération, basé sur la filière bois, se caractérise par l'idée d'injecter de l'hydrogène pour améliorer les rendements, une technique revendiquée comme une première mondiale. Gaya : Lancé en 2010, ce projet de biogaz (biométhane) de deuxième génération estimé à 45 millions d'euros doit être concrétisé à Lyon en 2013 via une site de recherche et de démonstration industrielle. |
Biocarburants - Première, deuxième et troisième générationsLes biocarburants ou agrocarburants sont des carburants issus de la biomasse (et non pas biologiques), c'est-à-dire de l'énergie contenue dans les matières organiques, en premier lieu des végétaux. On distingue en la matière trois générations, la première étant déjà bien développée à échelle industrielle, la deuxième avec des prototypes, la troisième étant la dernière née au stade des projets. Première génération : Les biocarburants prennent principalement deux formes : l'éthanol, obtenu principalement via la canne à sucre, le maïs, la betterave et les céréales (les résidus servent à l'alimentation animale), et le biodiesel, à base d'huile tirée principalement du colza, du soja ou encore du tournesol. On peut également y ajouter le biogaz, issu de déchets organiques. Deuxième génération : On désigne habituellement par deuxième génération les biocarburants utilisant de la matière organique n'entrant pas en conflit avec l'alimentation ou utilisant des végétaux poussant sur des terres agricoles de mauvaise qualité. Deux techniques existent pour la mettre au point: la méthode biochimique, avec des enzymes et une fermentation avec des levures. Ou thermochimique : la gazéification puis le retour au stade liquide avec la méthode Fischer-Tropsch. Une méthode qui remonte en réalité aux années 1920 et qui a permis à l'Allemagne nazie ou à l'Afrique du Sud de l'apartheid de produire du carburant à base de charbon. Troisième génération : La principale piste pour ces biocarburants consiste à utiliser des algues, dont les teneurs en huile sont très largement supérieures à celles du colza ou du soja. Une des difficultés consiste à produire de grandes quantités d'algues à échelle industrielle. D'autres pistes existent via des bactéries ou organismes (éventuellement génétiquement modifiés). |