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Politique foncière « La préservation des terres agricoles doit devenir une cause nationale »

La lutte contre l’artificialisation des terres est un combat mené de front par les deux ministres de l’Agriculture et de l’Egalité des territoires, socialiste et écologiste. Ils ont répondu à l’invitation de Brigitte Allain, députée de Dordogne, Eelv et ancienne porte-parole de la Confédération paysanne pour participer à son colloque organisé à Paris.

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A droite Brigitte Allain, députée Eelv de Dordogne, organisatrice du colloque (©Eelv)
La préservation des terres agricoles doit devenir une cause nationale et européenne.  Elle doit être transcrite dans l’ensemble des politiques publiques avec des outils et des cadres renouvelés ».

Le colloque "Terres nourricières, réserve d’emploi" organisé le 19 décembre 2013 par Brigitte Allain, députée de Dordogne (Eelv) à l’Assemblée nationale à Paris a porté sur la préservation des terres agricoles, la régulation du marché foncier et l’installation massive de jeunes porteurs de projets « hors cadre familial » avec en toile de fond, la lutte contre l’artificialisation et l’agrandissement des exploitations.

Deux ministres écologiste et socialiste ont répondu à l’invitation de la députée de Dordogne également paysanne et ancienne porte-parole de la Confédération paysanne. Mais aucun parti n’a le monopole du foncier !

Deux ministres présents

Venus séparément, sans se croiser, Cécile Duflot, ministre de l’Egalité des territoires et Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture ont montré qu’ils mènent cependant le même combat mais sur deux fronts différents ! Avec face à eux un public de partisans d’un modèle agricole alternatif, autrement dit, loin des aspirations du syndicalisme majoritaire !

Des débats, il ressort que la préservation des terres agricoles repose sur des initiatives locales en utilisant les outils déjà disponibles comme par exemple la délimitation de zones agricoles protégées (Zap). Ces outils mettent les terres à l’abri de la spéculation des prix et plus communément des plans d’urbanisme (Plu, Scot Etc) révisables.

Mais les dispositifs actuellement en vigueur sont appelés à être renforcés par de nouveaux textes de loi visant à accroître les rôles des contrôles de structures particulièrement affaiblis depuis 2006.

Deux projets de loi 

Deux projets de loi sont justement « dans les tuyaux » et un troisième est appelé à l’être. Et comme le colloque du 19 décembre s’est déroulé à l’Assemblée nationale, Stéphane Le Foll et Cécile Duflot, n’ont eu que quelques centaines de mètres à parcourir pour en rappeler les grandes lignes et montré ainsi qu’ils sont en phase avec le thème du colloque organisé par Brigitte Allain. 

Au centre, Dominique Potier, député socialiste de Meurthe-et-Moselle, auteur d'un
projet de loi sur le renforcement des outils de gestion du foncier agricole. Il participait au colloque organisé
 par Brigitte Allain, députée Eelv de Dordogne. (©Assemblée nationale)
  

Un volet important du projet de loi « Accès au logement et urbanisme rénové » (Alur) de Cécile Duflot vise à limiter l’artificialisation des terres et à préserver ces dernières de la spéculation foncière en les rendant inaccessibles aux futurs agriculteurs souhaitant s’installer. Cela passe inévitablement par une nouvelle architecture législative et réglementaire.

L’article 58 du projet de loi Alur « clarifie la hiérarchie des normes en matière d'urbanisme en plaçant à son sommet les schémas de cohérence territoriale (Scot) et il impose au plan local d’urbanisme (Plu) de prendre en compte le Scot dans un délai d'un an. » Le texte prévoit aussi de limiter l’urbanisation dans les communes non couvertes par un Scot : application à tout territoire au 30 juin 2015 et il rend obligatoire de remettre en état des terrains par le porteur d'un projet.  

