Dans la Marne, la France tente de passer la deuxième

Dans la Marne, la France tente de passer la deuxième

La France est le 4e producteur mondiale d'agrocarburants
En France, 6,5 % des carburants consommés sont des agrocarburants. (© Terre-net Média)

Numéro 4 mondiale des biocarburants, la France est en course pour développer une deuxième génération de produits n'entrant pas en concurrence avec la production de céréales ou d'oléagineux. Mais le modèle économique reste un grand point d'interrogation.

Inauguré il y a neuf mois à Pomacle-Bazancourt (Marne), le bâtiment moderne de Futurol, atelier parcouru de tuyaux et de grandes cuves encore étincelantes, baigne dans une odeur douçâtre voisine du pruneau. C'est la première usine pilote en son genre et pour l'heure la seule de l'Hexagone. Branches, pailles, herbes folles : ici, on transforme tout ce qu'on peut en carburant, à la condition que ça ne se mange pas ou presque. Broyés, cuits à la vapeur et à l'acide à 250 degrés, rongés par les enzymes et dopés par les levures, les végétaux crachent leur cellulose, transformée en sucre, puis en éthanol, c'est-à-dire en alcool.

« Je n'ai aucune prétention à remplacer la première génération »

Ce dernier est en tout point identique à l'éthanol dit de première génération qui sort de la vaste usine voisine du groupe Cristal Union. Sauf qu'il répond à une des principales critiques adressées aux biocarburants (elle-même sujette à débat): celle d'affamer les plus pauvres en faisant bondir les prix du blé, du maïs et des terres arables en général.

Des projets existent aussi pour des biodiesels « 2G » afin d'utiliser bois et plantes à la place du colza. Mais n'attendez pas la deuxième génération de carburants renouvelables en sauveur, prévient-on jusque dans les rangs de ses promoteurs. « Je n'ai aucune prétention à remplacer la première génération, parce qu'on y arrivera pas », tranche Frédéric Martel, le pilote du projet. « Mais j'y crois vraiment en complément ». Par exemple lorsque les cours des céréales flambent.

Presque trois plus cher que l'essence

L'éthanol
La filière des agrocarburants bénéficie
d'un mécanisme de réduction fiscale censé
favoriser le leadership européen.
(© Terre-net Média)

L'an prochain, les onze actionnaires de Futurol, parmi lesquels figurent le sucrier Téréos (Beghin Say) et Total, doivent décider si l'expérience s'arrête ou pas. Si le projet est validé, un prototype à la capacité 100 fois plus grande verrait le jour vers 2016. Mais les obstacles ne manquent pas: extirper de l'alcool de bois ou de la paille est un défi techniquement plus complexe qu'avec le grain ou de la betterave. Il faut trouver les approvisionnements importants des végétaux nécessaires.
Conséquence: avec un prix de revient d'un euro le litre, l'éthanol 2G reste encore plus de deux fois plus cher que son aîné et presque trois fois plus que l'essence. « L'objectif, c'est de les rattraper. On part de loin : en 2006, on était à 4 euros le litre », se souvient M. Martel.

En France, environ 6,5 % des carburants consommés sont des biocarburants, selon le Syndicat National des Producteurs d'Alcool Agricole (Snpaa). Une présence quasi-invisible, biodiesel et éthanol étant pour l'immense majorité vendus mélangés à l'essence ou au diesel « classiques ».
La filière bénéficie d'un mécanisme de réduction fiscale (de 14 centimes le litre pour l'éthanol et 8 centimes pour le biodiesel) censé favoriser le leadership européen en biodiesel et permettre de résister aux deux géants de l'éthanol: le Brésil et sa canne à sucre, qui produit quatre fois plus que l'Europe et surtout les Etats-Unis et son maïs: dix fois plus.

En attendant, une troisième génération se profile déjà à l'horizon: du côté de Cristal Union, qui n'est pas associée à Futurol et dont le directeur de la branche éthanol Jérôme Bignon dit croire davantage aux technologies encore balbutiantes utilisant les algues et les bactéries.

Biocarburants - Les principaux projets en France

Voici les principaux projets de biocarburants actuellement en France. La filière biocarburants revendique 11.000 emplois (6.300 dans le biodiesel et 5.000 dans le bioéthanol) avec 29 sites industriels, dont plusieurs ont été construits ou rénovés ces dernières années.