Cécile Duflot souhaite que les petites communes aient davantage accès à l’ingénierie foncière pour disposer des moyens nécessaires pour limiter l’artificialisation des terres. Il faut repenser, selon elle, la gestion des territoires et de leurs terres en ayant une approche décentralisée et locale des projets d’aménagement des territoires. Avec la nécessité de donner à chacun d’eux des capacités de développement autonomes.

En effet, la pérennité des territoires ruraux repose sur des activités économiques qui leur sont propres. S'ils ne sont que des lieux récréatifs pour les urbains, leurs rôles seront minimisés et leur avenir deviendra incertain.

Une politique foncière claire

En clôturant le colloque, Stéphane Le Foll a davantage axé son discours sur la nécessité de réguler le marché foncier (prix, cessions) en se fixant comme objectif le maintien d’emplois en zones rurales et la préservation d’un modèle d’exploitation agricole de dimension familiale riche en emplois.

Le projet de loi d’avenir pour l’Agriculture comporte plusieurs articles ayant trait à la transmission d’exploitations agricoles, à la préservation des terres ou encore au contrôle des structures. 

« Aucune politique agricole ne peut être envisagée sans une politique foncière claire », a déclaré le ministre de l’Agriculture. « Les règles retenues pour mettre en œuvre la Pac en 2015 s’appuient fortement sur le couple emploi/hectares cultivés en majorant les aides des 52 premiers hectares », a-t-il rappelé.

Les propositions de Dominique Potier

Invité lui aussi à débattre au colloque, Dominique Potier, député socialiste de Meurthe-et-Moselle et agriculteur, s’appuie sur son expérience pour présenter à son tour son projet de loi de deux articles visant lui aussi au renforcement des outils de gestion du foncier agricole.

L’article 1 permet de rétablir un contrôle des structures efficace en soumettant au contrôle de l’État les situations suivantes : le retrait d’un associé-exploitant d’une société agricole, l’exploitation de plusieurs entités par un même agriculteur, et le changement de répartition des parts sociales faisant franchir à un associé le seuil de 50 % ou générant une modification substantielle du contrôle de la société.

Cet article ajoute une quatrième condition au régime déclaratif des biens de famille : le déclarant ne doit pas être exploitant dans une autre exploitation au jour de la demande. Cette dernière modification permet de maintenir le régime de faveur des biens de famille, tout en mettant fin aux abus constatés. Le passage par le contrôle des structures permet de s’assurer de la compatibilité de l’exploitation ainsi reconstituée avec le schéma directeur départemental des structures.

L’article 2 permet de renforcer l’action des Safer en élargissant leur droit de préemption aux situations suivantes : l’aliénation à titre onéreux de droits démembrés d’usufruit et de nue-propriété, et la vente de parts sociales.

A ce jour, Dominique Potier déplore que « les dispositions de la loi d’orientation agricole de 2006 aient soustrait un nombre important d’opérations sociétaires au contrôle des structures, telles que le contrôle du retrait d’un associé, du changement de répartition des parts sociales et de la double participation ».

Il a aussi constaté que « les Safer sont impuissantes lorsqu’un bien agricole est incorporé dans une société civile immobilière dont les parts sont ultérieurement vendues. En conséquence, il leur est impossible de poursuivre leur mission d’intérêt général, qui vise notamment à promouvoir l’installation des agriculteurs et à lutter contre la spéculation foncière ».

Enfin, « les ventes en démembrement de propriété se sont multipliées afin de contourner le droit de préemption des Safer, puisque la loi les autorise à préempter les biens en pleine propriété, mais leur interdit d’en préempter l’usufruit ou la nue-propriété ».

La politique foncière et l’accès à la terre restent des sujets passionnés. Lors du colloque, les trois projets de loi présentés ont paru quelque peu décalés par rapport à certains propos échangés parmi le public et certains participants, tous partisans d’une politique agricole alternative pour faciliter l’installation. Selon eux, renforcer le contrôle des structures et les outils de gestion du foncier sous-entendent une remise en cause de certains aspects du droit à la propriété et l’instauration d’un nouveau modèle économique. Alors qu'il est urgent de trouver des solutions pragmatiques.

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