Futurol :

Cette usine pilote implantée au nord de Reims (Marne) est la première à produire (en petites quantités) des biocarburants de deuxième génération en France. Elle utilise divers végétaux (bois, paille, cultures d'herbe dédiées), dont elle extrait la cellulose avec l'aide d'enzymes, avant une fermentation par levures et une distillation donnant du bioéthanol.
D'une capacité théorique de 180.000 litres par an, elle a été inaugurée en octobre 2011. Son budget s'élève à 76,4 millions d'euros. En 2013, une décision doit être prise concernant la poursuite du projet, qui prévoit notamment un prototype industriel pouvant produire 18 millions de litre par an.
Actionnaires et partenaires : Agro-industrie Recherche et Développement (Ard), Confédération Générale des Planteurs de Betteraves, Vivescia (ex-Champagne Céréales), Crédit Agricole, Ifp Energies Nouvelles, Inra, Lesaffre, Onf, Tereos, Total, Unigrains.

Biotfuel :

Lancé début 2010, ce projet de 112,7 millions d'euros prévoit la construction de deux démonstrateurs, l'un sur un site du spécialiste des huiles Sofiprotéol à Compiègne (Oise), et l'autre sur le site de l'ancienne raffinerie Total à Dunkerque (Nord) d'ici 2013.
La méthode consiste à successivement torréfier, gazifier puis liquéfier de la biomasse (bois, résidus végétaux). Une partie d'hydrocarbures sera ajoutée pour stabiliser la production, avec un objectif de 200.000 litres de biodiesels et de biokérozène en 2020.
Actionnaires et partenaires : Sofiprotéol, Total, Ifp Energies Nouvelles, Cea, Axens, Thyssen-Krupp

Syndiese :

Prévu à cheval entre la Meuse et la Haute-Marne près de Bure, ce projet de biocarburant de deuxième génération, basé sur la filière bois, se caractérise par l'idée d'injecter de l'hydrogène pour améliorer les rendements, une technique revendiquée comme une première mondiale.
Il est principalement piloté par le Cea, Air Liquide étant également impliqué.

Gaya :

Lancé en 2010, ce projet de biogaz (biométhane) de deuxième génération estimé à 45 millions d'euros doit être concrétisé à Lyon en 2013 via une site de recherche et de démonstration industrielle.
Associé à 11 industriels et organes universitaires, il est chapeauté par Gdf Suez, qui vise une application industrielle en 2017.

 

Biocarburants - Première, deuxième et troisième générations

Les biocarburants ou agrocarburants sont des carburants issus de la biomasse (et non pas biologiques), c'est-à-dire de l'énergie contenue dans les matières organiques, en premier lieu des végétaux. On distingue en la matière trois générations, la première étant déjà bien développée à échelle industrielle, la deuxième avec des prototypes, la troisième étant la dernière née au stade des projets.

Première génération :

Les biocarburants prennent principalement deux formes : l'éthanol, obtenu principalement via la canne à sucre, le maïs, la betterave et les céréales (les résidus servent à l'alimentation animale), et le biodiesel, à base d'huile tirée principalement du colza, du soja ou encore du tournesol. On peut également y ajouter le biogaz, issu de déchets organiques.
L'éthanol à lui seul a représenté en 2011 un marché de 82,7 milliards de dollars, selon le cabinet Pike Research. Les Etats-Unis en sont de très loin les premiers producteurs mondiaux, devant le Brésil.
La production, qui s'est stabilisée autour de 85 milliards de litres depuis 2010 et devrait rester à ce niveau cette année selon le cabinet F.O. Licht, est dominée de très loin par les Etats-Unis avec près de 60 % du marché, devant le Brésil (environ 25 %) et l'Union Européenne (6 %).
L'Europe domine en revanche la production de biodiesel, l'Allemagne étant historiquement le premier producteur mondial, même si les Etats-Unis, l'Argentine et le Brésil ont nettement augmenté leur production ces dernières années.

Deuxième génération :

On désigne habituellement par deuxième génération les biocarburants utilisant de la matière organique n'entrant pas en conflit avec l'alimentation ou utilisant des végétaux poussant sur des terres agricoles de mauvaise qualité. Deux techniques existent pour la mettre au point: la méthode biochimique, avec des enzymes et une fermentation avec des levures. Ou thermochimique : la gazéification puis le retour au stade liquide avec la méthode Fischer-Tropsch. Une méthode qui remonte en réalité aux années 1920 et qui a permis à l'Allemagne nazie ou à l'Afrique du Sud de l'apartheid de produire du carburant à base de charbon.

Troisième génération :

La principale piste pour ces biocarburants consiste à utiliser des algues, dont les teneurs en huile sont très largement supérieures à celles du colza ou du soja. Une des difficultés consiste à produire de grandes quantités d'algues à échelle industrielle. D'autres pistes existent via des bactéries ou organismes (éventuellement génétiquement modifiés).

 

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